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Rapport du Crif sur l’antisémitisme : ce que l’on dit et ce que l’on ne dit pas

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Le Crif publie ce jeudi un rapport sur les actes antisémites commis en 2023. Selon l’historien et essayiste Marc Knobel, la montée des violences envers les Juifs est directement liée au conflit israélo-palestinien.

Le 24 janvier, en lieu et place du ministère de l’Intérieur qui aurait été bien inspiré de divulguer et de publier les chiffres qui émanent des services, et par une communication officielle, avant que d’autres ne le fassent à sa place, le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) publie son rapport et rend compte des chiffres de l’antisémitisme pour l’année 2023. Le Crif s’appuyant sur ces chiffres s’empresse de communiquer à son tour en publiant une synthèse disponible sur son site Internet. Le Crif reprend alors les données et graphiques du SPCJ.

Commençons par expliquer la méthodologie utilisée. Le service central du renseignement territorial, qui dépend du ministère de l’Intérieur, suit l’évolution des actes racistes grâce à des synthèses chiffrées, comptabilisant les « actions » (homicides, attentats et tentatives, incendies, dégradations, violences) et « menaces » (propos, gestes menaçants, démonstra-tions injurieuses, inscriptions, tracts et courriers).

Ces données sont croisées avec les signalements centralisés au ministère et ceux du SPCJ. Cependant, ces synthèses chiffrées comptabilisent les actions et les menaces qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’une main courante auprès des services de Police. Seulement, toutes les victimes ne portent pas plainte par peur de représailles. Ensuite, une communication annuelle est faite, en l’occurrence, celle du SPCJ, relayée par le Crif. Les données sont fiables, car les échanges sont constants avec le ministère.

1 676 actes antisémites en 2023, contre 436, en 2022

Alors, quels sont pour l’année 2023, les principaux enseignements de ce rapport ? D’une part, le ministère de l’Intérieur et le SPCJ ont recensé 1 676 actes antisémites en 2023, contre 436, en 2022. Ainsi, depuis l’attaque menée en Israël par le Hamas ce 7 octobre, les actes antisémites ont augmenté en France de plus de 1 000 %. Une moyenne quotidienne d’environ 25 actes antisémites a été enregistrée au cours des 30 jours qui ont suivi cette attaque.

D’autre part, 57,8 % des actes antisémites portent atteinte aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants, distribution de tracts, courriers). Près de 32 % des actes sont commis dans la sphère privée. 20,4 % des actes sont commis sur la voie publique et 12,7 % des actes ont lieu dans le milieu scolaire, dont une majorité au collège.

Enfin, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre. Une décrue en fin d’année « difficile à analyser » pour le président du Crif, qui reste prudent. Enfin, en 2023, les actes antisémites sont commis sur presque l’ensemble du territoire national (616 villes ou communes différentes) et dans 95 des 101 départements français.

C’est la prégnance d’un antisémitisme qui est lié au conflit israélo-palestinien que l’on remarque en 2023

Nous retenons de ces chiffres que dans la configuration actuelle, l’antisémitisme revêt plusieurs caractères qui se développent conjointement et se succèdent. Par exemple, il faut compter encore sur la survivance de stéréotypes et de préjugés antisémites. Autre exemple, les réseaux sociaux sont les vecteurs d’accusations multiples. Là, des individus ou des groupes diffusent des rumeurs et propos antisémites. Mais c’est la prégnance d’un antisémitisme qui est lié au conflit israélo-palestinien que l’on remarque en 2023.

Parce qu’Israël focalise tout un imaginaire conspirationniste. Mais, cet antisionisme démonologique revêt différentes formes et elles sont particulièrement agressives, comme la délégitimation d’Israël, des manifestations propalestiniennes qui peuvent être violentes, des inscriptions, des messages antisémites sur les réseaux sociaux, des agressions ou des accusations particulières, par exemple. Et dans certaines banlieues, les jeunes ont un discours si déstructuré, qu’ils glissent très vite de l’antisionisme à l’antisémitisme, d’Israël à Juifs. Enfin, l’antisémitisme se répand chez les musulmans qui vivent en France ou chez des Français de confession musulmane, comme le démontrent de récentes enquêtes.

Les chiffres ne répondent cependant pas à toutes mes interrogations

Les chiffres des actes antisémites de 2023, communiqués par le SPCJ et relayés par le Crif, tout aussi intéressants soient-ils, ne répondent cependant pas à toutes mes interrogations. En tant qu’historien, il me faut évaluer la complexité de ce sujet et en tirer toutes les conclusions qui s’imposent en examinant tous les indicateurs. Par exemple, nous savons que pour tenter de rassurer la communauté juive et d’assurer sa sécurité, tant en France que dans d’autres pays, les gouvernements ont multiplié les prises de parole et les mesures de protection. C’est bien. Mais, pour quels résultats ? Puisque la progression de l’antisémitisme a été particulièrement spectaculaire en 2023 et que les Juifs ont peur…

C’est ainsi que, lorsqu’une plainte est déposée, nous savons que les procédures sont compliquées et longues. De nombreuses victimes sont découragées ou peu confiantes sur l’aboutissement d’une enquête et sur l’issue d’une procédure pénale. Et cela est problématique. Sur Internet, il arrive qu’une communication porte sur le nombre de signalements de contenus à caractère antisémite adressés aux différentes plateformes (X, Facebook…) ou à Pharos, le portail officiel de signalements des contenus illicites sur Internet. Mais, comment ces signalements sont-ils traités ensuite par les plateformes ? Et par combien d’officiers de police judiciaire ? Les contenus illicites sont-ils retirés ? Si oui, combien ? Globalement, nous l’ignorons.

La transparence doit être complète

Au-delà, lorsque des plaintes ont été déposées, combien de personnes ont été déférées devant des tribunaux ? Combien de condamnations ont-elles été prononcées ? Pour quelle peine ? Combien de classements sans suite ? Ces informations permettraient de comprendre comment ces questions sont traitées. Nous partons du principe que les condamnations ont une valeur dissuasive. Or, ces informations manquent et, ce faisant, nous ignorons globalement quel traitement s’effectue à la suite d’agressions.

Dernier exemple, si 12,7 % des actes antisémites ont lieu dans le milieu scolaire, à un moment où les professeurs craignent de parler de la Shoah ou du conflit israélo-palestinien dans les cours d’histoire, comment ces questions sont-elles traitées dans nos écoles ? Des élèves sont-ils sanctionnés ? Nous pourrions multiplier les exemples. Mais, la transparence doit être complète. Sans quoi nous resterons toujours dans l’incertitude, faute de comprendre ce qu’il en est du traitement, des solutions et des résultats qui auraient été obtenus afin d’en limiter les effets et la croissance.

source www.lejdd.fr
Marc Knobel

Ashdodcafe.com

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