PARASHAT REEH 5780 : Vendredi 14 Août 2020 – Yom Chichi 24 Av 5780
horaires Ashdod entrée  19 h 05 – sortie 20 h 03

SAVOIR FAIRE PENCHER LA BALANCE DU BON COTE.

Comme souvent,  la formulation des versets et surtout du premier verset pose problème aux brillants exégètes de toutes les époques.

La question qu’ils essaient de résoudre pour ce premier verset est : pourquoi HaShem commence-t-IL ce premier verset par un verbe au singulier pour continuer au pluriel ?

« VOIS »  :רְאֵה, אָנֹכִי נֹתֵן לִפְנֵיכֶם–הַיּוֹם: בְּרָכָה, וּקְלָלָה. Vois, JE vous propose en ce jour, d’une part, la bénédiction, la malédiction de l’autre: Vois  est à la deuxième personne du singulier puis il est inscrit VOUS propose (deuxième personne du pluriel). Tout se passe comme si HaShem s’adresse à une personne responsable d’une collectivité en quelque sorte…  comme si l’individu est responsable de la communauté…  comme si les individus, le peuple dans son intégralité, avaient la capacité  d’influencer la collectivité. Chaque électron étant libre mais se trouvant  impliqué chez l’Autre.

Les plus grands classiques parmi nos commentateurs comprennent la chose de la façon suivante : à n’importe quel moment, lorsque le peuple se trouve en état de jugement, n’importe quel acte, n’importe quelle parole peut influer sur le jugement et faire basculer l’un ou l’autre desplateaux  de la balance en le faisant tout-à-coup remporter par le bien. L’individu est responsable de lui-même comme des autres. C’est la raison pour laquelle l’Eternel  S’adresse à l’individu qui par un acte ou une prière peut sauver un autre individu ou une collectivité.

HaShem s’exprime de manière mystérieuse au sujet du lieu où sera érigé le Temple. Pourtant s’interrogent les Exégètes, nous avons où est le Mont Moriah et, à la lumière des enseignements de notre Histoire, écrivent Rabbénou Behayé et le Rambam[1], entre autres, nous savons que les premiers sacrifices furent présentés au Mont Moriah, Noé en descendant de l’Arche offrit son premier holocauste au mont Moriah…. Abraham voulut sacrifier son fils au Mont Moriah et même sans parler véritablement de sacrifice, lors du déplacement vers Haran, Jacob fit le rêve de l’échelle au Mont Moriah. Dès lors, pour quelle raison dans le texte de notre péricope est-il fait mystère de l’emplacement que D choisira pour ériger le Temple, un peu comme si l’Eternel n’avait pas encore choisi ?

En réponse à cette question certains rabbins prétendent que si dans le texte même de la Torah il n’est pas fait mention d’un lieu exact c’est pour éviter que des idolâtres ne décident d’ériger en ce point un temple dédié à des idoles. Si on désire actualiser : on voit bien que sur l’esplanade de notre Temple a bel et bien été construit une mosquée !…

Mais, il y a d’autres  motifs qui se cachent derrière tout cela : il faut tout d’abord constater plusieurs points : David  désirait ardemment élever ce Temple par lui-même tant il révérait et adorait le Créateur mais, il y avait un point qui ne lui permettait point de le faire : il avait trop guerroyé et trop de sang avait été versé sous son règne. Ce fut donc à Salomon qu’échut l’honneur de construire cet édifice en l’honneur du Maître du Monde. Rashi et Rabbénou Behayé dévoilent que le terrain du futur Temple a été acquis par le Roi David : 50 shekels –de l’époque- d’un Jébuséen. Par ailleurs on trouvera que le montant total de l’achat fut de 600 shekels et il ne s’agit pas d’une erreur ! David paya 600 shekels à raison de 50 shekels par tribu ! Pour quelle raison seul le Saint des Saints se trouve-t-il sur le territoire de la tribu de Benjamin ?

Le fait est que Benjamin a le mérite d’avoir « accumulé » des droits qu’aucun de ses autres frères n’a eu :

1 – Il est le seul fils de Jacob à être né en Israël (Judée/Canaân).

2 – Il est le seul de tous les fils de Jacob à ne pas s’être incliné devant Esaü puisqu’il n’était pas encore né.

3 – Il est le seul à ne pas avoir pris une part dans la vente de Joseph.

4 – Il luttait de toutes ses forces contre l’idolâtrie comme nous le constaterons dans les lignes ci-dessous.

Lorsque lui et ses frères sont sortis d’Egypte et que les officiers de Joseph ont découvert dans le sac de Binyamine la coupe de Joseph, les dix autres frères se sont précipité sur leur jeune frère et lui ont asséné des coups dans le dos (gav en hébreu) en l’insultant « ganav ben ganévet » (autrement dit voleur fils de voleuse) ! Pour bien comprendre de quoi il s’agit il nous faut nous reporter au récit du départ de Jacob, ses épouses et ses enfants de chez Labanlorsque celui-ci s’étonne plus de la disparition de ses « pénates » que du départ de ses filles. La Torah a précisé que Rahel avait « volé » les pénates de son père. De quoi est-il question ? Les exégètes éclairent nos lanternes : les idolâtres avaient coutume de pratiquer un culte avec des idoles mais ils prenaient possession d’un cadavre, l’embaumaient avec toutes sortes de produits puis inscrivaient sur une bandelettes des noms d’esprits en plaçant ces bandelettes dans la bouche du cadavre. Moyennant ce procédé ils avaient la possibilité d’entrer en possession d’innombrables informations et, si Laban avait voulu savoir ce que faisait Jacob il aurait pu constamment le savoir. Aussi, Rahel, avait-elle subtilisé cette bandelette en luttant en même temps contre ce procédé interdit dans le judaïsme.    En apercevant la coupe de Joseph qui disait ses servir du récipient pour la divination, les frères crurent que Binyamine avait subtilisé la coupe pour empêcher la divination en quelque sorte dans le même esprit que sa mère !

Il s’avère donc que Binyamine a des mérites incontournables mais pourquoi avoir choisi le mont Moriah pour établir le Temple et non pas dans une montagne plus haute ou dans la plaine ?    En entrant en Canaân, Josué dut procéder à la « purification »du territoire en détruisant tous les autels idolâtres et en détruisant tous les lieux les plus divers dont les habitants se servaient pour rendre un culte tels les sous-bois ou des sommets. Lors, le lieu idéal était un site peu élevé (gavenoun)[2] en rapport avec le dos de Benjamin qui reçut tous les coups admonestés par ses frères !

Le Yalkout Shimôni, termine cette discussion par une parabole : un roi avait de nombreux enfants qui invitaient leur père royal très souvent en se disputant tous l’honneur de le recevoir mais, après avoir honoré chacun de ses fils lors d’un repas, le soir, il se retirait chez le plus jeune de ses fils qui avait besoin de lui. Dès lors, il est clair qu’après avoir reçu les offrandes de toutes les tribus, HaShem aime à se retrouver dans Sa Demeure établie sur le territoire de Benjamin.

Dans cette sidra il est aussi  question de l’installation en Canaân/Judée et, si la formulation n’est pas sur le mode d’une ordonnance, il n’en demeure pas moins que le fait d’habiter en Judée est une mitsva.

Dans un article prochain  nous en débattrons.

Caroline Elishéva REBOUH;

[1]Dans le Guide des Egarés.

[2] Allusion au dos de Binyamine qui reçut des coups et aurait pu en être bossu (guiben).