J’ai eu envie d’écrire cet article suite au génial Fashioniscope réalisé par Arte Créative. Des tissus qui soignent, des chaussures qui guident, des maillots de bain qui nous protègent des UV… La mode avancent à grand pas vers l’homme « augmenté », un fantasme de plus en plus réel. Mais quelles sont les innovations majeures et comment vont-elles impacter notre quotidien ?

Des jeunes punks gréco-romains de 2030, qui porteront uniquement des vêtements connectés, au fermier high-tech (le ferm-bot de 2090) qui cultivera ses terres en combinaison Martin Margiela adaptée aux changements climatiques, l’homme du futur aura parfaitement intégré le vêtement connecté à sa garde-robe. Pour l’heure, le marché mondial est encore timide puisqu’il s’élève à moins de 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015 (Source : Les Echos). L’économie du vêtement connecté est pourtant en hausse! Au regard de l’investissement des marques dans les objets connectés, je ne vois pas pourquoi la mode ne tirerait pas son épingle du jeu. Patience, patience…

L’économie du vêtement connecté est en hausse

Comme pour l’imprimante 3D, l’industrie du textile devient un support à l’innovation et fait intervenir de plus en plus de métiers transversaux. Les techniques de création se multiplient, les cibles se diversifient et les motivations d’achat s’additionnent. Pour beaucoup d’entre nous, dans la mode, l’impulsion esthétique guide l’acte de consommation. Avec les vêtements intelligents, vont apparaître des achats par intérêt et par besoin. Encore faut-il déterminer le territoire des vêtements connectés qui vont du superflu à l’essentiel.

Un premier exemple, nullement indispensable, j’en conviens, mais avec une vraie dimension poétique : les robes baptisées “Intimicy 2.0” du Studio Roosegaarde. Leur transparence varie en fonction de nos émotions. Un compliment vous fait rougir ? Votre rythme cardiaque s’accélère et la robe s’évapore… Pas très pratique, mais comme seconde peau, on a rarement vu mieux ! Autre invention tout à fait inédite : le « CHBL Jammer Coat ». Ce manteau-cape présente la particularité de brouiller les fréquences radio. Votre smartphone n’est plus repérable et vous n’êtes plus géolocalisable ! Plus réconfortant maintenant :le GPS dans les baskets pour situer nos enfants. Rassurant, voire utile en cas d’enlèvement ou d’égarement !

C’est très stimulant pour l’industrie de la mode de participer à la révolution du numérique. Particulièrement lorsqu’elle se met au service de la santé : des T-shirts peuvent prévenir des crises d’épilepsie ou rééduquer le dos, des gants traduisent des textes en langage des signes pour malentendantsLe vêtement curatif est un coup de génie et le progrès n’a jamais été aussi valorisant pour le textile.

Malheureusement, comme l’imprimante 3D, au-delà des prix prohibitifs, il y a encore beaucoup de questions en suspens : passage à la machine à laver ? Résistance à l’eau ? Traitement délicat ? Tenue face à l’épreuve du quotidien ? Ce sont aujourd’hui les premiers freins à l’industrialisation.

On prédit qu’il y aura plus de 80 milliards d’objets connectés en 2020 et nous pouvons être fiers de participer à cette émulation collective. Pourtant deux interrogations émergent : la gestion des mégasdonnées et la place de la créativité.

80 milliards d’objets connectés en 2020

Pour la question des mégas données, il faudra se soucier de la législation sur la collecte, l’exploitation et la confidentialité des données partagées. On peut se poser la question des risques de l’auto-mesure (« self quantified ») et la responsabilité que l’on aura à commercialiser des vêtements connectés qui ont un impact sur la santé.

Pour la créativité, dans un monde de plus en plus high-tech, la mode, bien qu’elle soit au cœur d’un secteur dynamique, doit prendre garde à ne pas s’éloigner de ses valeurs originelles : ses propriétés esthétiques, sa faculté à rendre compte d’une époque, à capter de nouveaux codes sociaux, etc. Le premier risque de l’intrusion – heureuse – de la technologie est peut-être de nous mener vers une uniformisation vestimentaire. La diversité limitée des textiles ou la difficulté de reproduire des motifs sur des tissus intelligents empêcheront peut-être, au moins quelques temps, cette pluralité de styles que j’affectionne tant.

Le grand enjeu que la mode ne doit pas perdre de vue : être à la fois innovante et créative.

À elle de rendre le textile aussi intelligent qu’esthétique, d’allier le futile à l’utile. Le pari sera définitivement gagné lorsque le matin, on enfilera en toute sécurité et en toute confiance un jean confortable en oubliant qu’il est connecté, comme une seconde peau.

“Lors des décennies à venir, le luxe sera invisible et technologique”, je me range derrière les propos de Pascaline Wilhem, directrice de la mode du salon Première Vision pour le Fashioniscope. Je souhaite que cette prédiction s’applique à la mode dans sa globalité pas uniquement au luxe.

Laurence Paganini
Directeur Général KAPORAL

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