Cet article s’adresse aux Juifs de France qui envisagent ou ont déjà décidé de partir vivre en Israël et de faire leur Alya. Vous étiez 7,000 l’an passé, vous serez peut-être le double cette année, il est encore trop tôt pour le dire, mais quoi qu’il en soit, le chiffre sera historique.

En tant que Juif sioniste, je pense que si chacun est individuellement libre de vivre où il le souhaite, la place des Juifs en tant que peuple est sur leur terre ancestrale où ils jouissent de la pleine souveraineté et peuvent s’épanouir en tant que nation indépendante.

Néanmoins, je crois qu’il est aussi important de ne pas vendre de mirages et de faux espoirs, car ce n’est pas tout de venir, il faut aussi rester. Je vais donc être assez direct et brutal, ce qui d’ailleurs vous préparera assez bien à ce qui vous attend.

D’abord, il faut comprendre que personne ne vous attend ici. Les Israéliens sont très heureux, pour la plupart, que vous veniez. Ils ont même souvent du mal à comprendre pourquoi vous n’êtes pas venus plus tôt. Mais ne vous attendez pas à être reçus comme des touristes au Club Med. Personne ne vous fera de faveurs, et au contraire, une petite minorité mal intentionnée cherchera à vous exploiter ou vous arnaquer.

Ne vous fiez à personne et renseignez vous bien avant de signer quoi que ce soit. D’ailleurs ne faites jamais rien sans contrat et si possible avec votre avocat. Vous n’aurez droit à aucun passe-droit, aucune compréhension particulière, et surtout vous devrez vous battre comme tout le monde dès le premier jour.

Il faut insister sur ce point: en Israël on se bat pour tout. C’est un mode de vie et on finit par le faire naturellement mais inutile de dire que le nouvel immigrant français a souvent du mal à s’y habituer au début. La France est malheureusement un pays d’assistés où l’Etat se comporte comme une nounou infantilisante tandis qu’Israël fait plus confiance à l’initiative individuelle. Ca a d’énormes avantages pour le pays mais cela signifie que rien n’est acquis.

Aucun employeur ne vous donnera une hausse de salaire si vous ne la demandez pas. Rester dans son coin à bien travailler en pleurnichant parce que c’est trop injuste que personne ne remarque à quel point vous vous donnez à fond ne vous causera rien d’autre que de la frustration. Et c’est pareil pour tout. Vous voulez quelque chose: demandez-le et battez-vous pour. Sinon vous n’aurez rien.

Ensuite, vous imaginez sans doute qu’Israël étant un pays d’immigrants, le fait de ne pas parfaitement s’exprimer l’hébreu n’est pas un handicap, après tout tout le monde parle anglais et il y a beaucoup de francophones (en fait beaucoup moins que ce que certains voudraient faire croire). Détrompez-vous. Personne ne vous reprochera jamais de mal parler hébreu. Mais la maitrise de la langue est la condition sine qua non de la réussite de son intégration. A moins que vous ne souhaitiez travailler toute votre vie dans un call center, le forex ou les casinos en ligne (et à la limite de la légalité), vous ne trouverez jamais de vrai travail bien rémunéré sans être bilingue.

Si vous pouvez commencer à étudier avant de partir, c’est un avantage, mais ce n’est pas essentiel. Ce qui est vital par contre, c’est de se consacrer pleinement aux cinq mois de l’oulpan et de mettre toute son énergie dans les études.

Et même l’oulpan ne sera pas suffisant. Il faudra ensuite pendant encore un an ou deux, suivant vos capacités et votre âge, s’efforcer de lire tous les jours les journaux (d’abord juste les titres, ensuite les sous-titres, puis les petits articles etc..), d’écouter la radio, de regarder la télévision israélienne. Je ne veux pas faire de mauvaise pub aux sympathiques employés d’Annatel ou de services analogues, cependant passer ses soirées à regarder Cyril Hanouna sur D8 puis The Mentalist sur TF1 n’est pas la meilleure façon de perfectionner son hébreu. Il va falloir s’habituer à Yonit Levy et ses insupportables petites remarques à la fin de chaque reportage et oublier Julien Balhoul sur i24news.

Si vous êtes célibataire, un/une petit ami/e israélien/ne réglera parfaitement l’affaire. Les filles, sur lesquels tous les fantasmes concernant les françaises prolifèrent en Israel, jouissent de ce côté là d’un avantage certain.

J’évoquais l’âge, autant le dire clairement: faites votre Aliyah sans la moindre hésitation si vous avez moins de 25 ans. Le mieux est encore de commencer ou de continuer ses études en Israel après l’oulpan. Ceux qui ont étudié ici sont pratiquement les seuls olim capables d’écrire en hébreu ce qui est un avantage indéniable.

Je recommande, avec une réserve, de faire son service militaire, rien ne permet une meilleure acclimatation au pays que ça. En fait, beaucoup de choses sont relativement incompréhensibles (dans le langage, le comportement, la culture) si on n’a pas fait l’armée. Ne pensez pas que faire son service implique de risquer sa vie et d’aller se battre sur le terrain. En fait, et c’est justement ma réserve, surtout pour les filles, une grande partie des engagés servent dans un bureau. Un tel service n’a aucun intérêt à moins que vous souhaitiez perdre plusieurs mois ou années de votre vie à jouer au démineur sur un PC ou à servir le café à des colonels ventripotents.

L’autre catégorie qui peut venir sans trop de crainte en Israël est celle des retraités. Ils jouiront de leurs revenus défiscalisés et à partir de 67 ans pour les hommes et 62 pour les femmes, d’un petit complément vieillesse en shekels, sans avoir à se préoccuper de trouver un emploi et de maitriser l’hébreu.

Pour les autres, les choses s’annoncent nettement moins joyeuses. Il faut repartir de presque zéro, dans un pays qui ne connait pas vos compétences, ne connait pas les entreprises dans lesquelles vous avez travaillé, ne connait pas parfois la fonction que vous exerciez, ne reconnait pas toujours les diplômes que vous possédez. Un pays où vous n’avez pas de relations professionnelles, pas de réseau, où la mentalité est très différente, où le système ne fonctionne pas de la même manière, et alors que vous devez subvenir immédiatement aux besoins de votre famille et de vos enfants.

Idéalement, venez avec suffisamment d’économies pour tenir deux ans sans gagner d’argent. Ne comptez pas sur les aides données par le gouvernement, elles ne sont pas négligeables mais pas suffisantes pour vivre confortablement. Il est possible qu’elles soient augmentées ou réévaluées dans le futur face à la vague d’Aliyah et aux pressions grandissantes du petit lobby franco-israélien qui se met en place. Mais ne comptez pas dessus.

Je ne veux pas vous effrayer ni vous décourager, juste vous éviter les mauvaises surprises. Je suis très heureux en Israël, je pense que la qualité de la vie y est bien meilleure qu’en France, qu’on y est plus heureux et surtout plus libres et épanouis. Pour que vous aussi puissiez profiter de ce qu’Israël a de meilleur à nous offrir, soyez préparés à ce qui va vous tomber sur la tête.

Binyamin Lachkar

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