PARASHAT BALAK 5780 –  Shabbat du 4 juillet 2020 – horaires Ashdod entrée    19 h 30 – sortie 20 h 33

AYIN HARA

Dans les Pirké Avoth (V, 1), une mishna  évoque les dix éléments qui ont été créés juste avant la tombée du premier shabbat. C’est ainsi qu’il apparaît que parmi ces éléments, trois prodiges ont été créés : la « bouche » de la terre, la « bouche » de l’ânesse et celle du puits faisant allusion au fait que la terre s’entrouvrit pour engloutir Korah et sa communauté, ou au fait dont il est question dans cette sidra où l’ânesse de Bile’am se mit à parler et l’autre faisant allusion au fait qu’à la mort de la prophétesse Myriam les Enfants d’Israël n’ont plus eu d’eau à boire.

Dans une autre mishna, toujours dans les Pirké Avoth (V, 19), il est question de la personnalité de Bile’am mise en opposition/comparaison à celle d’Abraham : »Quiconque possède « un bon oeil »[1], un esprit humble et une âme bien disposée à l’égard des autres peut être compté parmi les disciples d’Abraham Avinou ; au contraire celui qui possède un mauvais œil, qui est orgueilleux et qui est avide de toutes choses est un disciple de Bile’am l’impie.

Ce ne sont pas les seuls points qui dans la péricope de Balak mettent en comparaison ce sinistre personnage avec Abraham ou avec Moïse.

Mais, reprenons depuis le commencement : Balak est roi de Moav. Moav et Amon sont les fils conçus par les filles de Loth en ayant commerce avec leur père : ce nom-même Moav signifie « du père »… soit l’impureté magnifiée : Moav est d’une valeur numérique de 49 ce qui indiquerait qu’avec cet acte la fille de Loth a atteint 49 degrés d’impureté sur 50 !

Les Sages soulignent que, tout au long des six jours de la Création, tout était entièrement bon ou entièrement mauvais puis, survint LA faute d’Adam et, depuis, bien et mal furent mêlés et RIEN ne peut être entièrement bon ou entièrement mauvais mais il y aura toujours une part à définir ou à délimiter par soi-même dans la mesure ou l’être humain peut arriver à se gendarmer et à sublimer ses penchants. Aussi, lorsqu’Abel et Caïn sont nés, le bien représentait la majeure partie d’Abel et le mal habitait la majeure partie de Caïn mais il y avait en lui un petit ‘noyau’ de bon de toute façon… Les Hazal mettent l’accent d’après le Yalqout Réouvéni, que la part de mal chez Abel correspondait à Bile’am alors que la part de bien chez Caïn correspondait à Yitro et certains disent Moshé Rabbénou.

Le Yalqout indique qu’entre Moshé Rabbénou et Bile’am existaient des différences importantes tel le fait que Bile’am savait d’avance qu’HaShem  lui parlerait la nuit, tandis que Moïse ne pouvait savoir à quel moment HaShem S’adresserait à lui et c’est pour cette raison qu’il s’était séparé de son épouse et de tous les désirs terrestres (hataavoth) de manière à se trouver toujours pur et disponible…  alors que Bile’am était totalement en proie à ses désirs, jusqu’aux plus répréhensibles.

Quelle était la « force » de Bile’am ? Le Zohar enseigne que Bile’am était un très grand spécialiste en sorcellerie et magie et il régnait sur le monde de l’impureté. Le Yalqout Shim’oni, dévoile un fait important: Bile’am s’était « nourri » aux sources mêmes de l’impureté et de la sorcellerie à tel point qu’il était parvenu à  se rendre maître du Shem HaMeforash  à un tel point que lorsque Pinhas voulut tuer Bile’am, celui-ci s’échappa en faisant usage du Nom divin.

Bile’am déclare à Balaq qu’il adore l’Eternel et fait procéder à la construction d’autels et exige le sacrifice de bêtes pour HaShem, pourtant,  il se complaît dans l’impureté, et ne saisit pas l’importance de la protection de ce peuple que le Créateur a béni : il a beau essayer de tout mettre de son côté pour mener à bien la mission que lui a confiée le roi des moabites : ni son mauvais œil n’a de prise sur Israël ni ses malédictions qui se transforment en bénédictions…

Le Maharal de Prague tout comme les Maîtres du Talmud  statuent sur le fait que dans un cimetière 9 morts sur 10 ont succombé au mauvais œil ! De toutes les « forces » du mal le mauvais œil est la pire d’autant que l’on peut se faire du tort à soi-même avec le mauvais œil : ayin hara ou eyna bisha en araméen….

Rabbi Shimshon Rephaël Hirsch explique toute la complexité du personnage de Bile’am en ceci : bien que ce « triste sire » possédât des pouvoirs intenses, sa soif de plaisirs terrestres l’empêcha de progresser spirituellement et, bien qu’il sût utiliser des forces incommensurables, il lui manquait la soumission du peuple à la Torah telle qu’elle fut proclamée au Mont Sinaï….

Le Zohar rappelle qu’avant de mourir, Abraham avait « offert » aux fils des concubines des sciences pleines de Toume’a (impureté) et d’autres sciences occultes qu’il céda également à Isaac.

En se répondant à l’invitation de Balaq, Bile’am a pleinement conscience qu’il agit contre le gré de D, qu’il va mécontenter le moabite, mais il ne peut s’empêcher de se rendre sur place. En considérant le camp des Bené Israël, il ne peut s’empêcher d’exprimer son admiration par un verset que dans la plupart des communautés on récite soit à l’office du matin soit simplement en pénétrant dans la synagogue « Ma tovou ohalékha Yaakov, mishkenotékha Israël » Que tes tentes sont belles ô Jacob et tes demeures Israël !!! מה טובו אוהליך יעקוב משכנותיך ישראל.. Rashi exprime ici le fait que devant l’ingéniosité de l’implantation des tentes, Bile’am n’a pu qu’exprimer son admiration : en effet, le campement était fait de telle façon que personne ne pouvait pénétrer l’intimité de chaque famille l’entrée de chaque tente n’étant pas perceptible par quiconque préservant ainsi la privauté de chacun, les portes ne s’ouvrant pas l’une face à l’autre !  Les exégètes se sont interrogés pour savoir si le diabolique projet de « perdre » les Juifs en leur envoyant de jolies femmes moabites pour les débaucher.

Avant que ne se produise la faute des explorateurs, et que ne soit décrétée la punition d’errer dans le désert 40 années durant, en réalité, le peuple était parvenu au terme du voyage et il se trouvait à la veille de l’entrée en Canaân. Il ne manquait que peu de distance et, si ce rapport désastreux fait par les explorateurs et surtout, si le peuple ne s’était pas lamenté, Moïse eût pu faire le partage du pays par tribu…. Mais, le peuple s’est lamenté alors qu’il n’y avait aucune raison véritable à cela.

Par son manque de maturité spirituelle, le peuple faillit à chaque occasion. Arrivés à la localité moabite de shittim, le piège s’est refermé sur Israël. Les femmes de Moav se sont précipitées les unes pour inciter les Enfants d’Israël à céder à la luxure, d’autres se sont laissés enivrer et, pris de vin se sont laissés entraîner à rendre un culte idolâtre à Ba’al-Pe’or….

Rashi interprète ce fait de la façon suivante : le nom de ce lieu : Shittim est une allusion au fait que la sottise se soit emparée des hommes juifs au point qu’ils aient  perdu tout contrôle sur eux-mêmes et toute dignité ! Tout sentiment de crainte de D disparut du camp et seule une action d’éclat pouvait rendre au peuple sa dignité : c’est ainsi que l’acte de Pinhas saisissant sa lance et enfourchant ensemble par l’ « endroit »-même de leur faute Zimri ben Salou avec Kozbi bat Tsour  eut l’effet d’un électro-choc rendant à Israël la crainte-révérencielle et l’amour pour l’Eternel et Sa Loi.

Depuis cet épisode, les Hakhamim ont interdit une trop grande fraternité avec d’autres peuples en buvant du vin.

Caroline Elishéva REBOUH

[1] Un œil bienveillant qui Considère les choses avec bienveillance, sans envie, jalousie…