Accueil Pratique Yom Ahava : Je t’aime moi non plus. Publié par YEHOUDA GUENASSIA

Yom Ahava : Je t’aime moi non plus. Publié par YEHOUDA GUENASSIA

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«L’amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser, et c’est bien en vain Qu’on l’appelle s’il lui convient de refuser […] L’amour est enfant de Bohême. Il n’a jamais, Jamais connu de loi. Si tu ne m’aimes pas, je t’aime et si je t’aime prends garde à toi !!! »
Habanera – Carmen de Georges Bizet
divorce
Il semblerait qu’il n’existe pas de réciprocité dans l’amour. Dans son opéra, Georges Bizet nous présente une Carmen vivant l’amour comme une terrible menace. L’amour a pourtant le pouvoir de sacraliser les individus et leur relation. Dans notre civilisation, le couple ainsi que sa progéniture en tant que fruit de l’amour sont sources de sacré.

‘’Un couple soudé par l’amour vit un enchantement qui est la vraie richesse de toute relation personnelle et de toute famille. L’amour est une richesse réelle dont le psychisme des enfants hérite. Le couple d’amour jouit d’un bonheur qui enchante le monde, un bonheur qui chante, une invocation d’amour qui vibre, qui fait résonner deux corps dans une chanson toujours nouvelle. La relation se porte bien quand les invocations des partenaires produisent de nouvelles notes étonnantes qui font vibrer leur corps. Un couple garde son harmonie s’il arrive à créer de la musique toujours nouvelle, de nouveaux signifiants.

Quand la partition ne permet plus de jouer des harmoniques jouissantes, la relation est en danger. La parole devient dissonante, la pulsion invocante perd de sa force, la musique se fait inaudible. La pulsion invocante est l’expérience la plus proche de l’inconscient ». Lacan – Séminaire XI

Ainsi lorsque l’amour ne parvient plus à survivre à la vie quotidienne, le couple après une période de crise, parfois se sépare. Un divorce pose la question du respect de ce sacré qui devrait persister après une séparation.

Le divorce de haine serait-il une conséquence du mariage d’amour? Une façon pour la passion de continuer à exister autrement, à travers la haine et la guerre?

Séparation et divorce sont aujourd’hui, dans notre société, source d’une énorme souffrance, symptômes d’un malaise plus profond, structural, propre à tout sujet qui a du mal à trouver son autonomie. Une séparation peut être l’occasion de questionner et de réarticuler notre modalité à l’Autre, pour réinventer, à travers un travail psychanalytique, une relation d’amour qui nous est propre.

Un divorce pourrait même être une chance, s’il devenait l’occasion de ramener à la surface et de transformer, grâce à une cure, ce malaise originaire qui empêche un mouvement psychique libre et une vie épanouie.

Pour réussir une séparation, un divorce il faut donc trouver la clef (singulière pour chacun d’entre nous), qui permet de désamorcer cette bombe à retardement qu’est la passion quand elle est déçue/déchue et devient prisonnière de l’amour.

‘’Le divorce est le point d’arrivée de cette sidération qui ne permet plus d’invocation, plus de parole. L’amour, qui était partage et création de nouveaux signifiants et de réel à travers la parole et les gestes, devient haine, parole muette, vidée de son pouvoir de création, geste sidéré.’’

Qu’il soit conflictuel ou à l’amiable, le divorce n’est jamais anodin. C’est un événement qui bouleverse les habitudes de la vie. Il remet en cause les fondations d’une vie de couple qui s’achève, il ouvre une phase de turbulences et de perturbations qui est déstabilisante. Il représente un saut dans l’inconnu dont le cap est parfois difficile à négocier. Ses effets psychologiques débordent du seul cadre de l’intimité des conjoints qui se séparent. De manière parfois inattendue, le divorce amène ainsi à redéfinir sous un jour nouveau les rapports que l’on entretenait avec ses enfants ou ses amis.

En France, par exemple, 2,9 millions de mineurs vivent avec un seul parent et près d’un mariage sur deux se termine par une rupture. Le divorce serait-il un symptôme du monde dans lequel nous vivons, où le rapport à l’objet passe par sa consommation rapide et effrénée, quel que soit l’objet?… Y compris lorsque l’objet est une femme, un homme, un couple, une famille. Symptôme de l’évolution des positions féminine et masculine ?

La société est devenue de plus en plus difficile. Les femmes comme les hommes dépensent de plus en plus d’énergie pour résoudre des conflits à l’extérieur, dans le travail, dans la vie sociale, énergie qu’ils n’ont peut-être plus pour régler les problèmes intrafamiliaux. Cette forte pression sociale doit probablement jouer en défaveur d’une vie de couple stable.

Les femmes semblent avoir pris la mesure de ces changements de société plus rapidement que les hommes. Elles ont ‘’bougé  » beaucoup plus vite depuis quarante ans. Dans le passé, on apprenait aux femmes à cuisiner et à faire la vaisselle, puis quand elles se mariaient, elles restaient à la maison pour s’occuper des enfants. Rien n’était fait pour qu’elles se posent la question de savoir comment ça allait ou si elles avaient envie de faire autre chose. La libération de la femme a permis une évolution positive en direction d’une plus grande liberté, d’une plus grande autonomie. Tandis que les hommes, dans leur majorité, ne semblent pas avoir mesuré à quel point les femmes se sont affranchies de la sphère domestique. Ils s’attendent toujours à voir leur femme accomplir les tâches ménagères quand ils rentrent le soir à la maison. Ce décalage entre hommes et femmes entraîne beaucoup de frustration des deux côtés. Ce point est important pour tenter de comprendre toutes ces vies de couple qui se mettent à ne plus fonctionner.

Lors d’un divorce, le conjoint qui n’a pas décidé de divorcer peut être frappé d’un syndrome dépressif réactionnel. C’est une blessure narcissique qui entraîne un sentiment de tristesse, de culpabilité, de péjoration de l’avenir. On pense qu’on ne va plus arriver à rien. La personne n’est pas bien, dort mal, aura de plus en plus de mal à se concentrer. Le syndrome joue sur tous les registres, se diffuse dans tous les secteurs de la vie.

L’essentiel est de faire un travail de deuil sur le mariage et de parvenir à métaboliser l’épreuve, c’est-à-dire à accepter qu’il y ait une séparation. Savoir arrêter une histoire, pour aller vers un autre ailleurs. Lorsque l’on a beaucoup souffert, il peut être plus difficile de s’en remettre, cela peut prendre un certain temps. Mais on sait qu’on a fait le deuil lorsque l’on arrive à passer à autre chose, que la peur et l’anxiété ont disparu et surtout que la confiance en soi est revenue. Il y a une panoplie de signes qui fait partie d’une dépression et qui s’amenuise à mesure que la blessure narcissique se résorbe. Mais si au bout de quelques mois, les signes ne se sont pas estompés, si on ne parvient pas à métaboliser l’épreuve, il faut songer à se faire aider, en allant consulter un spécialiste.

Quelqu’un a dit que le mariage c’est de  » régler à deux des problèmes qu’on n’aurait pas eu tout seul « . Avec le divorce on se retrouve à  » régler tout seul des problèmes qu’on aurait pu résoudre à deux « .

La mère peut être conduite à jouer tous les rôles, le sien, celui du père, voire les deux à la fois. Le père est invité à mimer la mère (dans les soins aux enfants par exemple), au risque de ne plus savoir où et quand il est un père, au risque que sa femme ne le sache pas davantage. Symptôme de la famille qui n’arrive plus à se constituer dans une triangulation jadis installée à priori ? Symptôme de l’enfant lui-même ? Égal à ses parents en consommation d’objets (console de jeux, téléphone, télévision), et qui n’a de choix que de multiplier les maisons, les beaux-pères, les demi-frères et les demi-sœurs, les lieux de vacances et les grands-parents.


JE T’AIME… MOI NON PLUS…
Mais multiplier, c’est aussi couper, ou « se » couper. La séparation n’est plus cette opération psychique nécessaire à la constitution du sujet. Elle devient une opération autre, nouvelle, qui se joue dans la réalité, où les dommages et les réparations tant psychiques qu’affectifs sont à découvrir en séance.

En effet, nous l’entendons dans les paroles des petits, la séparation de leurs parents peut devenir pour eux-mêmes équivalente à une coupure, une division de soi ou une mutilation. « Je me divorce », disait une petite fille. Comment entendre la réelle profondeur de cette formule qui ne peut exister grammaticalement ? Que devient la grammaire psychique de l’enfant ? À quoi s’affronte-t-il ? En est-il psychiquement capable ? Se couper ? De papa ? De maman ? Se couper entre papa et maman, entre l’amour pour papa et l’amour pour maman ? Entre l’amour de papa et celui de maman ? Se couper de sa douleur, pour éviter la culpabilité de ne pas être auprès de celui qui n’est pas là ? Se couper de ses ambivalences structurantes ?

Se couper, c’est parfois s’amputer d’une de ses deux lignées. Ou bien se couper, cela peut être perdre la confiance en ses parents : « On ne va pas leur dire qu’on se sépare mais seulement qu’à partir de maintenant, ils auront deux maisons. »

Nous le savons, les rapports que l’enfant entretient avec la réalité sont fragiles. Il laisse à ses parents le soin de s’occuper du monde extérieur. Ceux-ci sont censés savoir spontanément combien leur enfant a besoin d’un environnement simplifié et rassurant tandis qu’il construit son monde intérieur. Il doit intégrer ses parents, sa mère d’abord, son père ensuite, comme des personnes entières. Pour que ce processus s’accomplisse, le moi de l’enfant doit avoir atteint un certain degré de développement et être en mesure de réunir les différents aspects de ces objets. Bon et mauvais, aimé et haï. Une fois l’ambivalence installée, le moi, renforcé, peut découvrir la réalité psychique : ses pulsions agressives, la culpabilité de cette agressivité, l’angoisse de perdre l’objet aimé. Simultanément, cela lui donne accès à une meilleure compréhension du monde extérieur.

Parfois, la situation paraît plus simple, elle peut sembler plus banale. Ce sera se couper des amis parce qu’on n’est là qu’un week-end sur deux, ou encore diviser les vacances et les jours de fêtes selon les années paires et impaires, fêter son anniversaire quatre fois. À faire des calculs qui n’existent pas, grammaire et arithmétique sont remis en question.

La recherche d’une  » cohérence  » dans l’éducation des enfants est aussi plus difficile à trouver quand les deux parents ne sont plus ensembles. Toutes les formules qui participent à instaurer le dialogue et la discussion entre les ex-conjoints est une bonne chose. C’est d’ailleurs un signe de  » bonne santé  » que d’être capable de gérer le divorce et la séparation sans que les enfants soient exposés. Le divorce doit rester un problème entre adultes, les parents doivent essayer de ne pas en faire pâtir leurs enfants, ils doivent faire en sorte de les préserver. Parce que si l’on est irritable, énervé, déprimé, agressif envers le conjoint dont on vient de divorcer, et ce plusieurs mois, voire plusieurs années durant, cela aura nécessairement une influence sur les enfants. Or il n’est pas souhaitable qu’ils se retrouvent exposés en première ligne aux différends entre les parents. Les parents doivent être capables de distinguer ce qui relève de l’éventuel conflit conjugal et ce qui relève de la relation avec leurs enfants.

Souvent les enfants déchirés par le divorce sont victimes d’un syndrome: l’aliénation parentale. Il s’agit de la manipulation d’un enfant par son père ou sa mère, afin de transformer l’autre parent en un être néfaste et détesté ; une forme de soumission inconsciente, similaire à ce que l’on retrouve dans les sectes ; l’enfant devient alors un outil de guerre pour détruire l’ex-conjoint…

Un enfant qui considère sa mère comme un objet détruisant le père, perd dès lors toutes ses capacités protectrices, constructrices et structurantes. Un autre percevant sa mère comme toute-puissante n’aura d’autre choix que de l’attaquer pour s’en séparer. Ou, à l’inverse, des enfants voyant leur mère comme un être dévalorisé, humilié par le père, s’épuiseront à tenter de la réparer. D’autres encore suivront la voie de la dévalorisation de leur mère et, par-là, d’eux-mêmes. On peut, à l’évidence, voir des positions similaires se mettre en place vis-à-vis des pères.


JE T’AIME… MOI NON PLUS…
Pour l’écrasante majorité de ces enfants (88 %), un divorce a des effets à long terme sur leur personnalité. Devenus adultes on peut les entendre en consultation, avoir peur d’être abandonnés, manquer de confiance, souffrir de dépression. «J’ai un sentiment de culpabilité étouffant». «J’ai peur que tout s’écroule du jour au lendemain». «Je ne fais pas confiance aux hommes». Quelques éclaircies nuancent néanmoins ce tableau. «Je sais m’adapter à toutes les situations», «cela m’a permis de mûrir plus vite», avancent les plus optimistes. Le divorce a rendu une poignée d’entre eux plus coriaces.

Cependant c’est presque devenu un tabou de dire que les enfants souffrent énormément du divorce de leurs parents. Aujourd’hui, tout le monde défend la même thèse : si les parents vont bien, les enfants vont bien. Tenir un autre discours serait trop culpabilisant. Avec plus de 55 % de divorces prononcés par consentement mutuel, on entretient le mythe du divorce heureux.

La question finale devant cette clinique de la séparation pourrait être : comment permettre aux enfants de rester entiers, unifiés et unis ? La séparation, cette opération intimement mêlée aux processus de maturation de tout être humain, est présente dans tous les processus psychiques et affectifs. C’est un long travail marqué par des allers et retours qui signent pourtant l’ouverture à la vie. Consciemment, concrètement, dans la vie quotidienne, personne n’aime les séparations et, plus encore, nous sommes toujours en défaut d’une séparation plus ou moins archaïque, mal réalisée, imparfaite. Lorsque les enfants sont confrontés à la réalité de la séparation de leurs parents, il apparaît chez eux des déchirures, des blessures, des atteintes qui nous demandent de prendre en compte d’une part, une réalité d’éclatement de la famille, et d’autre part, toutes les sources d’identifications possibles qui s’offrent dès lors à l’enfant, dans la succession par exemple des beaux-pères ou des belles-mères. Au professionnel de savoir entendre hors de toutes ces confusions, et de maintenir ou de recréer les identifications aux parents comme sécurisantes, et cela malgré un climat souvent perturbé et perturbant pour tous.

Avec la parole, on peut certes produire des conflits. Cependant avec la parole, on peut les dénouer, on peut arrêter des guerres, les empêcher ou les vaincre.

La parole permet de construire une liaison, une amitié, une relation. La parole peut transformer la haine en amour. La « hamour » est un sentiment double et contradictoire : seule la parole peut en diriger la valeur et peut redonner à une liaison morte, sidérée une chance et du… désir.

Références bibliographiques: « La clinique des enfants : la place du divorce » Laurence Darcourt, La lettre de l’enfance et de l’adolescence 4/2009 (n° 78), p. 19-23

Yehouda Guenassia

Yehouda Guenassia est psychothérapeute certifié en Gestalt Thérapie Analytique, il est affilié à l’Association of Humanistic Psychology.
Il reçoit à Jérusalem, Ashdod et Ashkelon.
Tel Israël : 052-4311401. Tel France : 01 77 47 17 01
Email : yehouda72@gmail.com –
Consultations en ligne: http://www.therapienligne.com

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