PARASHAT VAYEHI 5781 – Vendredi 01 Janvier 2021-Yom Chichi 17 Tevet 5781
Horaires Ashdod : Entrée : 16 h 28 – Sortie : 17 h 29

LA DERNIERE BENEDICTION

Décidément, la bénédiction paternelle des Patriarches est sujette à bien de désaccords.

Pressentant sa fin, Abraham a organisé sa succession en faisant le partage de ses biens – matériels et spirituels – à ses enfants et se séparent d’eux pour qu’ils n’interviennent point – à aucun stade – dans la destinée d’Isaac, leur demi-frère. Mais tout s’organisa harmonieusement puisqu’aussi bien Isaac qu’Ishmaël accompagnèrent leur père vers sa dernière demeure.

Pour Isaac, les évènements se déroulèrent bien différemment car on se souvient de cet épisode où la bénédiction paternelle eut lieu dans des circonstances plutôt tumultueuses, et, si les ardeurs et la colère d’Esaü contre Jacob s’étaient  estompées, lors de la cérémonie funéraire, tout se passa calmement et dignement.

Cette colère et ce ressentiment éclatèrent lorsque les fils de Jacob se présentèrent à Makhpéla, à Hébron, avec la dépouille de leur père pour l’ensevelir à l’emplacement qui lui était réservé. En effet, Esaü, entouré de ses femmes et de ses enfants se présenta à Hébron et s’opposa à l’enterrement de Jacob en ce lieu, prétendant que ce caveau lui revenait étant donné que Jacob avait déjà utilisé sa place en y enterrant Léa[1].

S’en suivit une querelle dont il ressortait que Jacob possédait un acte qui stipulait que Esaü avait renoncé à tous ses droits en vendant son droit d’aînesse. Esaü prétexta qu’il n’avait aucune souvenance de ceci : aussi Naftali, enfourcha sa monture et se rendit à toute vitesse en Egypte pour rapporter ce document et mettre un terme à la discussion. Or Houshim, fils de Dan était sourd et il conservait l’acte en  question en sûreté. Apprenant ce qui se passait à Hébron, il se dirigea vers le Caveau des Patriarches et, plein de fureur, il brandit son sabre et trancha d’un coup sec la tête d’Esaü qui roula en direction de la sépulture d’Isaac où elle demeura.

Cependant, la nature d’Ishmaël comme celle d’Esaü était de respecter profondément leur père jusqu’à la mort.

La Torah, a donné des précisions quant à la grossesse de Rivka et des jumeaux qu’elle porta mais, nous ne trouvons, en réalité que très peu de renseignements au sujet de Menashé et d’Ephraïm…. Pour comprendre le geste de Jacob bénissant Ephraïm et Menashé il nous faut compiler un nombre incalculable de commentaires mais aussi, il faut très bien analyser les versets qui concernent ces deux hommes.

Cette section termine le premier livre du Pentateuque et termine l’histoire des Patriarches et des Matriarches…  Car, avec le deuxième livre : l’EXODE, commence l’histoire du peuple formé par la descendance de Jacob.

Cette sidra se nomme VAYEHI en rapport avec la vie de Jacob. Le Patriarche, à la vie mouvementée,  vécut 147 ans. Lorsque Joseph présente son père à Pharaon et que celui-ci s’enquiert de l’âge du patriarche, Jacob n’était alors âgé que de 130 ans mais, les Sages commentent : si la Torah te dit VAYEHI ויחי et non pas ויהי avec la lettre ‘hé c’est pour te dire que la vie ne fut belle pour Jacob que pendant 34 ans (valeur numérique de Vayehi = 34) : les 17 ans pendant lesquels Joseph vécut auprès de lui jusqu’à ce qu’il fut vendu par ses frères et les autres 17 années où Jacob, rasséréné d’avoir retrouvé Joseph et d’avoir pu partager son existence pendant encore 17 années en Egypte…

Nous savons que la Torah n’écrit pas de mots inutiles il nous faut être perspicaces afin de comprendre le geste et les paroles de Jacob : lorsque Joseph accourt au chevet de son père, il est accompagné de ses deux fils Ménashé et Ephraïm qui naquirent de son union avec Osnath fille de Dina. Or, Jacob esquissa un geste traduisant ses doutes quant à l’identité de ces jeunes-gens. Joseph tranquillisa son père à ce propos.

Jacob s’exprime : « Tes DEUX fils qui te sont nés en Egypte »…. Le Midrash et la guemara s’interrogent : pour quelle raison la Torah met-elle l’accent sur les DEUX fils de Joseph ? Il n’était point utile d’inscrire le mot deux car « baneykha » est un pluriel et l’on comprend qu’il s’agit d’au moins DEUX. La Guemara, à propos des deux boucs à sacrifier pour Kippour, t’enseigne que si la Torah prend le soin de préciser le mot deux c’est pour te faire comprendre qu’ils doivent être absolument semblables, en taille, en apparence, en valeur. Si donc la Torah précise ici : tes « deux » fils c’est pour que tu comprennes qu’Ephraïm et Menashé étaient semblables en tous points, car, ils étaient jumeaux et, poursuit le texte, la preuve en est qu’il est dit au chapitre 41 de Bereshit (verset 50) : וּלְיוֹסֵף יֻלַּד שְׁנֵי בָנִים, (il naquit à Joseph deux fils) le verbe youlad est au singulier car il faut comprendre qu’il n’y eut qu’un seul accouchement et deux naissances !!

Or, tout comme à la naissance de Jacob et Esaü, commente la Guemara,  lorsque naissent des jumeaux, celui qui sort le premier n’est celui qui a été créé en premier mais en second c’est pourquoi Esaü n’était pas l’aîné mais le second et Jacob était l’aîné en vérité.

Aussi, Jacob, en plaçant sa main droite sur Ephraïm n’était pas dans l’erreur, il savait de science infuse qui était l’aîné et qui était le puîné. C’est d’ailleurs à ce propos que le Midrash prête à Jacob des propos âpres pour apprendre à Joseph que le fait de Ruben et de Bilha était connu de Jacob avant que cela ne se diffuse, ainsi que le fait de Jacob et Tamar….

Rabbénou Behayé est convaincu avec d’autres commentateurs tels que le Ohr HaHayim, ou les divers midrashim, que cette péricope est entièrement centrée sur le thème messianique et pour le prouver ils en sortent plusieurs leçons :

En s’interrogeant sur la qualité de cette parasha – setouma ou petouha – il ressort qu’elle est setouma  et non seulement à cause du fait du nombre d’espaces entre les mots qui séparent les deux sections mais aussi, enseigne Rabbénou Behayé c’est que Jacob ayant eu la révélation de ce qui arriverait à la fin des Temps (גילוי הקץ) il avait l’intention de le révéler à son tour à ses enfants mais, dès que cette intention se fit jour, l’esprit prophétique quitta le dernier des trois patriarches. Le Midrash mais tous les Sages s’accordent à dire que de toute l’histoire du peuple juif seuls deux personnages ont eu la Révélation de la fin des Temps : Jacob et Daniel le Prophète mais ce dernier dut promettre à HaShem que jamais il ne dévoilerait quoi que ce soit de cette fin. Jacob ne fut pas contraint de prêter serment mais du moment où il conçut le projet de le révéler à son tour, נסתמה מחשבתו sa pensée s’obscurcit (littéralement : se boucha) (guemara Pessahim) c’est la raison pour laquelle, cette parasha est « fermée » ou setouma.

Pour conforter son raisonnement, Rabbénou Behayé s’appuie sur la constatation suivante. Dans deux des livres de prophéties (Isaïe et dans Nehemia) qui sont dans la Bible –Tanakh – on trouve une lettre terminale (mem sofith) qui se trouve au milieu d’un mot au lieu d’être à la fin et une lettre simple (un mem habituel) en fin de mot au lieu d’y voir une lettre finale.  Ceci vient t’enseigner dit-il que dans ces exemples il est question de mashiah et, que là où existent des secrets (fermés) cela peut être « ouvert » et où apparemment c’est ouvert cela doit rester « fermer » soit tout secret n’est pas forcément à dévoiler. Cela enseigne, poursuivit-il, que lorsque viendra le temps où seront rebouchées les failles qui furent effectuées dans les murailles de Jérusalem, sera venu le Temps de voir se réunifier le peuple dans son pays.

D’autres exégètes s’expriment ainsi, dans le récit des derniers instants du 3ème patriarche décrits dans cette péricope, nous trouvons une allusion au 3ème Temple. Lorsque Jacob réunit ses fils autour de son lit l’on retrouve une description de la position de la position des 12 tribus autour du Mishkan, associant les quatre directions et les quatre éléments.

Lorsque Jacob fait allusion au songe de l’échelle qu’il eut lorsqu’il se dirigea vers Haran, Jacob veut signifier à Joseph que ce songe qui fit allusion aux 4 exils est lié aux songes de Joseph et, donc aussi à cet exil vers l’Egypte.

Jusqu’à Jacob, lorsque les personnes approchaient du dernier jour de leur existence, ils se sentaient faiblir puis, ils éternuaient et ils mourraient[2], mais, Jacob demanda à HaShem de faire en sorte que la mort arrive moins soudainement et qu’il dispose ainsi d’un temps pour prendre ses dispositions et sa prière fut exaucée.

Par la pensée, Jacob, « révise » son existence pour y déceler éventuellement un défaut mais, à ce même moment, ses fils s’écrient : « Shéma Israël, HaShem Elokénou, HaShem Ehad » Jacob, à haute voix répondit : Baroukh Shem Kevodo Malkhouto Léôlam Vaêd.

Ces deux phrases se composent de six mots chacune. La deuxième : baroukh shem…. Nous avons pour habitude de la dire en murmurant. Pour quelle raison Jacob l’a-t-il prononcée à haute voix ? On a coutume d’opposer l’argument selon lequel Moïse l’a dite à voix basse nous en faisons de même mais, d’après Pirké déRabbi Eliezer et d’après le Yalkout Shimôni et le Yalkout Réouvéni, il ressort que cette phrase est prononcée à voix haute par les Anges du Service Divin (mal’akhé hasharet)[3] en ce cas pourquoi Jacob l’a-t-il dite à haute voix ? C’est parce que lorsque Jacob a lutté avec l’ange (Sar shel Essav), Jacob a vu ses forces se décupler et devenir ainsi aussi robuste et puissant qu’un ange. Etant donc un Ange dans la société des humains il put dire ce verset à haute voix.

Caroline Elishéva REBOUH

[1]  Léa mourut peu de temps après sa sœur Rahel. Léa mourut environ six mois avant la vente de Joseph d’après le Rav Zalman Sorotskine (Oznayim laTorah) mais d’autres exégètes prétendent qu’elle disparut deux ans avant la vente de Joseph. C’est la raison pour laquelle la Torah désignera Bilha et Zilpa comme « neshé Yaakov » ou épouses de Jacob, après la mort de Rahel et Léa,

[2]  C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui encore, lorsque quelqu’un éternue devant nous, nous lui souhaitons d’être en bonne santé.

[3] Les anges du Service divin sont munis de 6 ailes : chacune d’elle correspond à un mot du verset baroukh shem kevod. De même que chacun de ces six mots correspond à chacun des mots du Sema Israël. Sur terre nous pouvons bénéficier de Miséricorde (rahamim) et de la Rigueur (din’) mais, dans les hautes sphères du monde des Anges, n’existe que la Rigueur (kevod malkhouto) sont, d’après le Gaon de Vilna les deux ailes des Anges qui ont été supprimées depuis la destruction des Temples. Lorsque les Anges récitaient ce verset à haute voix ils agitaient leurs ailes en même temps.