Le gouvernement socialiste vient de désigner Yamina Benguigui au poste de ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée de la Francophonie.

Il tient ainsi à marquer son intérêt pour la défense et le développement du français à l’étranger.

Il est donc nécessaire de rappeler, encore une fois, qu’Israël est l’oublié de l’Organisation de la Francophonie.

Abdou Diouf, son secrétaire général, s’était plaint dans un article au Monde du « désamour, désintérêt des Français pour la Francophonie » sans pouvoir détecter les causes.

Il feint d’ignorer que les soixante huit Etats et gouvernements répartis sur l’ensemble des continents se sont comportés en fossoyeurs de l’organisation car ils l’ont tout simplement politisée.

Au lieu de promouvoir la langue et la culture françaises et de combattre l’impérialisme réel et envahissant de la culture anglo-américaine, les Sommets de la francophonie ont fixé des ordres du jour strictement politiques : paix et droits de l’homme, démocratie et économie, technologie et environnement, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale, et enfin Egalité femmes/hommes.

Tout a été organisé pour que la politique et l’idéologie priment sur la culture et la linguistique. Si les politiques avaient été exclus de ces réunions, les combats n’auraient été que littéraires.

Nul n’ignore qu’Israël, avec ses centaines de milliers d’originaires des anciennes colonies françaises et des pays de l’Est amoureux du français, est exclu de l’organisation par suite du véto de certains pays dont l’intransigeance vis à vis du pays hébreu va jusqu’à prendre la culture en otage.

Pourtant M. Diouf avait estimé, à juste titre, que la « langue française appartient à ceux qui ont choisi de la féconder aux accents de leurs cultures, de leurs imaginaires, de leurs talents ».

Cette volonté de mêler la politique à la culture ne s’explique pas.

Pourtant rien n’est fait par l’Organisation pour considérer que la défense et la diffusion des textes de Zola, Balzac ou Victor Hugo doivent s’élever au dessus des intérêts politiques des dirigeants.

La culture est un espace de liberté et de paix où les amoureux des textes, des mots et des phrases bien faites devraient se retrouver dans le seul combat pour la défense du talent et de la liberté de penser et d’écrire.

Israël ne mérite pas, selon certains diplomates représentant souvent des régimes verrouillés ou pourris, de figurer parmi cette caste qui se permet de fixer des objectifs dénaturés alors que Malraux et Sartre défendaient d’abord le combat littéraire avant la lutte politique.

La France, marraine de cette organisation, a déçu jusqu’à présent en faisant preuve de retenue et en se réfugiant derrière l’alibi des statuts.

On organise des révolutions, on modifie des pans entiers de Constitution mais on hésite à modifier quelques articles d’un règlement, devenu obsolète avec le temps, qui permet à un seul pays d’apposer son veto contre l’admission d’Israël.

Israël est exclu de cette organisation malgré ses 10% de francophones alors que son voisin, l’Egypte y adhère avec 2% sans oublier l’Albanie et les Iles Seychelles avec moins de 1%.

Ses membres devraient s’inspirer des idéaux de culture pour faire asseoir à la même table des ennemis dont le seul ordre du jour serait de lutter pour la prééminence de la langue française.

Mais pour cela il faut d’abord faire preuve de réalisme avant de faire preuve d’intelligence.

L’intelligence consiste à comprendre que la culture peut souvent favoriser des liens humains purs et désintéressés pouvant conduire des ennemis potentiels à se parler, puis à se connaître et enfin à s’apprécier.

Quelques politiques courageux osent ouvertement se prononcer sur cette anomalie qui met Israël au ban de la culture française malgré les nombreuses publications dans la langue de Molière qui naissent au fil des amours des israéliens avec le texte et les mots.

La langue française doit être considérée comme une espèce protégée et paradoxalement Israël, selon le souhait d’Abdou Diouf, « fait l’effort de se penser dans un ensemble linguistique dynamique et créateur de diversité culturelle ».

Nous attendons de la nouvelle ministre qu’elle fasse preuve d’un courage politique qui a manqué jusqu’alors pour corriger une anomalie qui fait tâche.

Elle devrait être d’autant plus motivée qu’elle a toujours vécu à cheval sur deux cultures.

Jacques Benillouche

http://www.jforum.fr/

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