PARASHAT TEROUMA 5781Vendredi 19 Février 2021–Yom Chichi 7 adar 5781  Samedi 20 Février 2021–Yom Shabbat 08 Adar 5781
Horaires Ashdod : 17 h 11 – 18 h 09
Ce Shabbat sera le shabbat précédant Pourim et en conséquence, il s’appelle shabbat Zakhor car nous devrons lire/entendre la parasha concernant Amalek pour nous remémorer que ceux qui, perpétuellement, cherchent à annihiler Israël sont malheureusement toujours actuels : nous le voyons aujourd’hui plus que jamais  : l’Iran qui autrefois s’appelait Perse, menace aujourd’hui encore notre paix. C’est en Iran que vécurent beaucoup de Juifs sauvés du massacre programmé par Haman, c’est en Iran que vécurent Mordékhay et la Reine Esther…
En ces temps où il est moins aisé à cause des confinements de se rendre à la synagogue pour écouter ces versets nous rappelant l »attaque surprise d’Amalek, il faut au moins lire les 3 versets où il est question de cette attaque dans le livre du Deutéronome chapitre 25 versets 17 à 19 compris.

 


MISERICORDE OU RIGUEUR ? LES OFFRANDES  ET LEURS SECRETS…

Les grands exégètes de la Torah ne tombent pas toujours d’accord avec leur façon d’interpréter le texte saint mais ils se reposent tous sur des « preuves » et des raisonnements qui font comprendre qu’ils sont tous dans le vrai.

Parmi les commentaires classiques nous avons Rashi, le Ramban, Rabbénou Behayé,  le Kli Yakar et le Ohr HaHayim[1] ainsi que le Re’em[2] grâce auquel nous comprenons mieux les pensées profondes du commentateur de Troyes.

Parfois, nous avons aussi recours aux Midrashim, ou aux Aggadoth : Midrash Rabba, Tanhouma, Pirké dé Rabbi Eliezer, le Yalkouth Shimôni ou le Yalkout Réouvéni et autres.

La Sidra de cette semaine à laquelle, selon les années est ajoutée la « parashat shekalim », nous entretient des offrandes qui doivent être faites par le peuple.  Si le mot terouma est généralement traduit par offrande, il contient en lui la notion d’élévation puisque ce vocable provient du verbe leromem élever et donc de la racine resh-mem sofit. Le mot cieux se dit également romim. Ceci faisant allusion au fait que chaque offrande est faite dans un but d’élévation spirituelle.

HaShem, dans une certaine logique décroissante, cite les différents matériaux dont on aura besoin pour la construction du Mishkan[3] et pour l’exercice du culte ainsi que tout ce dont auront besoin les Cohanim pour exercer leur sacerdoce. Or, Argent, Cuivre etc….(shemot – exode- chapitre 25, versets 3 à 7 inclus)… De ces métaux plus ou moins précieux, l’énumération passe aux offrandes de tissus, d’aromates, d’huile et soudain, il est question d’offrir des pierres précieuses ou semi-précieuses dont le coût est plus élevé que l’or……

Ce qui préoccupe les Sages est d’une part le nombre des éléments cités, puis, quel est le motif selon lequel après avoir cité les différentes offrandes est-il question d’objets très précieux et pourquoi ces pierres ne sont-elles pas citées en premier lieu mais bien à la fin……. Nous allons donc tenter de voir les différents secrets qui sont occultés ici….

Le Ohr HaHaïm  commente déjà les trois mots désignant les métaux précieux : l’or (zahav), l’argent  (kessef) et le cuivre (nehoshet)  de cette façon :

– les lettres de zahav (or) sont les initiales des mots suivants Zé Hanoten Bari ou celui qui donne est en bonne santé autrement dit rien ne manque à ce donateur et il donne avec largesse.

– les lettres de kessef (argent) sont les initiales des mots suivants Keshéyesh Sakana, podé ou, si l’on préfère, lorsque quelqu’un est en danger, il fait un don pour se racheter.

– les lettres de nehosheth (cuivre) sont les initiales des mots suivants Nimtsa HoSHéamar Tenou ou il y a un malade qui se sait très mal en point et ordonne à ses héritiers de donner après……..

Cependant, les exégètes donnent une explication au fait que l’or soit inscrit en premier et le fait que l’or entre en grande part dans l’apparat du Mishkan et de tous les ustensiles dont devra se servir le Cohen : la menora, la table, les kerouvim…. : l’or utilisé pour le mishkan vient expier l’or dont était fait le veau.

En dehors de la très grande disponibilité dont fit preuve Moïse vis-à-vis d’HaShem[4], il fut l’homme le plus humble que la terre ait porté. Cette qualité fut très appréciée du Très Haut.  En revanche, l’orgueil et la suffisance insupportèrent HaShem. C’est pourquoi, la conduite des « Nessiim » ou Princes des douze tribus déplut à l’Eternel et voici la raison pour laquelle l’homme doit être prudent dans ses jugements, ses évaluations et ses propos :  en effet, l’Eternel demande à chacun de faire un don chacun selon ses moyens ou chacun selon son cœur. Les Princes d’Israël se concertèrent, et, de bon cœur, ont pensé que si les offrandes ne suffisaient pas, eux, Princes des tribus d’Israël, représentant les douze fils de Jacob, complèteraient ce qui manquerait. La faute est venue du fait qu’ils ont douté du bon cœur des Enfants d’Israël, même si, en soi, la proposition provenait d’un cœur large et bien disposé.

D’où provenaient les matières premières demandées pour le Mishkan ? N’oublions pas que le peuple était encore dans le désert !!! Pour les métaux précieux, nous savons pertinemment qu’en partant d’Egypte, le peuple s’était pourvu en ustensiles d’or et d’argent, les peaux de chèvres, la laine, l’huile et les aromates, ils en disposaient aussi, mais, ils devaient offrir des pierres précieuses[5] pour le « éphod »[6] et pour le pectoral. D’où provenaient-elles ? Le Midrash précise que les Anané Kavod[7] déposèrent devant chaque demeure de chacun des douze nessiim (Princes), les pierres de shoham (onyx) et les pierres représentant chaque tribu[8]. En conséquence, le seul effort de chaque Nassi (prince) fut de s’incliner pour prendre la pierre déposée à son seuil pour la présenter au cohen et l’offrir.

Plusieurs Sages, dont le Ohr HaHayim, pensent que la proposition des Princes d’Israël démontre d’une tiédeur de sentiments et pas d’enthousiasme, et, ils ont aussi sous-estimé l’enthousiasme du peuple qui répondit à l’appel de dons avec chaleur et joie. Ceci,  a provoqué le fait que les pierres d’Onyx et les pierres précieuses au lieu d’être citées en premier lieu, puisqu’elles sont d’une valeur à l’or, ont été enregistrées après l’offrande de l’huile et des aromates….

La nomenclature des différentes offrandes à faire a beaucoup préoccupé les grands exégètes de la Torah : Rashi en les dénombrant affirme que bien qu’on puisse en dénombrer 15, en réalité, il ne faut prendre en compte que 13 en argumentant son opinion sur le fait qu’en réalité le texte énonce trois sortes de laine : la bleue, la rouge et l’écarlate donc il ne s’agit que de différentes nuances mais pas de différentes sortes de matières.  Ce qui est important pour Rashi c’est le chiffre 13 car, lorsque le « Erev Rav » [9] fondit l’or pour en faire une idole, ce n’est pas un veau mais 13 qui surgirent : un central et un par tribu. En conséquence, tous ces matériaux sont là en quelque sorte avec l’or pour racheter la faute du veau d’or.

Le Keli Yakar, pour sa part, estime qu’HaShem n’a pas éprouvé de différence dans qui a offert et quoi ni combien le principal étant que les offrandes ont été apportées de bon cœur.  D’après ce grand sage, la lettre youd qui a été ôtée du mot « nessiim » est la preuve du mécontentement d’HaShem qui, lorsqu’IL le désire ajoute des lettres  à des noms ou en retire tel que cela s’est produit pour Abram qui est devenu Abraham et à Saraï devenant Sara ou pour Hoshéa qui devint Yéhoshoua (Josué).

Le Midrash Tanhouma, à propos des 15 articles demandés, soutient l’opinion de Rashi et cite : le Saint béni soit-IL, après la faute du veau d’or explique : »A la sortie d’Egypte, JE vous ai donné 13 cadeaux vous M’en rendrez 13 au moment de la construction du mishkan. » De quoi s’agit-il ? Il s’agit disent les Sages des 13 mesures de Miséricorde.

Rashi bien qu’il soit question d’une liste de 15 produits à offrir soutient le fait qu’il n’y soit question de 13 sortes de choses en parallèle aux 13 sortes de sacrifices à faire, selon les circonstances et Rabbénou Behayé partage la même position : les sacrifices ont été institués non pas parce qu’HaShem en profite mais pour que l’être humain comprenne qu’une faute doit être rachetée de certaine façon. Le Ari, zal, soutient la même opinion.

La guemara Berakhot soulève une question : pourquoi Moïse n’a-t-il pas été chargé de la construction mais, au contraire, un enfant de 13 ans a été investi de cette tâche. En effet, Moïse fut étonné de cette décision divine mais il en comprit la justesse  par le fait que Moshé, de par son rôle, représente l’attribut de Justice tandis que Betsalel, ce jeune homme de 13 ans, issu de la tribu de Yéhouda ; or le nom Yéhouda renferme le Tétragramme ramené à des dimensions terrestres/humaines en ayant la lettre daleth[10] en son centre  et de plus, le Tétragramme est le signe de l’attribut de Miséricorde. Alors que le Nom Elo-kim est signe de l’attribut de Justice. Qui a été nommé pour seconder Betsalel ? Oholiav ben Ahisamakh de la tribu de …. Dan (justice). C’est ainsi que nous voyons les deux attributs se mêler : Justice et Miséricorde. Pourtant, au tout début du récit de la création du monde est inscrit le Nom Elokim !

A quel moment la Miséricorde est-elle apparue dans le monde par conséquent ? La réponse nous vient du Midrash qui nous rapporte que les Anges avertirent HaShem que l’homme ferait des sottises et qu’il n’était pas intéressant de créer l’homme et alors dit le Midrash revêtit la Midath HaRahamim (l’attribut de Miséricorde) et créa l’homme.

C’est la raison pour laquelle dans les 13 attributs de Rahamim il est écrit : « Vaya’avor al-panav vayikra : Ado-shem, Ado-shem, Kel Rahoum Vehanoun Erekh HApayim Verav Hessed VeEmeth »……. (Exode/Shemot 34,6)  ce qui signifie en faisant référence au  moment où HaShem passe devant Moïse qui se trouve sur le Mont Sinaï : HaShem passa devant lui et il proclama: « ADONAÏ est l’Étre éternel, tout puissant, clément, miséricordieux, tardif à la colère, plein de bienveillance et d’équité » (13 mots). Chaque terme contient beaucoup de signification mais, le fait que le Nom d’HaShem (Tétragramme est prononcé à deux reprises, l’une après l’autre est là pour signifier que l’homme est protégé par l’Eternel avant sa faute, et après cette faute.

Pour Rabbénou Behayé, il faut compter 15 offrandes car il y a un lien très fort et c’est pour cela qu’HaShem a demandé 15 matériaux : le Kli Yakar insiste sur le fait que le Mishkan et donc le Beith HaMikdash par la suite sont le moyen qui est offert à l’homme pour créer une véritable relation entre l’homme et le Créateur. Il en veut pour preuve le fait que  Shlomo HaMelekh (le Roi Salomon) a écrit dans le Cantique des Cantiques[11], il est écrit :  .   כמגדל דוד צאוורך(keMigdal David tsavarekh) ou Ton cou est comme la Tour de David.  Donc, nous disent les commentateurs, le cou représente le Sanctuaire, la tête (représentée par la La Divinité passa devant lui et proclama: « ADONAÏ est l’Étre éternel, tout puissant, clément, miséricordieux, tardif à la colère, plein de bienveillance et d’équité; lettre youd) qui a été créée à partir du Mont Moriah[12] représente HaShem et le corps est Israël (représenté par la lettre hé).  Le seul moyen qui relie D à Ses créatures est le Temple avec tout ce qui s’y fait.

Or, dans le Temple, les salles des Hommes et les Salles des Femmes sont séparées ar 15 marches. Tout comme il existe 15 psaumes dits « cantiques des degrés » (ou marches). Or 15 ce sont les lettres youd (10) et hé (5) qui ensemble forment le Nom de D par lequel ou grâce auquel toutes les conditions requises pour avoir un enfant furent réunies pour Abraham et Sarah.

Les Sages (Hazal) affirment que c’est par ces deux lettres youd et hé formant le chiffre 15 que les mondes ont été créés : le monde d’ici-bas par la lettre hé et le monde d’en Haut par la lettre Youd (symbole du spirituel et de la Sainteté).

Pour Rabbénou Behayé la preuve qu’il faut compter 15 articles c’est parce que le Temple a été construit à Jérusalem par la 15ème génération depuis Adam.

Dans la guemara Haguiga on apprend aussi qu’entre ce monde et le monde futur il existe 15 « degrés » – sans rentrer dans les détails.

Et encore : la birkat Cohanim se compose de 15 mots et, lorsque les Cohanim prononcent ces mots, ils doivent tendre leurs bras et écarter leurs doigts pour qu’entre eux se glisse la Shekhina (présence divine) afin de parvenir vers les hommes[13].

Quoi qu’il en soit 13 ou 15, il convient de donner du meilleur de nous-mêmes en attendant que le troisième Temple descende du Ciel tout prêt et que nous puissions enfin prouver au monde entier que nous appartenons au Maître de l’Univers et que nous sommes ici sur notre Terre.

Caroline Elishéva REBOUH.

 

[1]  Rashi Rabbi Shlomo Itshaki de Troyes 1040-1105, le Ramban ou Rabbi Moshé ben Nahmane ou Nahmanide 1194-1270, Rabbénou Behayé 1255-1340, Kli Yakar 1550-1619, Ohr HaHayim Rabbi Hayim Ben Attar 1696-1743.

[2]  Re’em ou Rabbi Eliahou Mizrahi 1455-1525 lui-même grand commentateur des exégèses de Rashi.

[3]  Mishkan ou Tabernacle. Les mots Mishkan- tabernacle et Shekhina ou présence divine viennent de la même racine : shine-kaf-noun ou shakhen : voisin. Car c’est dans le Tabernacle, que la Présence Divine résidera au sein du peuple.

[4] Du moment où il fut investi de ses fonctions, il décida, seul, par respect, de se retirer de sa vie conjugale.

[5] Deux pierres d’Onyx et douze autres pierres précieuses et semi-précieuses qui correspondaient chacune à l’une des douze tribus.

[6]  Sorte de gilet que portait le Cohen Gadol avec le pectoral

[7]  Les nuées qui accompagnaient le peuple

[8]  Sur les pierres d’onyx étaient gravés les noms de six tribus donc douze en tout et sur chaque pierre représentant chaque tribu était gravé le nom de la tribu et les lettres de l’alphabet qui permettaient au moment où les cohanim (pluriel de cohen=prêtre) devaient rendre une sentence et où les pierres s’éclairaient tour à tour pour délivrer la sentence ou la réponse au prêtre en exercice.

[9] Erev Rav ce sont tous ces gens qui se sont faufilés hors d’Egypte avec les Hébreux. On appelle cecien français la tourbe nombreuse ou le grand mélange. Le mot Erev provenant de la racine signifiant mélanger.

[10]  Daleth de valeur numérique 4 symbolise le fait que l’homme a été créé  avec les 4 éléments qui forgent sa personnalité, entre autres choses (Rabbi Hayim Vital)

[11]  Le Cantique des Cantiques est un chant allégorique dans lequel le Fiancé est l’Eternel et la fiancée est Israël.

[12]  Ou Mont du Temple

[13]  C’est la raison pour laquelle il est conseillé de ne pas regarder les cohanim au moment où ils bénissent le peuple.