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Interview de Renaud Hantson :  »Hommage à Michel Berger » bientôt a Ashdod

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Pourquoi cet hommage à Michel Berger ?

Je fais cet hommage à Michel Berger parce que c’est une filiation. Michel est le premier artiste de talent à avoir cru en ce que j’essaie de faire dans la musique. Il m’a mis le pied à l’étrier en 1988 lorsqu’il m’a engagé pour jouer le rôle de Ziggy dans la deuxième version de son opéra rock « Starmania ». Cette version reste un peu la version culte pour les fans puisqu’elle a justement été mise en scène par Michel et Luc Plamondon. On a joué deux ans, une année à Paris, une année en tournée en Province. J’ai changé de rôle la deuxième année, devenant Johnny Rockfort, ce qui m’a permis d’avoir un regain d’intérêt pour le show lorsque ma copine Maurane a quitté le spectacle. Une de mes grandes fiertés du passé est qu’il m’ait renouvelé sa confiance en me donnant le rôle de James Dean pour « La Légende de Jimmy », le deuxième opéra rock qu’il a écrit avec Luc Plamondon mis en scène par Jérôme Savary (lui aussi malheureusement disparu depuis). Nous avons joué ce spectacle pendant 6 mois.

Je fais donc un hommage à Michel Berger parce que Michel a été la première personne à me donner ma chance. Il avait l’intention de m’écrire un album, ce qu’il n’aura jamais eu le temps de faire. Je fais aussi cet hommage à Michel Berger parce qu’il me manque, il manque à la musique. Parce que c’est lui qui a un peu inventé le Pop Rock, genre que je fais dans mes albums solos. Et parce que c’est quelqu’un que j’ai énormément aimé comme un père spirituel.

De qui t’es-tu entouré sur scène pour ces concerts ?

Je me suis entouré d’excellents musiciens. Tout d’abord, ma garde rapprochée Michael Zurita, mon guitariste qui m’accompagne dans tous mes projets musicaux (que ce soit dans mes projets Rock comme Satan Jokers ou Furious Zoo ou dans ma carrière solo), mon pianiste Steeve Victor avec qui je joue depuis une vingtaine d’années je crois, et puis un nouveau venu autour de nous Pascal Arroyo, un des premiers bassistes à avoir travaillé avec Michel Berger sur des titres comme « Musique » qu’il avait écrit pour France Gall et qui a été le chef d’orchestre de Bernard Lavilliers pendant une trentaine d’années. S’ajoutent à cela des gens du Sud : Alain Mandigo, un batteur qui est par ailleurs à l’initiative de ce projet, j’avais toujours rendu dans mes concerts un hommage à Michel Berger mais Alain m’a proposé que ce soit vraiment 1h45 consacrées à Berger et pas seulement 3 ou 4 chansons isolées dans mes spectacles. Fred Augugliaro, un clavieriste avec qui Alain joue régulièrement qui amène une touche de modernisme et de sons actuels semblables à ceux des derniers albums de Michel ou de France. Nous avons une choriste, Flory Ann. Une très bonne équipe technique nous accompagne également.

En fait, je me suis entouré de gens qui ont envie et qui respectent la musique qu’écrivait Michel. Ce qu’il faut savoir c’est que la musique de Michel Berger était certes populaire mais surtout très complexe à jouer, à mettre en place et à reproduire. Ce n’est pas pour rien qu’il était entouré de quelques uns des meilleurs musiciens français : Jannick Top à la basse, Claude Salmieri à la batterie, Serge et Philippe Perathoner aux claviers. Je suis donc très heureux et fier d’avoir de bons musiciens autour de moi et des gens qui se sont rendus compte à travers cet hommage que jouer du Berger n’est pas si évident que cela en fait. Notre bassiste Pascal Arroyo dit que c’est un peu de « la variété caviar » !

As-tu gardé des contacts avec France Gall ?

En fait nous nous voyions tous les 3 ans. C’est assez curieux. C’est elle qui m’avait fait remarquer cela la dernière fois que nous nous sommes vus en 2009 lorsqu’elle m’avait très gentiment invité pour une émission qu’elle produisait pour fêter les 30 ans de « Starmania » sur France 2. Il se trouve que j’ai laissé passer la date anniversaire des 3 ans de cette dernière fois et nous sommes aujourd’hui à environ 6 ans sans s’être vus.

Je suis allé voir son spectacle « Résiste » que j’ai beaucoup aimé, bien entendu, déjà pour le plaisir de réentendre ces chansons écrites par Michel et puis parce que j’ai trouvé absolument géniale l’idée qu’elle apparaisse en vidéo pour interpréter la grand-mère d’une petite fille qui lui raconte son histoire. Cela m’a beaucoup touché et je l’ai trouvée très vraie dans sa façon de jouer. Il y a dans ce spectacle un respect total des mélodies et de l’exécution musicale.

En fait, je n’ai plus de nouvelles de France. J’ai très envie de l’inviter lors de ma date parisienne pour l’hommage à Berger le 29 novembre à L’Européen donc je pense que je vais lui téléphoner même si j’ai laissé passer de 3 ans notre rencontre épisodique et cyclique.

J’ai un peu coupé le cordon ombilical avec elle après la disparition de sa fille. J’avais déjà vécu le décès de Michel comme quelque chose de très pesant dans ma vie personnelle. On mène nos vies chacun de notre côté mais c’est quelqu’un que j’aime énormément, qui a toujours été là pour moi, que ce soit pour venir chanter sur mes albums ou pour m’inviter sur diverses émissions de télé. Je pense également avoir toujours été là pour elle notamment quand elle et Michel m’ont appelé sur l’album « Double je » afin de faire des chœurs, parce qu’initialement ils avaient engagé d’autres choristes mais que cela ne fonctionnait pas. J’ai dû chanter sur 3 ou 4 titres de cet album.

France et moi, nous nous comprenons bien, nous rions beaucoup ensemble et nous avons cette même compréhension de la musique de Berger, selon moi.

En 1994, tu as fait un titre qui a bien marché intitulé « Apprendre à vivre sans toi ». Peut-on dire aujourd’hui qu’il était dédié à France et Michel ?

Oui, aujourd’hui, il y a prescription. Il était totalement dédié à France et Michel. Les paroles disent : « Evidemment il y a ces photos, ce piano blanc muet, ces quelques mots d’amour qui laissent un goût amer en nous »…. Si on n’a pas compris que j’ai utilisé diverses références et titres de Berger pour écrire ce texte, c’est qu’on n’a aucune connaissance de la musique de ce dernier.

« Apprendre à vivre sans toi » est d’ailleurs la seule chanson de mes albums personnels que je joue lors de mes concerts hommage à Michel Berger parce qu’elle est vraiment en phase et c’est l’occasion de revoir, sur les projections vidéos qui passent derrière moi sur scène, les quelques photos que j’avais gardées précieusement où il est à mes côtés. C’est une série entière de souvenirs qui défilent pendant 4 minutes à la fois dans ma tête que dans celle du public.

Tu es l’auteur de trois livres : une autobiographie « Poudre aux yeux (Sexe & Drogues & Show Business) », publié chez Flammarion, un abécédaire « Homme à f(a)illes » et ton premier roman « Rock Star (48 heures d’une vie rêvée) », sorti il y a quelques mois et que tu as transposé en opéra rock. Michel Berger était-il très présent à chaque fois à travers ces différents travaux ?

Très honnêtement oui. Dans l’autobiographie que j’ai écrite et qui a été publiée chez Pygmalion, un label de Flammarion, Michel est très présent parce que je parle aussi de l’addiction dans laquelle je suis tombé après sa disparition. Alors, je ne dis pas que la mort de Michel Berger est la raison de ma fuite en avant pendant près de 20 années. Je dis simplement que, si je me suis écarté des radars médiatiques, télévisuels et radiophoniques, il faut savoir aussi que c’est à cause du mal que je me suis fait pendant des années. Cela correspond, comme par hasard, étrangement à l’année et demie qui a suivi la disparition de Michel. J’ai été très affecté parce que j’ai perdu un père spirituel, parce que j’ai perdu un compositeur que je respectais plus que tout qui était d’accord pour m’écrire un album, on en avait parlé avec mon manager Robert Bialek, qui lui-même a disparu il y a quelques années (il avait été le producteur des spectacles de Daniel Balavoine). Paix à leurs âmes.

Il est derrière également mon deuxième bouquin puisque j’ai décliné, sous forme d’un abécédaire, les différentes lettres de l’alphabet en choisissant 7 mots. Je pense qu’à la lettre B, il doit y avoir Berger, si mes souvenirs sont exacts.

Michel est moins présent dans mon roman « Rock Star ». Cependant, je le transpose actuellement en opéra rock, le double album étant terminé, on attend de le mettre sur scène. Ce spectacle est très certainement, de toutes les comédies musicales faites depuis la disparition de Michel, celui qui est le plus inspiré de « Starmania ». Je ne me retrouve pas vraiment dans les comédies musicales d’aujourd’hui ou dans ce qu’on baptise, parfois un peu hâtivement, « opéra rock », même s’il y a des spectacles que j’aime beaucoup. Certaines personnes ont un vrai savoir-faire en matière de comédie musicale et d’opéra rock en France.

Michel Berger aurait rêvé que la France devienne une terre de comédie musicale. Il avait beaucoup d’admiration pour Schönberg et Boublil qui ont écrit « Les Misérables » et ça a été une vraie inspiration pour lui pour créer « Starmania » qui a été le premier opéra rock francophone. Personnellement, je suis inspiré par tout cela car, dans ma culture musicale, se trouvent Les Who avec « Tommy » et « Quadrophenia ». Pete Townshend, le leader des Who, est un spécialiste du genre. Il a également fait « The Iron Man » en Angleterre. Toutes ces créations n’ont pas dépassé le cadre des pays anglo-saxons mais sont des opéras rock.

C’est très difficile d’écrire un bon opéra rock.

On te connaît aussi pour tes groupes de Rock (Satan Jokers, Furious Zoo). Est-ce que ce ne sont pas ta culture Rock et tes capacités vocales qui ont fait de toi son chanteur fétiche après la disparition de Daniel Balavoine ?

Très certainement parce que, comme il le disait lui-même, Michel avait beaucoup de violence en lui qu’il ne pouvait pas exprimer parce qu’il avait eu une éducation bourgeoise. Le sommet de son énervement lors de répétitions que j’ai eu le bonheur de vivre à ses côtés pour « Starmania » ou « La Légende de Jimmy » était une phrase comme « Alors, là, ça ne va pas être possible ! ». C’était pour lui le maximum de l’énervement. Mais ce qui était assez impressionnant c’est que, lorsqu’il disait cela, tout le monde se taisait. Donc, très certainement, mon background musical et ma culture Rock ont aidé à ce que dans ma voix il entende et apprécie toutes ces influences, puisque c’était quelque chose qu’il ne pouvait pas reproduire avec sa voix.

Je sais qu’il aimait les gens qui ont une grosse amplitude vocale. Dans « Starmania », il y a des titres incroyables à chanter comme le « SOS d’un terrien en détresse », que je rechante aujourd’hui dans cet hommage, qui est particulièrement difficile à interpréter parce qu’il s’étend sur 3 octaves. Je le chante aujourd’hui avec une voix beaucoup plus rocailleuse que lorsque je l’interprétais en 1989 dans le spectacle en tant que Johnny Rockfort (rôle tenu initialement par  Daniel Balavoine). On entend dans ma façon de le chanter maintenant toutes mes influences Rock, Soul, Blues que Michel sentait en moi.

Michel et France avaient beaucoup aimé un album intitulé « Furioso » que j’ai sorti en 1992 avec le guitariste Thibault Abrial de « La Légende de Jimmy ». Cet album n’est autre que les prémices de mon projet parallèle Big Rock Furious Zoo. Le nom vient d’un mouvement musical qui représente un « énervement », une montée en puissance. Très étonnamment, avec cet album, il m’avait dit que j’étais dans ma vérité musicale. En 2005, j’ai pété un câble, j’ai totalement rompu avec le circuit de la variété française. J’ai alors créé Furious Zoo puis, 3 années après, j’ai reformé Satan Jokers, un groupe de Heavy Metal que j’avais dans les années 80 et qui était ma première expérience musicale.

Tu as toujours rendu hommage à Michel Berger dans tes concerts solo. Y aura-t-il une suite à cette série de dates ?

J’espère… On a donné cet été 3 beaux concerts dans le Sud de la France. La suite sera L’Européen le 29 novembre à Paris, précédé du Pacific Rock à Cergy le 27 novembre. D’autres dates sont prévues. Quelque chose d’extraordinaire s’est passé : ce concert a intéressé une production en Israël donc le dimanche 4 décembre, je jouerai à Tel Aviv, le mardi 6 décembre je serai à Jérusalem et le mercredi 7 décembre à Ashdod. Trois jours en Israël pour rendre hommage à celui qui a été le premier à croire en ma musique, c’est absolument incroyable, surtout au moment où je me trouve actuellement dans ma vie personnelle. C’est assez étonnant et étrange de pouvoir voir et toucher le Mur des Lamentations pour la première fois de ma vie.

Donc Berger aura toute ma vie accompagné mon parcours de musicien et quelque part aussi mon parcours d’homme. Du coup, il y aura forcément une suite à ces concerts parce que j’en ai envie, que le spectacle que je propose est de qualité. Restera, ensuite, à gérer avec ce business qui est intraitable et parfaitement injuste. C’est d’ailleurs, je pense, ce qui a énormément usé et fatigué Michel Berger les derniers mois de sa vie. On est dans un show business où ce qu’on entend parfois est inquiétant, où l’argent est souvent investi en sommes folles sur des artistes qui sont peut-être moins méritants que d’autres, qui eux restent dans un désintérêt généralisé. Les gens n’ont jamais autant écouté de musique qu’aujourd’hui et ils n’en ont jamais aussi peu acheté. Les gamins pensent que la musique se pirate et qu’elle se trouve gratuitement sur Internet.

J’ai donc très envie que ce spectacle continue à exister. Il fait partie de mes projets musicaux et d’une des choses les plus importantes de ma vie parce que Michel Berger aura été une des personnes voire la personne la plus importante dans mon existence et il me manque. Je pense qu’il manque au public et que mon devoir, en tant que chanteur plutôt pas mauvais parait-il, est de continuer à faire entendre sa musique.

Un petit mot pour la fin…

J’embrasse et je salue tous ceux qui viennent de nous lire. Je suis toujours un petit peu long dans mes réponses mais c’est parce qu’une interview est un moment d’introspection, encore plus sur un sujet comme Michel Berger. Je crois qu’il y a deux moments qui sont introspectifs pour moi et où je vais vraiment chercher dans ma mémoire et dans mes émotions c’est lorsque je parle de Michel Berger ou lorsque j’accepte de parler de mon addiction lors de conférences préventives ou lors d’interviews. Cela me coûte terriblement. Quand je fais une émission de télé ou de radio sur l’addiction et que j’essaie de faire de la prévention, cela me pèse énormément parce que le singe est sur mon épaule et qu’il guette chaque moment de faiblesse. De la même manière, quand je parle de Michel Berger, c’est également très introspectif parce que c’était quelqu’un avec beaucoup de puissance, c’était un visionnaire selon moi. Il était extrêmement talentueux et avait une vraie intelligence. J’essaie donc d’être à son image et d’être digne de la confiance qu’il m’a donnée et du fait qu’il ait dit après m’avoir entendu que j’étais « le meilleur chanteur de ma génération »… C’est donc forcément introspectif parce que je n’ai pas envie de décevoir quand je parle de Michel Berger.

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