Les recherches sur les vaccins sont le nouveau Graal d’une cyber guerre d’espionnage où les pirates les plus ingénieux tentent tout pour récupérer les travaux les plus en pointe, souvent pour le compte de gouvernements étrangers.

Pas un jour sans une nouvelle attaque informatique contre des établissements de santé, laboratoire, hôpitaux. Voici une dizaine de jours, c’était au tour du groupe français ORPEA, à la tête de plus de 1000 Ehpad dans 22 pays, d’essuyer une cyber intrusion. Le 12 septembre dernier, une clinique universitaire de Düsseldorf était totalement paralysée par des hackers qui demandaient une rançon. Cette fois, les conséquences furent dramatiques : ce blocage a provoqué la mort d’une patiente en situation critique, décédée faute d’avoir pu être opérée à temps.

Ces derniers mois, les pirates ont passé un nouveau cap, comme nous l’explique Lisa Forte. Cette experte en informatique a monté en mars dernier un réseau de volontaires  Cyber Volunteers 19 (« CV19 ») pour aider dans toute l’Europe des établissements de santé à contrer les attaques malveillantes :

« Depuis mars, les pirates ont fait évoluer leur stratégie de hacking. Au début, c’étaient des demandes de « ransomware », en entravant le fonctionnement des hôpitaux. Ensuite ils ont profité de la pénurie de masques pour arnaquer les établissements de soin et leur faire payer du matériel dont ils n’ont jamais vu la couleur. À présent, les attaques sont de plus en plus sophistiquées et ciblent très précisément les centres de recherche qui travaillent sur les vaccins contre le Covid-19. Des hackers qui travaillent très certainement pour des gouvernements ».

En d’autres termes, les recherches sur les vaccins sont le nouveau Graal d’une cyber guerre d’espionnage où les pirates les plus ingénieux tentent tout pour récupérer les travaux les plus en pointe. « Les pays européens les plus piratés en la matière sont la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France », selon Lisa Forte, « un laboratoire de recherche sur le Covid -19 nous a confié subir 20 attaques par jour. Tant que les vaccins n’auront pas été trouvés, ces attaques vont continuer de plus belle ». Pour preuve, le 18 septembre dernier, des hackers chinois ont dérobé des données à des laboratoires espagnols positionnés sur ces recherches sensibles. La Chine nie être derrière cet assaut mais les renseignements ibériques ont accusé nommément Pékin, déjà accusé par l’Union européenne en juin dernier d’avoir diligenté une série de cyberattaques contre des hôpitaux français. Dans cette guerre d’espionnage, la Russie est également pointée du doigt par les services secrets britanniques. James Brokenshire, le ministre d’État à la sécurité, affirmait à Londres en juillet dernier qu’« il était certain à plus de 95 % que l’État russe avait commandité des piratages ciblant des organisations britanniques, américaines et canadiennes à l’œuvre dans le développement des vaccins contre le Covid-19 ».

Quel est le mode opératoire de ces cyberespions pour arriver jusqu’aux données ultrasensibles des laboratoires ? Lisa Forte détaille plusieurs stratégies :

« Les hackers envoient souvent des mails contrefaits aux chercheurs. Un des scientifiques a reçu par exemple un email provenant soi-disant de l’Organisation mondiale de la santé avec des liens où cliquer. Quelqu’un a cliqué dessus et ça a installé immédiatement des programmes malveillants à l’intérieur de l’ordinateur. Ces softwares espions ont ensuite tenté d’extraire les données de recherche sur le Covid-19. Heureusement, la sécurité informatique de ce laboratoire est intervenue à temps ».

Les réseaux sociaux sont également une porte d’entrée très facile pour entrer en contact avec les équipes scientifiques et leur voler des informations. Surtout si ces derniers consultent leurs profils ou leurs messages électroniques sur un ordinateur connecté à des données très sensibles. Des données qui seront revendues par les mercenaires du web aux gouvernements les plus offrants.

Car derrière cet espionnage tous azimuts, les enjeux économiques, voire géopolitiques sont énormes. Connaître les dernières avancées sur les vaccins est devenu sans aucun doute l’un des objectifs prioritaires des agences de renseignement du monde entier.

Maîtriser le secret industriel est en effet crucial pour ensuite commercialiser des vaccins qui rapporteront par la suite des milliards de dollars aux laboratoires détenteurs des brevets. Sans compter toute la puissance politique qu’un État pourrait en retirer dans un contexte de pandémie mondiale. Dans ce sprint vaccinal sans précédent, quelle place sera accordée aux enjeux de sécurité sanitaire et de transparence ? Difficile à dire.

source : alternativesante.fr