Avec approximativement 10% de la population mondiale concernée (selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé), la dépression est l’un des problèmes de santé les plus courants. C’est également l’un de ceux dont l’étiologie est la plus mal comprise. L’hypothèse la plus communément admise veut que la dépression résulte d’une interaction complexe entre des facteurs environnementaux et une prédisposition génétique. Cette prédisposition génétique serait à l’origine d’une mauvaise régulation d’un neurotransmetteur (molécule libérée par les neurones et modifiant l’activité d’autres neurones) : la sérotonine. Mais les mécanismes moléculaires et cellulaires à l’origine de cette mauvaise régulation sont méconnus. Une lacune que vient combler une récente étude menée par le laboratoire du professeur Alon Chen de l’Institut des sciences Weizmann et publiée dans la revue scientifique Neuron.


Crédits : BDS
Les scientifiques israéliens ont mis en évidence le rôle de petites molécules, des micro-ARN, dans la régulation de la production de la sérotonine ainsi que leur rôle dans la dépression. Cette étude pourrait déboucher sur le développement d’un nouveau traitement antidépressif, potentiellement plus efficace que les antidépresseurs actuellement utilisés, ainsi que sur une nouvelle méthode de diagnostic, plus objective, de la dépression.

Présentation des microARN
Comme vous le savez sans doute, le code génétique est codé par l’ADN, ou acide désoxyribonucléique, le constituant des chromosomes. L’ADN permet la synthèse d’ARN (acide ribonucléique) au cours d’un processus appelé transcription. Différents types d’ARN existent, chacun présentant des propriétés fonctionnelles différentes. Le type d’ARN le plus connu est l’ARNm, ou ARN messager, qui code pour la synthèse de protéines (par l’intermédiaire d’un processus dit de traduction).
Les ARN concernés par cette étude sont les micro-ARN, ou miARN. Il s’agit de petites molécules d’ARN, découvertes il y a une vingtaine d’années mais dont la fonction en tant que régulateur biologique n’a été reconnue que seulement au début des années 2000. Aujourd’hui, leur important rôle dans la régulation de l’expression génique n’est plus à démontrer. En se fixant sur les ARNm, les miARN peuvent empêcher la traduction de ces derniers en protéines et éventuellement enclencher un processus de dégradation de ces ARNm.
Chez l’Homme, on estime qu’environ un millier de gènes coderaient pour des miARN. Ces derniers réguleraient la traduction en protéines d’environ 60% des ARNm. De récentes études suggèrent qu’une sur-expression ou une sous-expression de certains miARN pourrait être impliquées dans de nombreuses pathologies.

La découverte d’un nouveau miARN
Sur la base de ces observations, les chercheurs se sont demandé si un miARN impliqué dans la régulation de la production de la sérotonine pourrait être à l’origine de la dépression. Ils ont ainsi identifié, pour la première fois, un miARN ciblant les cellules nerveuses productrices de sérotonine : le miR135. Des recherches plus approfondies ont révélé une interaction entre miR135 et deux protéines jouant un rôle majeur dans la production de la sérotonine et la régulation de ses activités.

Un lien possible entre miR135 et la dépression

De par son action sur la sérotonine, des changements dans l’expression de miR135 pourraient être l’un des facteurs favorisant l’apparition de troubles dépressifs. Pour tester cette hypothèse, des souris ont été modifiées génétiquement afin soit d’inhiber soit d’augmenter l’expression de miR135 dans les cellules concernées. Les souris présentant une expression de miR135 accrue présentaient une plus grande résilience face à des situations de stress constant. Au contraire, les souris pour lesquelles l’expression de miR135 était inhibée ont fait preuve de plus forts niveaux d’anxiété et de dépression lorsqu’elles étaient mises en situation stressante. En outre, elles présentaient une moindre sensibilité aux antidépresseurs.

Il semblerait donc que, pour fonctionner normalement, l’organisme ait besoin de la bonne quantité de miR135 : assez basse pour permettre une réponse appropriée en cas de situation de stress mais assez élevée pour prévenir l’apparition de troubles psychiatriques tels que l’anxiété et la dépression. Une hypothèse rapidement vérifiée par les chercheurs, qui ont effectué des prises de sang sur des patients dépressifs : les niveaux de miR135 dans leur organisme étaient effectivement plus bas que la normale.

Amélioration du diagnostic et du traitement
Ces résultats suggèrent que miR135 pourrait être utilisé dans le traitement de la dépression. Une possibilité thérapeutique pleine de promesses pour les patients souffrant de ce trouble. En effet, les antidépresseurs actuels ne font pas preuve d’une grande efficacité. 60 à 70% des personnes traitées disent ne trouver aucun réconfort dans ce traitement. Pour les autres, ces médicaments sont bien souvent insuffisants, doivent être pris sur de longues périodes de temps avant de ressentir un effet notable et conduisent à des phénomènes d’habituation et de dépendance. D’une efficacité laissant à désirer, les antidépresseurs présentent également de nombreux effets secondaires. D’où l’importance de cette étude. En identifiant une nouvelle cible thérapeutique, le miR135, elle pourrait déboucher sur un nouveau traitement de la dépression, potentiellement plus efficace et présentant moins d’effets secondaires.

Les travaux menés par l’équipe de l’Institut Weizmann laissent également présager une nouvelle méthode de diagnostic de la dépression, basée sur le niveau sanguin de miR135. Une méthode simple et objective, contrairement à la méthode utilisée actuellement, basée essentiellement sur le ressenti du patient.

Ces intéressantes possibilités d’application médicale, tant du point de vue du diagnostic que du traitement de la dépression, ont conduit la Yeda Research and Development Co. Ltd., la société de l’Institut Weizmann chargée du transfert technologique, à déposer un brevet en lien avec cette étude.

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