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L’Université de Tel-Aviv vient en aide aux enfants vivant sur la ligne de feu

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Un programme d’intervention en milieu scolaire mis au point par le Prof. Michelle Slone de l’Ecole des Sciences psychologiques de l’Université de Tel-Aviv avec l’aide de l’Association des Amis français de l’Université aide les jeunes Israéliens à faire face au stress de la vie sur la ligne de feu.

Le tout récent conflit dans la bande de Gaza a renvoyé des centaines de jeunes Israéliens dans les abris, révélant une fois de plus la nécessité d’un programme de soutien les aidant à se confronter à une réalité quasi-constante de peur et de violence. Le Prof. Michelle Slone de l’École des Sciences psychologiques de la Faculté des Sciences sociales de l’Université de Tel-Aviv mène depuis de nombreuses années des études visant à identifier les facteurs de résilience chez les enfants exposés à des traumatismes tels que guerres et conflits armés.

Des «facteurs de résilience»

«Ces situations produisent chez eux un niveau de détresse psychologique susceptible de s’exprimer au travers d’un large éventail de symptômes comme l’anxiété, la dépression, les troubles obsessionnels-compulsifs, les troubles de l’alimentation et du sommeil, un mauvais rendement scolaire, des comportements paranoïaques, des phobies, peur de sortir à l’extérieur, de rencontrer d’autres personnes, de toucher aux objets, et même, chez les plus âgés, adoption de comportements à risque et toxicomanie», explique-t-elle. Le récent conflit, ajoute-t-elle, a encore augmenté les angoisses des enfants, et grossi les listes d’attentes dans les centres de services psychologiques. «Je me suis donc demandée quels étaient les facteurs qui peuvent servir de tampon entre l’exposition aux évènements et leur résultat psychologique».

Le Prof. Slone s’est dès lors intéressée à différents types de facteurs, individuels, familiaux, sociaux ou communautaires, susceptibles d’aider les enfants à faire face à des périodes de conflits aigüs ou prolongés, aboutissant à la construction d’une sorte de «carte de facteurs de résilience» , parmi lesquels elle en a choisi quatre: la capacité à mobiliser un soutien social, l’aptitude à régler les problèmes et auto-efficacité  (croyance d’un individu en sa capacité de réaliser une tâche spécifique), l’estime de soi  et la faculté de donner un sens à la vie et aux expériences vécues. «Nous avons constaté que les enfants qui bénéficiaient d’un soutien social élevé, comme la possibilité de se tourner vers leur parents, frères et soeurs,  éducateurs, animateurs, amis et enfants du même âge, voire même responsables religieux, pour obtenir des conseils, un soutien psychologique ou même économique, souffraient moins de conséquences psychologiques négatives face au traumatisme que les autres», explique le Prof. Slone.  Autre constatation: les enfants possédant une estime de soi élevée présentaient également moins de symptômes négatifs. Même chose pour ceux possédant des capacités créatives pour trouver des solutions aux problèmes.

« Une approche totalement nouvelle »

Le Prof. Slone et son équipe ont donc décidé d’élaborer un programme d’intervention éducative et psychologique en milieu scolaire, pour encourager et renforcer ces quatre facteurs. «Le but était d’atteindre le plus grand nombre d’enfants possible dans leur environnement scolaire naturel, pour leur fournir, au-delà de simples contenus éducatifs, également une réponse à leurs besoins psychologiques, et de renforcer la résilience et la résistance des enfants vivant sur la ligne de feu», dit-elle. Initialement mis en place une semaine après l’opération Plomb durci en décembre 2008-janvier 2009, il avait alors reçu le nom générique de «Programme Sderot», et a été adopté et généreusement soutenu par Woolf Marmot et son épouse regrettée Hélène ainsi que par d’autres membres de l’Association française des amis de l’Université de Tel-Aviv, dont Marc Haddad.

Ce programme d’intervention est mené par des enseignants spécialement formés, sous la supervision de psychologues et de conseillers scolaires. Les enseignants suivent des ateliers expérimentaux et théoriques à la fois dans les écoles et à l’université. «Il s’agit d’une approche totalement nouvelle. Jusqu’à récemment, les enseignants n’avaient que peu d’indications sur ce qu’ils devaient faire dans ces situations de conflit», dit le Prof. Slone.

Le programme est constitué de quatre modules de huit leçons, chacun centrés sur un facteur de résilience particulier, et se déroule sur trois à quatre mois. Par exemple, dans le cadre du module portant sur l’auto-mobilisation d’une aide extérieure, on a demandé aux enfants d’inscrire sur des fiches qu’ils ont posées sur le sol toutes les personnes ou les ressources de la communauté dont ils pouvaient obtenir de l’aide, et le type d’aide recherché (écoute, conseil, communication etc.). De cette façon, la classe était en mesure de produire un plan d’«aide sociale» et de discuter de la meilleure façon d’utiliser les ressources à sa disposition. L’exercice a contribué à accroître l’utilisation par les enfants des systèmes de soutien sociaux ainsi que leur sentiment de sécurité.

Aujourd’hui dans 60 écoles du pays

Un autre module consistait à créer une «carte d’alerte rouge» montrant les points les plus proches d’accès aux abris dans l’environnement des enfants. Dans une activité à part de construction de l’auto-efficacité, on a demandé aux enfants de préparer un sac à dos spécial avec les biens et les ressources qu’ils aimeraient avoir avec eux en période de danger.

Introduit à l’origine dans deux écoles de Sderot et des environs, le programme a été étendu au cours de ces dernières années, à 60 écoles dans l’ensemble du pays, grâce à un financement supplémentaire des Amis français. «Il s’agit de dizaines de milliers d’enfants. De plus, le programme peut être mis en oeuvre à tout moment par les éducateurs ayant suivi la formation». Il faut noter que beaucoup d’enfants de ces écoles sont issus de milieux socio-économiques défavorisés et affichent des comportements à haut risque.

Une étude d’évaluation menée sous la direction du Prof. Slone avant et après l’application du programme a permis de constater qu’il avait entraîné une nette amélioration des capacités et stratégies d’adaptation psychologique chez les enfants. «Les résultats ont été extrèmement clairs», dit-elle. «Non seulement l’intervention a pu améliorer les facteurs de résilience chez ces enfants, mais de plus tous les marqueurs de détresse psychologiques, comme l’anxiété, la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les comportements suicidaires, la tendance à l’isolement etc, ont nettement diminué, en particuler pendant les périodes les plus traumatiques, comme les opérations militaires, ou les périodes de bombardements intensifs, alors que chez les enfants n’ayant pas suivi le programme, tous ces phénomènes ont augmenté. C’est dire l’importance de l’implication d’un tel programme dans un pays comme le nôtre».

Un outil de dépistage des enfants en détresse

Selon le Prof. Slone, le programme a bénéficié d’un écho très important auprès de la communauté scientifique internationale, et les études sur son efficacité, notammant après l’Opération Bordure protectirce, ont été publiées dans des revues prestigieuses. «Malheureusement», ajoute-t-elle, «nous avons également constaté que les enfants des secteurs socio-économiques les plus faibles de la population, par exemple du secteur arabe ou éthiopien, tiraient moins bénéfice du programme que les autres. Cela signifient que les enfants qui ont le plus besoin du programme en profitent le moins». La chercheuse envisage donc des solutions spécifiques pour ces enfants, sous la  forme de programmes de formation parentale.

«Par contre», poursuit-elle, « Nous avons nettement avancé sur deux plans. Tout d’abord le programme est appliqué annuellement dans de nombreuses écoles et sert d’outil de dépistage permettant d’identifier les enfants particulièrement en situation de détresse, d’attirer l’attention des éducateurs sur eux, de les adresser aux services de psychologie etc.  Ceci est l’une des grandes réussites du programme, qui en a découé de manière quasi-naturelle. Il sert à présent d’outil de dépistage et d’évaluation des problèmes psychologiques des enfants et comme un modèle de prévention primordial pour leur conférer résistance et résilience, à la fois avant et entre les épisodes de violence».

Deuxième orientation pour l’avenir: adapter le programme pour le faire passer en ligne. «Nous avions déjà commencé à avancer dans cette direction avant même l’irruption du corona. Nous avons toujours un pas d’avance sur les autres ! »,  plaisante la chercheuse.  Des activités sont proposées aux enfants sur des groupes  whatsapp, qui leur permettent de développer des dialogues entre eux et d’échanger leurs expériences.  Les éducateurs et les psychologues peuvent également maintenir le contact individuellement avec chacun d’entre eux de cette manière, et pas seulement de façon frontale en classe.  «Pendant la période du corona, ces nouvelles fomes du programme ont pris de l’ampleur, et je suis actuellement en train d’étudier les moyens de développer ces diverses activités et de vérifier les possibilités d’utiliser les différents média sociaux à des fins thérapeutiques pour le bien-être des enfants des agglomérations situées autour de la Bande de Gaza et dans tout Israël».

Photos et illustrations:

1. Enfants descendant aux abris au kibboutz Keren Shalom (Crédit: The Israeli Project via Flickr, Wikipediacommons)

2. Le Prof. Michelle Slone (Crédit: Université de Tel-Aviv)

3-4-5. : Illustrations du programme pilote « Résilience » sur whatsapp (Crédit: Prof. Michelle Slone) 

https://www.ami-universite-telaviv.com

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