Partir en voyage constitue un excellent moyen de conjurer stress et fatigue physique. La cause est entendue. Mais, autant que le voyage lui-même, c’est le projet de départ qui fait du bien. Quant aux souvenirs de voyage, ils sont devenus une composante majeure de notre imaginaire. A l’heure où les projets sont compromis, où nul ne sait s’il pourra se déplacer à Noël et même après Noël, quelle thérapie offrir à cette humanité en proie à la pandémie et à l’absence de futur touristique ? Des projets et encore des projets.

Selon une étude très récente réalisée par le groupe Hilton, 95% des Américains éprouvent un véritable manque en matière de voyages, après six mois de restrictions.

Ce premier constat n’a rien d’étonnant et pourrait aussi bien concerner tous les voyageurs du monde, plus ou moins compulsifs, ayant pris d’habitude de sauter dans un train ou un avion ou encore dans leur voiture, pour changer d’air et par la même occasion, changer d’humeur.

Certes, la période est particulièrement difficile et les re confinements mis en place à travers l’Europe, notamment en France, sont de nature à désespérer bon nombre des heureux partants que compte l’humanité.

Sans compter la sensation de privation de liberté très partagée par une majorité des habitants de notre planète en proie à des restrictions et à un stress lié à l’enfermement.

Un stress réel que les thérapeutes s’emploient à tenter de réparer à travers prescriptions d’anxiolytiques et autres disciplines alternatives allant de la méditation à la sophrologie.

Mais, plus que tout, c’est l’absence de projet qui fait du mal. En effet, le projet est traditionnellement un moyen d’échapper à un quotidien difficile et de se projeter dans un avenir plus ou moins proche qui, une fois la destination choisie, se peuple de toutes sortes d’images fantasmées, parfois plus réelles, en tout cas de nature à faire rêver et patienter.

Sorte de « shoots » applicables plusieurs fois dans une journée, y compris en plein travail, les images de l’ailleurs et de l’après « promis » et attendus, constituent un soutien tellement fort qu’elles incitent une partie des voyageurs à planifier et réserver leurs prochains voyages longtemps à l’avance « afin d’en rêver le plus longtemps possible ».

Pour certains, il s’agit bien d’un voyage avant le voyage. C’est le voyage « imaginaire ». Celui que l’on fait avant de partir, virtuellement mais sans avoir besoin d’écrans sur lequel le projeter.

Les souvenirs de voyage manquent aussi au moral

Autre facette inséparable du voyage : les souvenirs. C’est à dire l’après. Toujours, selon la même enquête, pour 188 millions d’Américains, le déficit de souvenirs lié au voyage nuit gravement à leur moral. Neuf nord-Américains sur dix interviewés dans cette étude considèrent que les souvenirs de voyage sont les plus joyeux de leurs souvenirs.

Mieux, ils sont même deux tiers environ à déclarer voyager dans le but de se fabriquer de beaux souvenirs. Ils sont encore 53% à déclarer que ces moments gravés dans leur mémoire leur sont plus précieux que leurs smartphones ou leurs bijoux.

C’est dire ! Encore mieux, l’étude constate et explique que pour plus de la moitié des sondés, les compagnons de voyages jouent un rôle particulièrement important dans la fabrication de bons souvenirs. Et pour un tiers d’entre eux, les voyages en famille comptent parmi les plus beaux souvenirs d’enfants…

En tout cas, et surtout, 8 sondés sur 10 avouent qu’ils donneront priorité à la création de nouveaux et beaux souvenirs quand ils choisiront de partir de nouveau.

Un score particulièrement élevé confirmant lui aussi, si besoin en été, qu’un voyage (ou des vacances) ne peut être constitué que par sa matérialité. Celui qui a des «souvenirs de voyages » possède un patrimoine particulièrement valorisant qui lui permet, selon la teneur du souvenir, de se situer dans l’échelle sociale au-dessus ou au-dessous des autres.

Ainsi, celui qui a visité le Cambodge dans les années 80 affiche d’emblée son statut social par rapport à celui qui n’a été qu’à Djerba l’an dernier !

C’est pour cette raison d’ailleurs que certains ont tendance à déformer et embellir leurs souvenirs de voyages. En « mentant » aux autres, soit dit au passage, ils se « mentent » aussi à eux-mêmes et, phénomène encore plus intéressant, ils finissent très rapidement par croire en leurs nouvelles versions des récits qu’ils font.

Sachant que la mémoire ne déforme pas volontairement mais selon les situations : selon l’ambiance générale, selon l’interlocuteur et selon sa propre humeur ( Boris Cyrulnik).

Une explosion attendue de voyages « inattendus »

In fine, la bonne nouvelle provient cependant de la conclusion de l’étude et du résultat le plus encourageant pour les professionnels du tourisme. En effet, 94% des Américains déclarent vouloir repartir en voyage le plus vite possible.

Parmi eux, 60% des interrogés affirment souhaiter planifier des voyages très insolites. Ils sont même 66% à se déclarer prêts à ne plus reporter les voyages extraordinaires dont ils ont toujours rêvé. Notamment les voyages d’aventure. Un tiers pour sa part déclare enfin vouloir voyager plus qu’avant. Alors qu’un petit tiers déclare vouloir privilégier les voyages relaxants.

Partir, c’est donc bon pour le moral

Certes, il s’agit de déclaratif. Mais ce déclaratif est corroboré par nombre de travaux réalisés par sociologues et psychologues aboutissant à la même conclusion : partir est bon pour le moral, avant, pendant et après. Pour ceux qui, bien évidemment, affectionnent le voyage.

Un bémol indispensable car, n’oublions jamais qu’une proportion non négligeable d’individus n’apprécient pas forcément de quitter leur domicile.

Parmi ces incurables casaniers, on trouve des personnes âgées d’une part, recrutées en général parmi un groupe très conservateur de la population qui a tendance, notamment dans des périodes comme celle que nous vivons, à se replier sur eux et à se confiner vaille que vaille.

Josette Sicsic pour FUTUROSCOPIE