En juillet dernier, le Gouvernement a publié le rapport tant attendu sur la fiscalité appliquée aux revenus de source française des contribuables domiciliés hors de France. Ce rapport fait suite aux alertes des parlementaires des Français établis hors de France et d’associations de contribuables concernant les dispositions introduites par la Loi de Finances pour 2019, pouvant dans certains cas s’avérer très désavantageuses pour les contribuables non-résidents et aboutissant à une hausse d’imposition inédite. 

Un moratoire d’une année avait été acté par la Loi de Finances pour 2020, permettant de décaler d’une année la suppression du caractère libératoire de la retenue à la source – c’est-à-dire le fait que jusqu’à présent, la retenue appliquée jusqu’à 43.047€ de revenus annuels permettait de ne pas être redevable ensuite de l’impôt sur le revenu sur ces mêmes revenus – dans l’attente des conclusions du rapport. 

Le Gouvernement reconnait dans ce nouveau rapport les nombreux « effets de bord » des dispositions prises conduisant à une hausse drastique de l’imposition (jusqu’à 100%) et présente une liste d’aménagements possibles. 

Cette chronique fiscale détaille les pistes d’évolutions proposées par le Gouvernement. Vraisemblablement, le Gouvernement pourrait renoncer à cet aspect de sa réforme et revenir à l’ancien système. 

RAPPEL DE LA RÉFORME

Fin du caractère libératoire de la retenue à la source (RAS) à compter de 2021

Pour rappel, la retenue à la source (RAS) est un mécanisme d’acompte contemporain sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française. Elle est acquittée lors de la perception du revenu, et est prélevée directement par l’organisme débiteur des salaires ou retraites qui la verse directement au Trésor Public. 

Il existe trois tranches pour cette retenue (revenus annuels nets) :

– 0% pour les revenus jusqu’à 14 988€ ;

– 12% pour les revenus compris entre 14 988€ et 43 477€ ;

– 20% au-delà. 

Les taux de 0 % et 12 %  sont actuellement libératoires de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire que la fraction des revenus jusqu’à 43 047 € (barème 2019) est exclue du calcul de l’impôt sur le revenu. En d’autres termes, seule la fraction des revenus supérieure à ce montant est prise en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu au barème progressif avec application des taux minimum d’imposition.

Une disposition de la loi de finances pour 2019 avait supprimé le caractère partiellement libératoire de la retenue à la source pour les revenus perçus à compter du 1er janvier 2020. Dès lors, les contribuables non-résidents se seraient vus appliquer le taux minimum d’imposition de 20% dès le premier euro. La loi de finances pour 2020 avait néanmoins reporté cette réforme d’un an.

Hausse du taux minimum à 30% à compter des revenus 2018

Les contribuables non-résidents sont imposables au barème progressif assorti d’un taux minimum de 20%. En 2019, lors de la discussion du projet de loi de finance, le Gouvernement et l’Assemblée nationale avaient souhaité relever ce taux minimum à 30%. Le Sénat avait immédiatement annulé ce relèvement. 

En seconde lecture, l’Assemblée avait proposé une solution intermédiaire : pour les revenus inférieurs à 27 519 euros (montant correspondant à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’IR, soit respectivement 27 794 € et 25 659 € pour l’imposition des revenus de l’année 2019 et 2020), le taux minimum est maintenu à 20% et pour la fraction des revenus supérieure à ce montant  il s’élève désormais à 30%. Cette mesure est entrée en vigueur à compter des revenus perçus 2018.

RECOMMANDATIONS ET AMÉNAGEMENTS

Ce que le rapport exclut ou ne privilégie pas :

  • La généralisation du dispositif du taux moyen : la généralisation de la déclaration des revenus mondiaux pour l’application du taux moyen est présentée mais apparaît comme trop intrusive et trop complexe pour le contribuable. En outre, elle pénaliserait les contribuables non-résidents qui disposent de revenus de source étrangère comparativement importants au regard de leurs revenus de source française.
  • L’application du barème : l’application du barème progressif de l’IR sur les seuls revenus de source française – les dispositifs du taux minimum et du taux moyen étant corrélativement supprimés – est également écartée car elle induirait des inégalités entre contribuables résidents et non-résidents. Ces derniers pourraient bénéficier d’un taux d’imposition trop faible par rapport à leur réel niveau de revenus (avec par exemple des revenus de source étrangère conséquents).
  • L’octroi aux contribuables non-résidents des avantages fiscaux qui bénéficient aux résidents : le rapport exclut cette option qui conduirait à accorder un avantage disproportionné aux contribuables non-résidents, lesquels sont tenus, contrairement aux résidents, à une obligation fiscale limitée sur leurs seuls revenus de source française. En outre le rapport souligne que des crédits ou déduction d’impôts avec pour finalité le pouvoir d’achat ou la natalité n’auraient que peu de sens dans le cas de non-résidents. 
  • L’annulation de la hausse du taux minimum à 30% : le rapport exclut de revenir au taux minimum unique à 20%.
  • Le bénéfice de la décote : accorder le bénéfice de la décote pour le calcul du taux moyen ne permettrait pas de réduire la hausse du niveau d’imposition de tous les foyers affectés par la réforme, mais uniquement de ceux dont les revenus mondiaux sont modestes.

Ce que le rapport propose

L’amélioration de la gestion pour mieux accompagner les contribuables : les récentes augmentations d’effectifs ne suffiront pas – d’après le rapport – à contenir la croissance de la population expatriée, ni même à assurer des services pleinement fonctionnels dans le contexte actuel. Le rapport suggère non seulement une évolution des outils de simulation actuels mais une amélioration des procédures de recours. Par exemple, le recours au régime « Schumacker » pourrait être facilité.  

Le premier axe d’amélioration consisterait à passer d’une procédure contentieuse à une procédure déclarative sur le modèle de celle prévue pour le taux moyen. 

Le second axe d’amélioration consisterait à prévoir la reconduction tacite du régime lorsque le contribuable en a bénéficié deux ou trois années consécutives.

Le rapport convient que seules des mesures structurelles constitueraient une solution viable pour préserver la situation des contribuables non-résidents. Il énonce trois propositions : 

a) La première est la création d’un nouveau barème spécifique pour l’impôt sur le revenu qui  se substituerait aux modalités d’imposition actuelles, à savoir l’application du barème progressif avec taux minimum de 20% et 30%  Il serait divisé en 4 tranches : 0 % pour la fraction des revenus inférieurs à 5 000 €, 11 % de 5 000 € à 50 000 €, 30 % de 50 000 € à 90 000 € et 41 % au-delà de 90 000 €. Le rapport pointe tout de même les inconvénients d’une telle solution, notamment une variation injustifiée de l’impôt pour certains non-résidents. 

b) La  deuxième serait de prévoir, pour les salaires, pensions et rentes viagères – n’excédant pas le seuil d’application de la retenue à 20% (43 477 € pour 2020) – que l’impôt résultant de l’application du taux minimum (ou du barème progressif s’il est plus élevé) ou du taux moyen en cas de déclaration des revenus mondiaux, ne puisse excéder l’impôt résultant du barème actuel de la retenue à la source. L’avantage serait de reproduire l’effet de la retenue à la source partiellement libératoire  tout en conservant le système du PAS de droit commun. Cette mesure n’améliorerait cependant pas la lisibilité de l’imposition dans la mesure où il s’agirait de se replacer dans la situation qui aurait été la sienne si la retenue à la source spécifique avait continué à exister.

c) La troisième serait le retour à la retenue à la source spécifique partiellement libératoire avec une amélioration des modalités de gestion. Une telle mesure éviterait l’augmentation significative de l’imposition et permettrait de maintenir un régime simple et favorable. Nonobstant, ce retour devrait s’accompagner d’une expertise approfondie de la gestion de ce mode d’imposition, une automatisation renforcée et une amélioration du parcours en ligne avec, notamment, plus de visibilité pour l’option du taux moyen.

Il semblerait donc que le Gouvernement souhaite s’orienter vers une annulation de la suppression de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire couplée d’un renforcement de la gestion et des administrations. 

Retrouvez ici le rapport complet.

https://alliancesolidaire.org/