Les compagnies à bas coûts ont fait fondre les prix du transport aérien. Mais cette révolution s’étend aussi aux autres modes de déplacement. Démonstration.

Rejoindre l’aéroport coûte ­désormais plus cher que prendre l’avion. Jean-Luc Dumont, cadre dans la parfumerie, en a fait l’expérience début février : «J’avais réservé un vol sur EasyJet pour Nice au départ de Roissy. Prix du billet : 41  euros. Prix du taxi pour rejoindre l’aérogare : 60  euros ! Quand je vois ça, je me prends à rêver qu’un jour EasyJet lance sa propre compagnie de taxis», tempête ce quadragénaire habitué des voyages. Une idée pas si saugrenue quand on observe comment, en une quinzaine d’années, les low-cost ont modifié les règles du jeu du secteur des transports. L’arrivée, puis le succès d’EasyJet et de Ryanair obligeant les acteurs historiques à ­réviser leurs tarifs à la baisse, voire à créer leurs propres offres à bas prix, comme Air France avec Hop ou la SNCF et ses TGV Ouigo.

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Jamais le consommateur n’a eu autant de choix pour voyager pas cher en France : par la route, le rail ou les airs, les différents acteurs se ­battent pour s’accaparer la plus grosse part du trafic. Car si hier les pouvoirs publics freinaient la concurrence sur les prix, afin de préserver les intérêts des opérateurs historiques et les avantages sociaux de leurs salariés, on assiste depuis dix ans à une libéralisation tous azimuts des transports. Un essor aussi rendu possible grâce à Internet, «qui ­réduit les coûts de commercialisation et stimule la concurrence en facilitant les comparaisons de prix», résume Olivier Fainsilber, spécialiste du secteur transports au cabinet Oliver Wyman. Ainsi, rien que pour aller passer un week-end à Nice, le voyageur peut opter pour un billet sur EasyJet, profiter des prix mini d’Air France, embarquer dans un autocar d’iDBUS ou Eurolines, acheter des billets Prem’s, Ouigo ou ­iDTGV, ou miser sur le covoiturage

Et le marché est loin d’être saturé : dans les airs, le low-cost dispose encore d’un bon potentiel, sachant qu’il pèse en France 26% du marché, contre 43% en Europe. Ses recettes sont désormais connues et ont fait leurs preuves : «Pour optimiser les rotations de nos avions, nous privilégions les liaisons de point à point plutôt que le système des hubs qui génèrent des retards en chaîne. Notre flotte est récente et donc plus économique. Enfin, nous incitons nos passagers à voyager léger en leur facturant les bagages en soute», énumère François Bacchetta, directeur pour la France d’EasyJet, qui a porté à 14% sa part du marché court et moyen courrier décollant de l’Hexagone en 2013. De quoi inquiéter Air France, qui, faute de pouvoir imposer en interne le modèle low-cost, a délégué cette tâche à ses ­filiales Hop et Transavia.

Côté rail, la SNCF a également pris le virage des bas prix et s’est engagée à vendre un tiers de ses billets TGV à moins de 30  euros d’ici à cinq ans. Afin d’éviter la cannibalisation avec son offre classique, le transporteur a créé trois marques ­dédiées au low-cost. Les billets Prem’s permettent de réaliser de bonnes affaires, à condition de réserver plusieurs mois à l’avance. Les iDTGV, accrochés à des TGV classiques, n’ont pas de conducteurs et coûtent donc moins cher, et leurs billets sont uniquement vendus en ligne. Enfin, l’an dernier, le groupe a lancé Ouigo, un TGV low-cost s’inspirant des recettes de l’aérien et desservant des gares secondaires (Marne-la-Vallée et non la gare de Lyon) pour économiser sur le péage versé à RFF (Réseaux ferrés de France).

A bord, les voyageurs ne peuvent embarquer gratuitement qu’un seul bagage, ne disposent ni de voiture-bar ni de première classe, ce qui libère de la place pour installer 20% de sièges supplémentaires. Enfin, un train immobile ne rapportant rien, les Ouigo multiplient les rotations : ils circulent 80.000 kilomètres par mois, le double d’un TGV classique. Résultat ? Des coûts de production inférieurs de 40% à ceux des TGV classiques, 1,6  million de voyageurs transportés et 2  millions attendus cette année, dont beaucoup de familles et de jeunes à faible pouvoir d’achat.

«Sans Ouigo, 50% de nos clients n’auraient pas pris le train et 15% ne se seraient pas déplacés du tout. Nous reprenons des parts de marché à la voiture et augmentons la mobilité», se félicite Valérie Dehlinger, directrice générale de Ouigo et d’iDTGV. Reste que, avec trois marques low-cost dans le ferroviaire, l’offre de la SNCF ­devient encore un peu plus complexe et opaque, ce que lui reprochaient justement les clients dans un sondage du journal «Le Parisien» en 2012.

Reste la route, où là encore le potentiel de développement est important. Ainsi, alors que l’autocar représente 4 à 5% des trajets longue distance au Royaume-Uni et en Suède, il plafonne à 2% en France. La raison : à moins d’avoir signé une convention avec les pouvoirs publics, les autocaristes doivent se contenter du cabotage sur les lignes internationales qu’ils exploitent (par exemple, vendre un billet Paris-Marseille sur la ligne Bruxelles-Marseille). En attendant un assouplissement de la réglementation, la SNCF s’est déjà positionnée sur ce marché avec iDBUS, en concurrence avec Eurolines, qui opère 175 trajets entre des villes françaises.

Créée en 2012, cette filiale a transporté 400.000 passagers en 2013 et espère prendre des parts de marché à la voiture en proposant de voyager confortablement (espacement des sièges, Wi-Fi gratuit) à un prix raisonnable. Mais, prudente, la SNCF a aussi investi dans le covoiturage, dont Guillaume Pepy disait en septembre dernier, au cours d’une conférence interne, que ce nouveau mode de déplacement risquait de lui prendre des clients. Le groupe a donc racheté le site 123envoiture.com, mais peine à s’imposer face au bulldozer Blablacar qui transporte déjà 10  millions de personnes en Europe, dont 60% en France. Un succès qui s’explique par des prix compétitifs, mais aussi par une meilleure performance : «Pour les trajets transversaux qui obligent à repasser par Paris, le covoiturage est plus rapide que le train», affirme Frédéric Mazzella, P-DG du site, qui espère peser, d’ici à 2018, 5 à 10% des transports nationaux intercités dans l’Hexagone. En attendant, un jour, des taxis orange siglés EasyJet.

 Frédéric Brillet 

http://www.capital.fr/

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