PARASHAT VAERA 5781 – Vendredi 15 Janvier 2021 –Yom Chichi 02 Chevat 5781
Horaires Ashdod : Entrée : 16 h 40 – Sortie : 17 h 40

DES PLAIES OUVERTES

Dans la section précédente, la Torah au cours des cinq premiers chapitres nous fait faire un saut de 210 ans : dès l’arrivée des Bené Israël en Egypte et jusqu’au moment où Moïse se trouva désigné comme sauveur ou libérateur d’Israël…

Ce Pharaon, qui ne connut pas Joseph, fut le premier à définir cet agglomérat de personnes de PEUPLE. Une population de caractère effrayant et à puissance de reproduction énorme : le Midrash enseigne que chaque grossesse était multiple, chaque mère donnant naissance à des sextuplés multipliant ainsi par six le nombre normal de naissances.

Le nom de la parasha vient du fait qu’il est écrit qu’HaShem S’est révélé aux 3 Patriarches sous le nom de SHA-DAÏ alors qu’à présent il apparaît sous le nom du Tétragramme qui est l’indication de l’attribut de Miséricorde. Ce nom de SHA-DAÏ  est commenté soit en tant que Protecteur des « portes » d’Israël (SHomer Delatot Israël) ou comme étant Celui qui sait mettre un terme comme en Egypte et a su mettre un terme aux sévices subis par Israël. Lors de la Sortie d’Egypte, HaShem S’est manifesté par Miséricorde pour soustraire Son Peuple de l’adversité. Au temps des 3 Patriarches, peu importait ce qui pouvait advenir la EMOUNA (foi) était totale et acquise car la souche était pure et sainte.

Lors de l’arrivée en Egypte et déjà un peu avant eurent lieu des mixités peu souhaitées. La EMOUNA s’était déjà un peu émoussée. Elle s’était ébréchée…. KEL SHA-DAÏ devient Tétragramme qui agit avec Miséricorde mais qui va opérer des prodiges, des miracles, des évènements surnaturels.

Dans Vayéra, la qualification du peuple change en suivant une progression : il s’agit à présent du Peuple de D : cette phrase que répète Moïse à plusieurs reprises (avant l’annonce d’une nouvelle plaie) a été reprise par une chanson de « spirituals » en anglais : « LET MY PEOPLE GO ! »

Ces dix plaies, infligées plus à Pharaon qu’à son peuple et à sa patrie, vont être décrites au cours de deux parashot : VAERA et BO. Cette semaine vont être décrites 7 plaies et la semaine prochaine seront décrites les 3 dernières.

Les Sages, comme toujours, se sont penchés sur les textes non seulement de la Torah mais aussi du Midrash, de la Guemara, du Zohar ainsi que sur les commentaires les plus classiques pour nous permettre de comprendre ce qui n’a pas toujours été écrit.

Dans son livre magistral de GUEVOUROTH HASHEM, le Maharal de Prague affirme que peu importe le lieu où sévit la punition mais, le personnage qui a commis une faute est soumis à une « correction ».

L’évènement de la sortie d’Egypte est si important et si exclusif dans le monde qu’à chaque instant de la vie, l’homme se doit de se souvenir de tous ces évènements qui ont précédé la sortie d’Egypte et de cette sortie  elle-même pendant laquelle HaShem a déployé des trésors de miracles et de prodiges qui, en réalité, renferment des sommes insoupçonnées de causes. En analysant chaque plaie, au regard de cette encore très brève histoire du peuple juif, les plus grands exégètes tels que Abraham Ibn Ezra, Rabbénou Behayé, le Gaon de Vilna, le Meshekh Hokhma,  et bien d’autres, nous en venons à comprendre les raisons qui se cachent derrière chaque groupe de plaies : DETSAKH,(3) ADASH (3) et  BAHAB (4).

Lors du déluge, ce sont des eaux brûlantes qu’HaShem a laissé s’abattre sur le Monde de façon à détruire ce monde et ces hommes qui s’étaient rendus coupables aux « yeux » » du Créateur. Lors de la destruction de la Tour de Babel (dor HaPlaga), c’est dans un désordre incoercible que les fauteurs de troubles furent punis, ensevelis sous leurs propres pierres…..

Dans l’Egypte antique tout comme dans la Babel antique, certains servaient des idoles    pendant que d’autres faisaient la guerre à HaShem en se débattant de trois façons différentes pour se départir d’une croyance en un D Tout Puissant, Maître du Monde et des destinées.

Ces mêmes peuples qui refusèrent d’une part, l’obéissance à la Torah et, d’autre part, l’appartenance à une seule divinité à laquelle ils devraient rendre compte de leurs actes jalousèrent Israël et voulurent mener une guerre contre le Tout Puissant en attaquant ce peuple qui obéit à la Torah. Isaac Abravanel[1] met en exergue trois points qui semblent faire la différence parmi les agnostiques :

En Egypte, se détachaient distinctement trois « castes » :

1 – ceux qui NE  CROYAIENT PAS EN D. DU TOUT.

2 – ceux qui CROYAIENT en l’existence de D MAIS QUE CELUI-CI NE FAISAIT PLUS RIEN  depuis la création du monde.

3 – ceux qui  CROYAIENT en l’existence de D. MAIS QUI PENSAIENT qu’IL NE POUVAIT RIEN CHANGER DE L’ORDRE ETABLI DEPUIS LA CREATION.

D’après le grand penseur portugais, en analysant les trois groupes de plaies, et en prenant en considération la phrase d’HaShem pour prévenir Pharaon des désordres qui doivent survenir en Egypte.

A l’apparition de la troisième plaie du premier groupe : DETSAKH  (Dam/TSefardéa/Kinim soit Sang, Grenouilles et les Poux ou vermine) les Hartoumim s’écrièrent : « Là est le Doigt de D » !

Pour comprendre ceci, il convient tout d’abord de préciser plusieurs points de la situation avant même l’apparition du sang dans le Nil dans ces signes opérés par Aharon et Moshé  :  l’Egypte s’était approprié les secrets les plus étonnants et les plus performants en sorcellerie. Les Hartoumim eux-mêmes étaient spécialistes en ostéomancie[2] mais aussi en nécromancie[3]. Ces devins étaient passés maîtres ou experts en sorcellerie. Cependant, certains détails ravissent notre attention   :

1 ) Le bâton dont Moïse se sert pour opérer les différentes plaies est un bâton célèbre et ancien : au Jardin d’Eden, Adam disposait d’un bâton sur lequel était gravé un nom : SHA-DAI. Ce bâton fut transmis de génération en génération jusqu’à Jacob. Lorsque Jacob décéda, il fut transmis à Joseph puis le bâton demeura au palais. Jéthro s’en appropria et Moïse saisit ce bâton. Or, ce bâton, lorsqu’Aharon le jeta à terre devant Pharaon pour se transformer en serpent, lorsqu’Aharon eut saisi le serpent par la queue, il redevint bâton mais, il n’en demeure pas moins qu’il « avala » les serpents des hartoumim.

D’autre part, il est important de souligner un détail : lorsque les dompteurs et autres charmeurs de serpent saisissent ces bêtes, ils les attrapent par la tête pour éviter qu’ils ne piquent impunément des personnes alentour.    Pour quelle raison HaShem ordonne-t-IL à Moïse et Aharon de saisir le serpent par la queue ? C’est, nous disent les Sages, parce que de la sorte, Moïse et Aharon prouvent leur supériorité sur les sorciers égyptiens.

Encore un point : pour les Egyptiens, tout était divinité, à commencer par le Pharaon lui-même qui, pour faire croire qu’il était un dieu, allait chaque matin s’exonérer de ses besoins dans le Nil qui lui-même était divinité….   Quant au serpent, qui se dit NAHASH (en hébreu נחש) devient soudain TANINE dans le texte תנין ou : crocodile.   Or, dans le langage imagé de Pharaon, il comparait sa puissance à celle du crocodile surgissant des flots du grand fleuve pour apaiser sa colère et son appétit. La modification fait donc clairement allusion au fait que ce grand crocodile féroce et cruel que peut-être Pharaon, il ne sera plus qu’un animal méprisable qu’on saisit par la queue pour le rendre inoffensif et l’immobiliser.

Se trouve ici un verset dans lequel la grande majorité des exégètes ont qualifié de langue des quatre degrés de Rédemption. En fait, lorsque Jacob rêve cette fabuleuse échelle, dont chaque degré est séparé du suivant d’une hauteur donnée[4] correspond à l’un des quatre exils et,  les Sages de la Guemara ont disserté sur l’ordre des quatre verbes et pour quelle raison ils ont été cités dans cet ordre plutôt que dans un autre. Cependant, il apparaît que dans un verset trois verbes sont cités et que le quatrième n’est cité que dans le verset qui suit : « je vous ai sortis » (il y a eu un premier exil car votre conduite n’était pas adéquate) « et je vous ai sauvés » (deuxième exil vous avez été sauvés malgré tout) « et je vous ferai sortir » (troisième exil vous avez été libérés du joug des Grecs ) et « je vous prendrai pour peuple » (lorsque l’heure de la Rédemption aura sonné, vous reviendrez à Moi, et vous Me servirez dans ce pays qui sera le vôtre)!!!

Les sept plaies qui seront opérées au cours de cette péricope vont démanteler tous les arguments que pourraient opposer tous ceux qui ne croient en rien en Egypte.

Le sang, que nous ne devons pas consommer car il représente la vie, va faire mourir tous les êtres vivants dans l’eau, elle-même si précieuse à la vie : aucune créature ne peut vivre sans sang et aucune ne peut vivre sans eau…

La grêle dans laquelle sont unis eau et feu, tombe sur l’Egypte pour laver l’iniquité. La grêle est tombée précédemment de façon inexorable sur le monde lors du Déluge et lors de Sodome et Gomorrhe, et la prochaine fois que la grêle entraînera des pertes sans précédent sera pour la guerre qui opposera Gog et Magog.

Le commentaire Ikar Sifté Hakhamim affirme que la plaie de la grêle à elle seule remporte toutes les autres plaies mais, pour Rashi c’est la dernière plaie qui le remporte sur toutes et en effet il est possible de voir les choses ainsi car la mortalité des premiers nés afflige les humains qui perdent ceux qu’ils ont procréés.

HaShem, bien qu’IL ait un compte à régler avec l’Egypte et son dirigeant et tous les êtres vivants et toutes les idoles de l’Egypte lance un avertissement aux Egyptiens : rentrez chez vous sinon vous serez frappés de plein fouet. Tsahal, l’armée d’Israël avant chaque opération militaire de grande envergure lance aussi un appel aux populations qui risquent d’être attaquées prouvant en cela que même s’il est un combat à mener l’aménité doit rester de mise vis-à-vis des populations civiles.

Caroline Elishéva REBOUH

MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

 

[1] Isaac Yéhouda Abravanel né en 1437 à Lisbonne au Portugal, fut ministre des finances au Portugal puis en Espagne en Castille et Aragon (provinces d’origine d’Isabelle la Catholique et Ferdinand d’Aragon) puis bien qu’il ait essayé à trois reprises de faire annuler le décret des rois catholiques contre les Juifs, il se réfugia lui-même à Venise où il mourut en 1508 et fut enseveli à Padova (Padoue), en Italie.

[2] Divination par les os.

[3]  Divination par les morts.

[4] Chaque hauteur correspondant exactement au nombre d’années d’exil subi par le peuple au cours de son histoire.