PARASHAT SHOFTIM 5781VENDREDI  13 Aout 2021 – Horaires Ashdod : Entrée 19 h 07 – Sortie : 20 h 05

Et voilà qu’avec Rosh Hodesh Eloul nous amorçons la dernière ligne droite avant que la nouvelle année (le nouveau millésime) ne pointe son nez… 5782 que nous souhaitons d’être une année exceptionnelle d’abord parce qu’elle est shabbatique, ensuite parce qu’elle sera embolismique (13 mois au lieu de 12), et puis nous souhaitons pour nous tous, que ce fléau qu’est cette pandémie cessera et trouvera son maître, et qu’enfin arrive ce que toutes les générations avant nous ont souhaité sans avoir tellement envie de voir se profiler toutes les difficultés décrites dans les différentes prophéties pour l’avènement de l’ère messianique et qu’enfin se dresse aux yeux de tous les peuples et de toutes les nations le Temple de Jérusalem sur les collines de la capitale d’Israël.

Une vie sociale  intègre  et structurée.

La parasha commence par deux mots très importants et très lourds de sens : des juges et des policiers :

שופטים ושוטרים תיתן לך בכל-שעריך אשר ה’ אלקיך נתן לך לשבטיך ושפטו את-העם משפט-צדק :

« Des juges et des policiers tu prendras pour toi dans tes portes que l’Eternel ton D t’a données pour tes tribus et ils jugeront le peuple et établiront des jugements équitables. »

La trame de l’infrastructure sociale est tissée avec des juges qui vont établir des jugements sur des lois que D a données à son Peuple  qui auront été observées bien ou moins bien et avec des fonctionnaires qui seront chargés de veiller à ce que ces lois soient appliquées.

Pourtant, un mot fait réfléchir nos commentateurs classiques car il est écrit « lekha » pour toi. Nous rencontrons souvent ce « lekha » au cours de la lecture de la Torah : nous avons « lekh lekha » lorsqu’HaShem ordonne à Abraham de quitter ce creuset dans lequel il est né et a grandi pour  aller en Canaan former un autre « creuset ». Nous retrouvons ce mot « lekha » aussi lors de l’épisode des explorateurs où HaShem dit à Moïse en d’autres termes, « tu tiens à nommer des envoyés fais le pour toi ».

En cette péricope, les Sages rattachent ce « lekha » à tout autre chose : ils nous ramènent aux deux épisodes qui furent le prélude de la fuite de Moïse vers Midiane. En effet, lorsque Moshé Rabbénou voit un Egyptien frapper un Hébreu, il l’exécute en exerçant en quelque sorte le rôle d’un policier puis, lorsque, plus tard, il voit deux Hébreux se querellant, le prophète veut les séparer exerçant le rôle de Juge.

Le Talmud de Jérusalem fait ressortir le fait qu’à plusieurs reprises HaShem utilise ce mot « lekha » envers Moïse pour signifier que chaque « chose » pour laquelle Moïse s’est dévoué corps et biens lui sont désormais ses « biens » propres : ainsi, il est monté à 3 reprises sur le Sinaï pendant 40 jours à chaque fois pour recevoir la Torah et, la Torah est appelée « TORAT MOSHE » ou la Torah de Moshé !!!

Lorsque le peuple se conduit mal, il est aussi désigné comme « ton peuple », le peuple de Moïse….

Dans ce secteur de juges et de policiers, mais sur un plan spirituel, le Sefat Emet remarque que l’homme possède ses propres policiers et ses propres juges en effet, écrit le célèbre rabbin, la tête de l’homme comporte 7 « portes » ou « shéârim » en hébreu (שערים). Ces « portes » sont les 2 yeux, les 2 narines, les deux oreilles et la bouche. L’homme doit utiliser son esprit pour savoir utiliser ces ouvertures à bon escient : ne pas abîmer son âme en voyant/regardant des choses qui ne sont pas bonnes/belles, ni en écoutant des choses qui ne conviennent pas ni avoir des aspirations au-delà de ce qu’il convient et de ne prononcer que des paroles de louanges ou de Torah. C’est ainsi donc, que l’homme devra être un gendarme envers lui-même également et non pas uniquement envers les autres !

Dans la même veine, le Sefat Emet, ajoute que les Tefiline illustrent magnifiquement bien cette notion de juges et de policiers car, enseigne-t-il, les tefiline du bras siègent là où commence l’action de force (sur les muscles/le bras/ l’action) tandis que les Tefiline de la tête avec leurs deux « shine » de forme différente (l’un avec 4 branches et l’autre avec 3 branches)  sont posés au siège de la pensée, de la réflexion dont se servent les juges pour émettre leurs décisions tout en s’appuyant sur les 7 personnages qui sont nos patriarches et matriarches : Abraham, Isaac, Jacob, Sara, Rivka, Rahel et Léa.

Un peu plus loin dans la parasha nous trouverons aussi un verset très célèbre et ces deux  versets  nous permettront de comprendre l’esprit du premier des thèmes de la sidra :

צדק צדק תרדוף למען תחיה וירשת את הארץ.

Tu poursuivras la justice pour pouvoir vivre dans le pays dont tu hériteras.

De manière à permettre à tout citoyen de pouvoir faire reconnaître ses droits, D. indique que ces tribunaux devront se trouver  dans « tes portes »   est-ce à dire dans les villes ? Non, car il est écrit dans tes portes que l’Eternel ton D t’a donné pour tes tribus : cela donne une dimension: les juges seront nommés ainsi que les policiers dans chaque « agglomération » et dans chaque région que D a attribué à chaque tribu : agglomération, région, district…… et, avec des fonctionnaires qui seront supérieurs aux simples juges puis d’autres qui seront supérieurs aux derniers ou, si l’on préfère on possède ici un organigramme ou une structure élaborée du système judiciaire. Et, après que ce système a été imaginé, D demande : tsedek tsedek tirdof : poursuis la justice mais, plus précisément  cette répétition du mot tsedek inclue l’idée selon laquelle la recherche de la justice se fera sur un plan métaphysique où la justice d’ici-bas devra correspondre à la justice  céleste et où les moyens de pratiquer la justice se fera de manière désintéressée à un point où l’humain devra s’efforcer de chercher de toutes ses forces et par tous les moyens dont il disposera pour extraire ce qui pourra exprimer ce qui représentera la justice immanente et transcendante. Il faut que tu t’attaches à ce qu’il y a de plus juste au sein de la justice. Chercher et fouiller encore et encore jusqu’à extirper de tout ce qui s’appelle système judiciaire la véritable justice morale, celle qui prend l’Autre en compte, chercher et écouter et aller vers l’Autre pour que la véritable justice s’exerce : pour que la tsedaka צדקה  (rétablissement de la justice) soit exercée ou fasse de celui qui l’exerce un צדיק   et, de cette façon la lettre youd rencontre la lettre ‘hé pour s’unir et former le nom de D.

Dans peu de temps à présent, nous nous retrouverons au mois de Tishri le septième mois de l’année juive qui est rempli de célébrations solennelles et graves  avec Rosh HaShana et Yom Kippour, toutes deux fêtes du Jugement où la Création tout entière est passée en jugement mais surtout l’homme qui se doit de passer ses actes (et pensées) en revue pour prendre de nouvelles et meilleures décisions vis-à-vis du Créateur mais aussi de nos semblables.

Rashi explique : ce sera grâce aux bons juges et aux bons policiers que nous pourrons être dignes du pays d’Israël mais, pour cela il nous faut atteindre un degré tel de justice que nous vivrons dans une société juste véritablement.

Le « Sefat Emet » [1]explique un peu différemment ce « shoftim veshoterim titen lekha ». Pour lui, si D ordonne « titen lekha » tu te donneras des juges et des policiers : le grand penseur s’exprime ainsi : ce n’est pas que tu doives toi en tant que peuple : nommer des juges et des policiers mais toi, prends toi, en tant qu’individu, pour toi-même ou envers toi-même, deviens un juge et un policier car tu as reçu des commandements applique les pour toi et fais les appliquer par les autres, et juge-toi toi-même !  Ce qui revient à dire que chacun doit procéder à une introspection  et à  un jugement sans complaisance

Ceci est si aléatoire et difficile à réaliser que nous avons des exemples dans notre histoire d’une période où les juges étaient corrompus et qu’il fallait qu’eux-mêmes soient jugés ainsi, le livre de Ruth commence par les mots : ויהי בימי שפוט השופטים  « Ceci se passait au temps où les Juges étaient jugés ». Cette corruption, ce manque de véritable justice n’est pas innocente et le peuple en pâtit : car la corruption des juges amène la guerre et la famine, conséquences directes de la corruption.

Le Or HaHayim dit à propos de ces versets que les juges et les policiers sont indissociables les uns des autres car s’il n’y a pas de juges pour faire des lois, il n’est nul besoin de policiers pour faire appliquer des lois qui n’existent pas ! Mais le grand penseur nous fait remarquer qu’il est possible qu’une « erreur grammaticale » se soit glissée dans le verset où D S’adresse au Juif à la deuxième personne du singulier pour ensuite parler de jugement au pluriel. L’explication est simple : si un juge peut être seul à juger, un témoignage ne peut être recueilli que s’il émane de deux personnes ainsi qu’il est dit : « על פי שני עדים יקום הדבר » Un témoignage ne peut être pris en considération que s’il provient de deux personnes.

Le juge devra enquêter et écouter, et chercher de manière à faire ressortir un détail qui pourrait être important.

De manière à ne pas défavoriser un pauvre vis-à-vis d’un riche, on aidera le pauvre à paraître de la même façon que son adversaire  soit en priant le riche de s’habiller comme un pauvre ou en aidant un pauvre à s’acquitter de sa peine/dette en cas de besoin.

Le Zohar attire notre attention d’une manière que le jugement ne peut être que divin et l’on demande aux juges d’être circonspects en rendant la justice : « malheur aux juges d’en bas s’ils renient l’œuvre de la création et si un juge ne se prononce pas de la même manière que l’autre car « en-haut » existent aussi des juges et des policiers et il y en a qui jugent les âmes car les juges et les policiers « d’en bas » sont corporels, alors que ceux d’en haut sont liés aux âmes : l’un n’est pas mieux que l’autre, et les uns comme les autres doivent être égaux.

Lorsqu’il est question de משפט צדק  c’est pour exprimer le fait qu’entre le moment où la justice va être rendue, on doit rechercher le lien qui existe entre les deux notions car, jugement et justice sont différents et l’un n’est pas l’autre.

  1. permet le choix d’un roi. Il devra lui aussi être intègre et juste. Les prophètes à venir oindront les futurs chefs du peuple juif.

Caroline Elisheva REBOUH

[1]  Yehouda Arié Leib Alter – Hassid et Admor Gour.