PARASHAT Yitro 5781 – Vendredi 5 fevrier 2021–Yom Chichi 23 Chevat 5781″- Horaires Ashdod : Entrée : 16 h 56 – Sortie : 17 h 57

Parashat Yitro ou la parasha du décalogue/dix Paroles.
Dans les communautés tunisiennes et même certaines autres communautés qui ne sont pas  de Tunis ou de Djerba, on fait un festin à l’avance, avant de lire cette section hebdomadaire. Cependant, chez les Tunisiens, en dehors de se réjouir de la réception du décalogue, on se remémore une époque pendant laquelle éclata une épidémie pendant laquelle de petits garçons juifs mouraient puis, un jour cette épidémie se termina et ce fut à cette date, avant la lecture des dix « commandements », qu’eut lieu ce miracle. Aussi fut fixée la fête des garçons le jeudi précédant la parashat Yitro. Dans les maisons où se célèbre cette fête, on dresse une petite table avec de petits ustensiles en verre coloré en règle générale et on sert des aliments de petite taille comme des pigeons avec des petits pois et des petites pâtes et en dessert des petits fours ou certains commandent carrément une pièce montée….Les filles sont fêtées en téveth…
Shabbat shalom et surtout bonne santé

 

TANT QU’IL Y A DE LA VIE…….

Peu de personnages ont eu l’avantage de voir donner leur nom à une parasha ou section de la Torah : Noé qui fut un homme hors du commun puisqu’il est écrit qu’il avait trouvé grâce aux « yeux » de D., Balak parce qu’il eut le mérite par ses sacrifices offerts à l’Eternel d’être l’aïeul du Mashiah, Pinhas qui fut un véritable tsadik… Mais ni Abraham, ni Isaac, Jacob, Moïse ou Aharon, n’ont eu ce privilège et encore moins d’autres personnages… Alors, pourquoi Yitro ?  Le texte précise qu’il est prêtre de Midiane et beau-père de Moïse…. Grâce aux commentaires, nous arrivons à cerner ce personnage énigmatique, pour le moins, qui s’illustre devant nous par des conseils avisés qu’il dispense à cet illustre gendre. Voici de quoi il s’agit en fait :

1 – Yitro, Jétro, était à la cour de Pharaon lorsque Moïse était enfant avec Bile’âm et Job. Yitro est nommé de 7 façons différentes selon le rôle qu’il endosse dans chaque récit. Yitro était devin. Il savait que le bâton de Joseph qui se trouvait encore dans le palais de Pharaon devrait être transmis au sauveur du peuple juif/hébreu. Il s’appropria donc ce bâton et le planta dans son jardin (si je puis m’exprimer ainsi) tout en sachant que personne ne pourrait se l’approprier en dehors de celui qui serait chargé de mission.

2- Dès que Moïse, fuyant l’Egypte, arrive en vue du campement des Midianites, Moïse aperçoit le fameux bêton de saphirs le touche et s’en empare : Yitro sait déjà à qui il a affaire.

3 – Moïse, fait sa vie à Midiane et Yitro assiste. Tsipora, unie à Moïse met tour à tour deux garçons au monde. L’un est pratiquement « dédié » à Yitro et l’autre à Moïse. (d’ailleurs, la Torah l’avance d’emblée car il est écrit : l’un Guershom et l’un Eliezer et non pas l’un Guershom et l’autre Eliezer désignant ainsi les deux frères comme deux entités différentes d’ailleurs une partie des zekhouyoth  – mérites – de Moïse n’a été transmise qu’à Eliezer[1]).

4 – Lorsque la Mer rouge se fendit en 12 couloirs différents pour laisser passer au plus vite les douze tribus en même temps, nous savons que dans le même temps, toutes les étendues d’eau dans le monde entier se sont, elles aussi, fendues ce qui permit à Amalek[2] de savoir que quelque chose se passait. Etant donné que chaque être réagit de façon différente, Amalek surgit et attaque Israël dans son dos, au contraire, Yitro, entend parler de tout ce qu’HaShem a fait aux Egyptiens et tous les miracles et les prodiges opérés pour sauver Israël, il vient et se convertit. Donc deux approches différentes selon le niveau de « devékouth » (adhésion à la foi) et d’émouna (foi).

Le mérite amassé par Yitro ne réside pas uniquement en ces points : Il accourt avec Tsipora et ses petits-enfants et ses gens de manière à montrer son désir ardent de faire partie de ce peuple car le DIEU de ce peuple est : LE PLUS GRAND DE TOUS LES AUTRES DIEUX   Cette reconnaissance est, en soi, un Kidoush HaShem d’une ampleur indescriptible c’est cette louange exceptionnelle qui a valu à ce prosélyte l’honneur d’avoir une parasha qui est à son nom.

ILS ONT VU LES VOIX ET ILS ONT ENTENDU CE QUI SE VOIT :

Ceci semble être un non-sens car en règle générale on entend des voix et on voit des vues. Cependant, de même qu’il y a une mémoire simple pour des évènements, une mémoire des dates etc…, il y a une mémoire visuelle, une mémoire auditive, olfactive, gustative et même une mémoire tactile.

Nous avons déjà fait état pour différents commentaires de l’importance de l’ouïe et de la vue qui, influent directement sur nos sens et sur notre cerveau et sur nos sentiments. Sur notre cerveau, car l’information véhiculée par l’oreille ou par l’œil va imprégner notre cerveau et notre mémoire.

L’oreille qui capte des sons est appelée OZEN אוזן en hébreu parce qu’y siège le centre de l’équilibre du corps humain IZOUN איזון  c’est-à-dire que sans l’oreille, le corps ne peut nous servir comme il se doit.

Lors du Matan’ Torah, de la dédication de la Torah, il y eut toutes sortes de sons tels que le shofar, les éclairs et le tonnerre mais il y eut aussi la voix divine qui résonna alors qu’en même temps les paroles divines étaient gravées sur les tables de pierre. Le son venait accroître l’intensité de l’évènement visible à l’œil nu : le feu gravait et donc, en quelque sorte deux actions se faisaient dans le même temps et ainsi, la mémoire captait mieux et pour toujours.

Dans la guemara, (traité de Nedarim), les Sages disent pour renforcer le fait que la vue est un sens supérieur : « quatre personnes sont considérées comme mortes : un aveugle, un pauvre, un lépreux et quelqu’un qui n’a pas d’enfants est considéré comme quelqu’un de mort » car ces personnes ne peuvent aider leur prochain or, remarque R’ Hayim de Vologine, l’homme naît pour apporter chose à son prochain, pour aider son prochain, aussi, qui n’est pas capable, à sa mesure, d’aider son prochain, ou, de lui apporter quelque chose, est considéré comme mort : même si l’homme est pauvre, il peut enseigner ou rendre des services, rendre visite…. Si l’homme en question ne prête pas assistance à son prochain, il est considéré comme non-existant, comme du bois mort.

Le Maharal de Prague compare l’oreille à un entonnoir : car pour ce grand penseur, c’est grâce à ce qu’il entend que l’homme enrichit son esprit et c’est grâce à ce qu’il entend que son cœur est influencé et agit en conséquence.  Il s’appuie sur le fait que de proclamer sa foi en disant « Shemâ Israël » le peuple Juif accepte le Joug de la Torah Et, pour ce qui concerne Yitro il a « entendu » dit-il tout ce qu’a fait HaShem pour les enfants de Jacob, donc, la conséquence est qu’il est venu vers Moïse et vers le D d’Israël…..

C’est la raison pour laquelle l’écoute, le sens de l’ouïe, a une influence plus marquée sur la réflexion de l’homme et, par voie de conséquence, sur ses actions.

L’enseignement est audio-visuel car, l’élève se souviendra soit d’un son soit d’une vue et il appliquera ce qu’il a appris.

Yitro, prêtre de Midian, est allé auprès des siens pour leur faire part de ce qui s’était passé en Egypte et qu’en conséquence ceci est la preuve que seul HaShem est le seul et unique D vers lequel il faut prier mais, les Midianites/Madianites n’ont pas voulu rejoindre leur guide spirituel et ont poursuivi leur parcours antijuif comme nous le verrons au cours des parashoth  que nous lirons dans quelques mois.

La différence entre Amalek et Yitro est visible à l’œil nu :

Tandis qu’Amalek descendant d’Esaü est « pétri » de haine envers Israël, haine qui se poursuit à travers les siècles, Amalek, nom global pour désigner les persécuteurs d’Israël, provient d’une lignée de sorciers. Il « entend » ce qui s’est passé en Egypte et arrive pour attaquer, surprendre et tuer par l’arrière.

Yitro, d’un niveau spirituel différent, « entend » ce qui s’est passé en Egypte, il accourt et se convertit.

Les deux personnages ont droit à un rappel au cours de l’année juive :

Amalek sur lequel on lit trois versets pour nous rappeler cette attaque surprise et maudire son souvenir le shabbat avant Pourim.

Yitro par la lecture d’une parasha à son nom et qui plus est, sidra dans laquelle seront lues les « Dix Paroles ». Non seulement, dans certaines communautés (pas seulement chez les Tunisiens, le jeudi précédant la lecture des Dix Paroles, certains font une sorte de petit festin qui se nomme « Séoudat Yitro »…  La différence est claire.

A la cour de Pharaon, avons-nous rappelé, se trouvaient en plus des « hartoumim » trois personnages : Bile’am (sorcier), Yitro (degré de prophétie), et Job (conseiller).

Les Hartoumim sont désignés par ce vocable qui, en araméen (hashaya) qualifie des personnes qui entendent sans écouter car entendre signifie capter des sons sans s’en imprégner alors qu’écouter signifie capter les sons et s’en pénétrer. Les Hartoumim font des kishoufim (de la sorcellerie) sans être imprégné d’une once de crainte et le seul pacte qu’ils connaissent sont celui qu’ils font avec la sitra ahra ou littéralement « l’autre » côté….

Le judaïsme s’est, tout au long de son histoire, paré de joyaux inestimables sur le plan de l’exégèse, de la philosophie, des différents courants et façons de vivre son judaïsme et d’appliquer l’héritage reçu par la Torah et ce sous toutes les latitudes et à toutes les périodes.

On pourrait se poser une question sur Yitro : comment se fait-il que ce prêtre idolâtre et ses fils se soient présentés à Moïse pour se convertir et qu’ils aient été acceptés immédiatement : la période de purification pour ces personnes qui ont adoré des idoles ne devrait-elle pas être en vigueur avant la conversion ? En fait, depuis que Yitro avait « suivi » tous les évènements causés par les plaies, une longue période s’était écoulée, et, les Sages nous renseignent : seule une période de 49 jours est nécessaire pour se purifier après avoir exercé un culte étranger et ce laps de temps avait été observé depuis la sortie d’Egypte jusqu’au don de la Torah !

Avant que l’Eternel n’édicte ces 10 Paroles qui vont servir de trame à la Nation Juive, le texte de la Torah insiste sur le fait que ces paroles s’adressent à « la maison de Jacob » et « aux descendants d’Israël »… Les Sages expliquent que la maison de Jacob  désigne ici les femmes car ce sont les femmes qui maintiennent la maison puisqu’elles sont la pierre angulaire du foyer sans laquelle tout peut s’écrouler et sans l’éducation que dispensent les femmes à leurs enfants, il n’y aurait pas de perpétuation de l’enseignement et des traditions. Quant aux descendants d’Israël il s’agit des hommes ce qui revient à dire que même si le texte est à la deuxième personne masculin singulier il s’adresse aux femmes et aux hommes en même temps et que le peuple entier est concerné par ces mêmes dispositions.

L’un des grands penseurs juifs de la fin du XIXème siècle : Rabbi Israël Lipkin[3] dit Rabbi Israël Salanter[4], préoccupé un jour par une pensée, vit son cordonnier travailler fort tard alors qu’il n’était éclairer que d’une faible bougie. Israël Salanter lui conseilla d’aller se reposer et, l’artisan prononça une phrase, qui désormais fut attribuée à Rabbi Israël Salanter : tant que la chandelle brûle il est possible de corriger : כל עוד הנר דולק אפשר לתקן (kol ôd haner dalouk, efshar letaken). Si vous préférez le dicton français : tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir : on pourra toujours redresser la barre même au dernier moment.

De retour chez lui, Israël Lipkin, approfondit la pensée siégeant derrière ces mots : tant que la vie est là, il nous appartient d’agir et d’accomplir. Tant que la vie est en nous et autour de nous, à nous de tendre la main vers les autres et d’aider ainsi que ce grand penseur avait enseigné par la suite : « un juif pieux ne s’inquiète pas de l’âme de son voisin mais il doit s’inquiéter de son âme propre et de s’inquiéter de l’estomac de son prochain » car, en tentant de nous élever sur le plan spirituel, nous devrons nous mettre à la disposition de notre prochain pour l’aider tant dans sa détresse morale que spirituelle !

De cette façon, nous rejoindrons les propos que nous avons tenus au début de cette péricope : c’est en tendant la main à notre prochain que nous confirmons notre destin d’homme ou femme appartenant au peuple juif : en tissant des liens avec notre Créateur et en en tissant d’autres avec notre prochain.

Ceci est l’enseignement profond des Dix Paroles par lesquelles nous nous engageons à respecter notre Alliance envers l’Eternel avec 3 paroles, 1 parole pour remercier pour le don du shabbat, 1 parole pour respecter l’association d’HaShem avec nos parents qui s’associent dans l’acte de procréation et 5 paroles pour notre prochain et l’édification d’une société morale et bien-pensante.

Caroline Elishéva REBOUH
MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

[1] Les lois concernant la vache rousse est « enregistrée » comme émanant de Rabbi Eliezer

[2] Amalek était fils d’Eliphaz et donc petit-fils d’Esaü, frère-ennemi de Jacob. Cette rivalité, dirons-nous, entre ces deux frères jumeaux n’a jamais disparu et ne disparaîtra jamais.

[3]  Rabbi Israël Lipkin de Salant communément appelé Rabbi Israël Salanter (de Salant) né en 1810 dans un petit village près de Kovno (en Lituanie) et mort en 1883 à Königsberg en Allemagne fut le fondateur du mouvement « moraliste » visant à promouvoir l’enseignement juif afin d’améliorer le sens moral de la vie juive en améliorant la connaissance du judaïsme et en favorisant le spirituel sur le matériel.

[4] Il avait adopté le nom de la ville de son Rav Tsvi Hirsch Broydé de  Salant.