Dimanche 12 Mai 2013, 14 heures, un groupe imposant et joyeux est en train de pique-niquer dans un jardin privé du Tholonet chez Gérard et Jeanine  Hadjadj. A l’initiative de nos cousins, Guy Elbez et Gilles Elbeze, les membres de la glorieuse famille Elbez ont été conviés à se retrouver. Comment s’explique la pérennité de la famille Elbez ? D’où viennent  les Elbez, pourquoi ont-ils choisi en grand nombre de s’installer à Aix-en-Provence après leur exil algérien ?

Elbez est un patronyme porté par des Juifs d’Afrique du Nord. Le nom signifie faucon en arabe (‘al-bâz) et semble faire référence à Josué, dont un des surnoms dans la Bible est le Faucon. Selon les historiens, Richard Ayoun et Bernard Cohen, l’Algérie comptait des Juifs dès le temps des Carthaginois, mais surtout depuis les époques de Strabon et de la Kahena).
Leur effectif fut par la suite renforcé, comme celui des musulmans, d’abord suite aux persécutions de 1391, à la suite de la Reconquista espagnole, en 1492-1493, par l’afflux de juifs et de musulmans. Les uns et les autres, chassés par les rois catholiques, se réfugièrent en partie en Afrique du Nord.
Une étude d’onomastique statistique, réalisée en 1936 par le rabbin Eisenbeth, indique que 50 % des Juifs d’Afrique du Nord ont un nom d’origine arabo-berbère, 18 % d’origine hébraïque et 12,5 % d’origine latine (espagnole, italienne, portugaise). Les Juifs d’Algérie ont  constitué un groupe assez complexe.
Les Elbez(e) viennent de Batna en Algérie, « capitale » des Aurès, perchée à près de 1000 m, dans l’est algérien, à 113 km au SE de Constantine. En hiver, la température descend en dessous de zéro la nuit, avec de fréquentes gelées. En été, la température peut atteindre les 45 °C à l’ombre.

grand pere elbez

En 1904, notre grand-père Messaoud Elbez, Z ‘’l  né en 1872 a épousé Notre Grand-Mère Messaouda Louisa  Guedj Z’’l qui lui donna 11 enfants : six fils et 5 filles. La famille a grandi dans un cadre matériel simple, frugal mais dans une  vie spirituelle intense et conviviale. Les progrès importants de la francisation introduits depuis la promulgation de Décret Crémieux (1870), n’avaient pas refroidi les ardeurs de la foi juive.

famille elbez

Dès sa création (1848), grâce à une position de carrefour incontournable, la ville de Batna se développa rapidement et des commerçants sont venus de partout pour y investir et y travailler, des soldats restèrent après leur service pour construire leur vie sur place. Des concessions leurs étaient attribuées. Vers 1860, Batna compte environ 5 990 habitants.

Sa population augmente considérablement grâce à l’arrivée massive des Européens et des tribus des Aurès qui vivaient dans les villages et petites villes des alentours. À la veille de la de guerre d’Algérie, Batna a près de 26 400 habitants.  La ville était cosmopolite, il y avait des personnes d’origines et de confessions extrêmement diverses : Chaouis, Kabyles, Mozabites, Soufis, Arabes (originaires de diverses régions d’Algérie et d’autres pays, notamment du Maroc et de Tunisie,  et toutes sortes de métissages entre ces différentes origines ethniques. Ils étaient musulmans pour la plupart, mais il y avait également, avant la guerre d’indépendance, des Juifs d’Algérie et de nombreux Chrétiens originaires de France (de Corse notamment), de Malte, d’Italie, de Sicile, d’Allemagne, et même de Russie. À ce sujet, un proverbe contemporain dit : « Batna réussit à ses étrangers ». Plusieurs confédérations d’autochtones étaient concentrées dans le vieux Quartier du Camp de la ville et de la Zmela alors que beaucoup d’Européens habitaient le quartier du Stand où vivaient aussi des Musulmans algériens de classes plus ou moins aisées, ainsi que de nombreuses familles de Juifs d’Algérie.

La population juive a été beaucoup plus perméable aux influences françaises que les musulmans. À partir de 1860-70, la jeunesse s’habille majoritairement à l’européenne, les prénoms aussi évoluent: les prénoms français remplacent les prénoms hébraïques ou arabes qui sont désormais portés en deuxième position. L’usage du français remplace celui de l’arabe comme langue courante chez les Juifs
Cette assimilation au modèle français, bien que plus marquée qu’en Tunisie ou au Maroc, n’est cependant pas aussi poussée que celle s’opérant chez les Juifs de métropole. Ainsi, très peu de mariages mixtes sont contractés, et les Juifs restent un groupe distinct au sein de la population bénéficiant de la citoyenneté française en Algérie. De même, la pratique religieuse des Juifs algériens est restée globalement plus importante que celle des Juifs de l’hexagone de la même époque.
Les écoles, le théâtre, l’hôpital, les cinémas, les jardins, les routes, les installations sportives, les immeubles d’habitation et d’administration, la gare, etc., s’y sont développés et ont été bâtis pendant cette période et restent fonctionnels à ce jour. Il y avait aussi un aéroport de l’armée à Batna qui devenait de plus en plus stratégique du point de vue économique et militaire. L’hôtel d’Orient et d’Angleterre sera construit pour accueillir les touristes avant la Première Guerre mondiale, vers 1885. Quelques célébrités mondiales y ont séjourné comme John Wayne et Mohamed Abdelwahab.
La décision d’abroger le décret Crémieux est prise le 7 octobre 1940 par Vichy. Le 30, les lois sur le statut des Juifs d’essence antisémite s’appliquent en métropole comme en Algérie. Les Juifs d’Afrique du Nord ne subissent pas l’action génocidaire des nazis qui dévaste les communautés juives d’Europe mais ils sont cependant mis au ban de la société française d’Algérie pendant la durée des hostilités et certains d’entre eux sont internés dans des camps de travail dans le sud algérien.
Le philosophe Jacques Derrida a témoigné de cette période difficile pour les Juifs et leurs enfants:
« Les enfants juifs sont expulsés de l’école. Bureau du surveillant général: tu vas rentrer chez toi, tes parents t’expliqueront. Puis les alliés débarquent, c’est la période du gouvernement général (de Gaulle-Giraud) : les lois raciales maintenues près de six mois sous un gouvernement « libre ».» Agression contre le rabbin de Batna en 1955. Incendie dans une synagoge à Oran en 1956. Meurtre du rabbin Nedomah en 1956. Meurtre du rabbin de Médéa 1957 Projection d’une grenade dans une synagogue de Boghari, Bousaada. Saccage de la synagogue de la Kasba à Alger en 1961. Attentat dans les quartiers juifs en 1957, 1961 et 1962. : Oran, Constantine. Mort de deux enfants en 1962.

Quant à Batna, elle devient en 1957, le chef-lieu d’un département qui porte son nom.
La mort de Cheikh Raymond Leyris (beau-père d’Enrico Macias), musicien de Maalouf et apprécié tant des juifs que des musulmans, assassiné par un algérien français le 22 juin 1961, constitua un tournant symbolique pour nombre de Juifs d’Algérie.

Joël Guedj

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour
    Je m’appelleMichel El-Bez. Mon père, Camille était également de Batna. Mon Gd Père s’appelait Eliaou. Il était connu sous 2 pseudonymes : Chartreuse et Baba Zizi.
    Mon père évoquait parfois des cousins aixois mais je ne les ai jamais rencontrés. Je suis né en 1962 en métropole.
    Serions-nous cousins ?

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