Que voici un thème délicat ! C’est par nécessité que nous nous risquons cependant à l’aborder, sachant combien de ravages l’adultère peut causer, y compris parmi les communautés juives. Y compris aussi, il faut le souligner, parmi les communautés juives religieuses.

Les considérations en lien avec la Halakha, nous ne les aborderons pas. Chacun, chacune a au fond le devoir tacite de s’intéresser à ce que son Créateur attend de lui, dans ce domaine comme dans d’autres[1]. Dans notre société occidentale édulcorée où la principale « valeur » est qu’au fond il n’est pas de réelle valeur[2], où la principale « réflexion » gravite autour des modalités permettant d’empêcher aussi sûrement que possible les gens de réfléchir, tout être sensé a un devoir particulier, un devoir nouveau aussi, de s’interroger sur ce que les idées populaires contiennent vraiment. Et, s’il le faut, à l’image de notre ancêtre Avraham, d’avoir le courage d’aller à contre-courant. En l’occurrence, dans le cadre de cet article, dépasser ce qu’une société indifférente à la vérité a fait des notions de faute et de mal, les rendant si caricaturales que, pour son plus grand malheur, l’individu est tenté de n’y voir qu’une chimère et de suivre la masse qui, se croyant intouchable parce que nombreuse, rejette ces notions, leurs raisons profondes et leurs conséquences inéluctables.

En revanche, nous allons aborder, tout au moins effleurer, l’une des causes susceptibles de mener à l’adultère. Nous évoquerons également l’état psychique littéralement infernal propre à cette situation bancale, incompatible avec la sérénité.

La première chose à savoir concernant l’adultère, pour peut-être l’entrevoir, ou plutôt le prévoir, est que celui-ci n’est jamais le fruit d’un coup de tête[3]. C’est donc moins une action qu’une réaction. Une réaction à un processus volontiers long et… pénible.

Que l’adultère soit condamnable, c’est une évidence. Mais il est aussi explicable. Avant l’acte lui-même, comparable à un vent de folie[4], il existe un processus et même un système, presque une logique avec ses terrains favorables, ses éléments déclencheurs et ses codes implicites. C’est en cela que l’adultère est explicable. Et si on peut l’expliquer, ce n’est pas pour le justifier dans l’absolu, chose impensable. C’est bien pour comprendre ce qui, d’un point de vue purement subjectif, peut en arriver à le justifier. Ce qui en fait contribue à rendre cet acte plausible et envisageable. Le fait apparaître aux yeux de celui ou de celle qui y succombe, comme une sorte de fenêtre donnant sur la liberté alors que, dans la réalité, c’est une fenêtre flanquée de barreaux. De ces fenêtres que l’on regarde amèrement, assis seul au milieu d’une prison dont on ignore quand et comment on en sortira.

Car l’adultère, ayons le courage de le réaliser, n’est rien de plus qu’une prison. Il n’est pas, il ne peut être une liberté. C’est un enfermement, une réduction, une aliénation. C’est un enfer ! C’est la honte et la désillusion de l’être rongé qui réalise avoir échoué quelque part, avoir raté un des choix importants de sa vie, avoir engendré une situation qui maintenant l’écrase et le dépasse.

Seulement, cette prison ne se matérialise qu’à la fin, quand la lucidité revient frapper à la porte pour demander des comptes, dans un : « Qu’as-tu fait ? » quasi biblique[5]. Voyez-vous, c’est cela qui est terrible. C’est l’abysse terrifiant séparant la certitude irrésistible des débuts[6], celle d’aimer plus, celle d’aimer mieux, de la désillusion finale qui laisse place au sentiment intime de ne pas être. Et en effet, l’être humain ne peut être ici et ailleurs. Il ne peut se réaliser dans la dispersion et, à ce titre, ne peut s’accomplir de quelque manière que ce soit dans l’adultère. Ceux qui prétendent le contraire, à commencer par cette voix intime et entêtante également connue sous le nom de mauvais penchant, ne sont que des affabulateurs.

Cela commence souvent avec le sourire d’un homme ou d’une femme étrangers au couple. Très vite surviennent la connivence, les confidences, les promesses. Puis une émotion, une excitation plutôt, qui semble avoir le pouvoir de ramener à la vie un cœur sentimentalement mort. Répétons-le, une telle vision reste purement subjective. Et osons le rappeler, avant que la vie de couple ne se soit arrêtée, avant que les promesses tendres des débuts aient cédé leur place à l’acrimonie, bien des occasions de panser les blessures, voire de reconstruire les fondamentaux ont été ratées. Jusqu’à ce que l’exaspération n’ait la place de faire entendre sa voix détestable et empêche la moindre solution en proclamant la fin définitive du couple.

Or, cet être extérieur au couple ne se contente pas de représenter un réconfort subjectif pour l’époux en quête d’oxygène affectif. Il a une véritable fonction. Une fonction cathartique, pour employer un terme savant. Par le seul fait d’être là, il offre le support idéal au fantasme à l’époux qui n’attendait que cela…

Notes

[1]  De tels mots, nous le savons, pourraient rebuter certains lecteurs. Nous prenons le risque malgré tout, devant l’importance de l’enjeu.

[2]  Notre société se donne des valeurs, c’est indéniable. Mais comme ces valeurs n’ont aucune vocation à perdurer, à devenir des références immuables, on a le sentiment qu’elles existent dans le but d’être critiquées et ridiculisées aussitôt, puis finalement enterrées.

[3]  Que l’adultère s’inscrive dans la soudaineté est évidemment possible. La chose reste cependant rare, nous parlons donc de ce qui nous semble être la généralité.

[4]  Aucun homme ne commet de faute sans qu’un vent de folie n’entre en lui (Sota 3a).

[5]  Le fameux : « Où es-tu ? » (Berechith 3,9), à interpréter comme : « Où es-tu ? ».

[6]  À moins qu’il ne s’agisse d’un espoir puissant que l’on a voulu grimer en certitude.


David Benkoël

Analyste, je partage mon intérêt pour la construction de soi. J’aide par ailleurs des personnes en souffrance à se reconstruire.
david@torahcoach.fr

ashdodcafe@gmail.com