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La Saga des juifs de France (5) L’affaire Finaly

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Dans le cadre du rapprochement judéo-chrétien en France éclate l’affaire Finaly.
Le point de départ de toute l’histoire commence en 1938. Fritz Finaly, médecin juif autrichien et sa femme Annie, menacés par l’Anschluss, se réfugient en France à La Tronche, près de Grenoble. Ils ont deux enfants Robert (1941) et Gérald (1942).

Début 1944, envisageant le pire, Fritz et Annie Finaly confient leurs deux enfants, alors âgés de deux et trois ans, à une amie, qui les place dans une crèche grenobloise, dirigée par Antoinette Brun, résistante et fervente catholique. Antoinette Brun cachait déjà d’autres enfants juifs dans sa crèche et dans des familles. En février 1944, les deux époux Finaly sont arrêtés par la Gestapo et déportés, le 7 mars, de Drancy vers Auschwitz avec le convoi n° 69. Ils ne reviendront pas.

A la fin de la guerre, en 1945, la sœur de Fritz Finaly, Margaret Fischel écrit de Nouvelle Zélande à Antoinette Brun, lui faisant part de sa reconnaissance pour son geste et annonçant son désir de récupérer ses deux neveux. Antoinette Brun refuse de rendre les enfants mais assure : « Vos neveux sont juifs, c’est-à-dire qu’ils sont restés dans leur religion » De conseils de familles, en manœuvres dilatoires, tout est fait pour contrer le désir de la famille naturelle des deux enfants. Jusqu’au jour où Mademoiselle Brun avoue avoir fait convertir les enfants au catholicisme en 1948 par l’abbé Pichat à l’église de Vif (Isère).et refuser de les rendre pour que ces enfants soient éduqués en chrétiens.

Margaret Fischel et sa sœur qui vit en Israël, vont alors porter l’affaire en justice, la procédure d’appel en appel durera plusieurs années, mais le 29 janvier 1953 le jugement rend les enfants à leur famille et décide de l’arrestation d’Antoinette Brun pour séquestration d’enfants. Elle est écrouée à la prison de Grenoble jusqu’au 12 mars.

Mais entre temps les enfants ont disparu : ils ont été d’abord confiés à la supérieure de Notre Dame de Sion, qui les a confiés au collège Notre-Dame de la Viste à Marseille sous de faux noms. Des photographies des deux garçons ayant été publiés par la presse, on craint qu’ils ne soient reconnus. Puis la supérieure de Notre Dame de Sion les fait conduire au collège Saint Louis de Gonzague à Bayonne où ils sont inscrits aussi sous de faux noms. Ils sont reconnus par le directeur du collège qui informe le parquet de leur présence. Mais le 3 février on apprend que Robert et Gérald ont « disparu», le 4 février Mère Antonine la supérieure de Notre Dame de Sion est arrêtée Les enfants ont été conduits par des passeurs au Pays Basque Espagnol, où ils ont été cachés avec l’aide d’institutions catholiques au monastère de Lazcano.

 

Pour expliquer l’attitude des institutions catholiques dans cette affaire il faut remonter à une lettre du 23 octobre 1946, lettre du nonce apostolique alors en place à Paris, Angelo Giuseppe Roncalli, (celui deviendra Jean XXIII en 1958) qui instruit d’une décision du Saint-Office concernant les enfants juifs confiés pendant la guerre à des institutions catholiques pour échapper aux persécutions, dont les parents ou des institutions juives demandent qu’ils leur soient rendus. Après avoir précisé qu’il faut éviter de répondre par écrit aux demandes, le nonce explique que, si ces enfants ont été entre-temps baptisés, ils « ne pourront être confiés à des institutions qui ne sauraient en assurer l’éducation chrétienne ». Autant dire qu’on ne peut les remettre… à des juifs. Cette instruction reste valable même si la demande émane des parents en personne. Le scandale est immense, en France, la presse, de gauche mais aussi une partie de la presse catholique, se déchaîne contre l’Église, Tel-Aviv proteste.  Devant ce scandale, sur les consignes directes du Vatican, le Cardinal Gerlier, qui a probablement lui-même organisé la disparition des enfants, négocie avec le Grand rabbin Kaplan et avec la famille des enfants et le 6 mars 1953 un accord est signé au terme duquel les deux enfants seront restitués à leur famille le plus rapidement possible en échange d’un retrait de toutes plaintes contre des religieux.

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Mais le retour des enfants va traîner en longueur, déchaînant diverses rumeurs dans la presse L’Aurore annonce leur enlèvement par un groupe fanatique israélien, Le Monde annonce la maladie d’un des enfants, Combat, lui le donnera pour mort et enterré. Germaine Ribière qui mène les négociations pour le compte du cardinal Gerlier avec les religieux espagnols écrits « Les abbés basques français ont prévenu l’évêque de Saint-Sébastien que les enfants étaient au monastère de Lazcano, en pays basque espagnol et celui-ci a prévenu le Gouverneur de la province, qui a prévenu le ministre des Affaires étrangères, qui a prévenu Franco. Ce dernier décréta que les enfants ne devaient pas être rendus ». Le grand rabbin Kaplan va finir par dénoncer l’accord le 5 juin, s’étonnant de l’impunité des prêtres et des religieuses qui savent, certainement où se trouvent les enfants. Enfin Le 26 juin 1953, les deux frères passent la frontière espagnole et le 25 juillet ils s’envolent pour Israël.
Ce qui n’a été  au départ qu’un fait-divers est devenu au fil des années un scandale judiciaire, puis une affaire d’État. Dix ans après sa résolution, le concile de Vatican II établira un nouveau dialogue entre juifs et chrétiens.

Joël GUEDJ pour ashdodcafe
Historien

 

 

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