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Yitzhak Rabin, 20 ans déjà

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Il y a vingt ans, l’éloquente petite-fille d’Yitzhak Rabin, Noa, a fait pleurer avec elle des millions de personnes quand elle a fait l’éloge de son grand-père assassiné, lors de ses funérailles d’État. Devant rois et Premiers ministres, la jeune fille de 18 ans avait évoqué cette perte personnelle: « tu ne nous a jamais abandonnés, et maintenant ils t’ont abandonné – toi, mon héros éternel », avait-elle déclaré.

Avant la cérémonie commémorant l’assassinat politique qui a profondément secoué Israël, Noa Ben-Artzi, maintenant Rothman et mère de deux enfants (Omer, 7 ans et Alona 4 ans), a eu du mal à parler cette année. Peut-être était-ce en raison de l’atmosphère générale de violence, de peur et de rage, mais pas seulement.

« C’est peut-être juste une crise des dirigeants et pas nécessairement une perte totale de la direction (du pays, ndlr) » a-t-elle confié à I24news. « Nous sommes guidés par la philosophie du « Juif persécuté » au lieu de ce qui devrait être l’Ethos du Sabra (le Juif né en Israël et débarassé des névroses diasporiques, ndlr), le produit du sionisme pratique.

Le but ultime du sionisme n’était pas la création d’un troisième Temple, mais la création d’un modèle de société, un produit dérivé du peuple élu. Il semble qu’une ère a peut-être pris fin, peut-être que cette fin a été marquée par un péché originel: l’assassinat. L’assassinat de mon grand-père. Pour des raisons superficielles, basées sur son prénom, son assassinat a souvent été assimilé au sacrifice biblique d’Yitzhak. C’est une erreur. C’est plutôt l’assassinat d’Abel par Caïn. Deux Ethos contradictoires ».

Dans ce cycle renouvelé de la violence, les gens se demandent: qu’est-ce que Rabin aurait fait?

« Accords d’Oslo »

Je ne peux pas répondre à cette question. 20 ans se sont écoulés et nous sommes aujourd’hui dans une toute nouvelle réalité. Pour y répondre, il faudrait rembobiner la bande de l’histoire et le ramener à la vie. La question est maintenant hors contexte et me frustre. Je peux clairement voir la différence entre le type de dirigeants que nous avons maintenant et le genre de dirigeant sérieux, audacieux et responsable qu’il représentait.

Cela n’empêche pas les gens de dire que c’est la faute de Rabin, que tout a commencé avec les accords d’Oslo, qu’il a importé les terroristes ici et qu’il leur a donné des armes.

Combien de temps les gens peuvent répéter les mêmes inepties? Même les armes qu' »il leur a donné » ont plus de 20 ans et sont inutiles maintenant. Mais sérieusement, est-ce que ceux qui disent cela, en particulier les politiciens, ont un meilleur plan? Voilà pourquoi je préfère garder le silence. Vous ne pouvez pas lutter contre l’absurde avec des outils rationnels.

Avez-vous eu des discussions politiques avec votre grand-père?

Beaucoup. J’avais cette mentalité de chien bien dressé, je savais jusqu’où je pouvais pousser et quand laisser tomber. Je n’ai pas grandi dans un foyer démocratique. J’étais très consciente du fait que je le (Rabin, ndlr) représentais et que je ne devais rien faire pour nuire à l’objectif principal: lui permettre d’accéder au pouvoir et de l’y maintenir. J’ai grandi en sachant que chez moi, je pouvais poser toutes les questions, mais que je devais dire très peu de choses dans la sphère publique.

Nous connaissons Rabin le guerrier, l’homme d’Etat, mais on sait très peu de lui comme grand-père.


GPO« Yitzhak Rabin et sa famille dans son appartement « 

C’était un grand-père spectaculaire. À cause du divorce précoce de mes parents et d’autres raisons familiales, j’ai surtout passé mon enfance avec mes grands-parents. Heureusement, il était alors dans l’opposition. Il m’amenait souvent à l’école maternelle, m’a appris à jouer aux échecs à l’âge de trois ans, m’a acheté des robes chez Marks and Spencer et m’a même appris à faire la distinction entre une jupe droite et une jupe à plis. Il trouvait ça drôle, mais il l’a fait. Le problème est que lorsque vous vous êtes sentie autant aimée, c’est difficile de lâcher prise après.

D’une part, vous êtes l’une des rares privilégiés; d’autre part, vous avez payé un lourd tribut en vivant ici. Votre défunt père, un brillant officier d’une unité militaire d’élite, a subi un traumatisme crânien; votre grand-père bien-aimé a été assassiné par un fanatique juif.

Et quand bien même, je ne peux pas partir d’ici. En aucune façon. C’est comme une dépendance. Je sens que je fais partie de cette terre, je suis native d’ici. C’est pour cela que de tous les affreux noms brutaux dont mon grand-père a été affublé, « traître » était le plus offensant. Il était cette terre.

J’aurais cru que d’être blâmé pour la mort de nombreux Israéliens serait davantage un fardeau.

Ce n’est pas le cas. J’invite ceux qui le font de continuer à le faire. Ils ont réussi à nous ramener 20 ans en arrière, au climat pré-Oslo des couteaux, et à blâmer les Palestiniens pour tout. Depuis qu’il a tendu la main aux Palestiniens et aux citoyens arabes d’Israël, tous les dirigeants se sont faits concurrence pour prouver qui est celui qui méprise le plus les Arabes. En fin de compte, nous sommes de retour à la case départ.

Netanyahou n’a jamais présenté ses excuses


Gali Tibbon (Pool/AFP/Archives)
« Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou devant un portrait du Premier ministre assassiné Yitzhak Rabin lors d’une cérémonie le 16 octobre 2013 au cimetière du Mont Herzel à Jérusalem »

Les jours avant les commémorations annuelles sont difficiles pour Noa Rothman. Elle a naturellement accepté le rôle de « monument vivant » de Rabin. Elle a prononcé l’éloge funèbre et a écrit le livre Au nom de la tristesse et de l’espoir, publié un mois après l’assassinat et dédié à son grand-père. Le livre a été traduit en plusieurs langues. Elle est la porte-parole semi-officielle de la famille.

Pourtant, sa spacieuse et confortable maison est loin d’être un sanctuaire. Les portraits de Rabin, colorés et plutôt comiques, sont peu nombreux sur les murs. Cette année est particulièrement difficile pour elle car elle doit assister à plusieurs cérémonies officielles, où elle est obligée de rencontrer les gens qu’elle tient pour responsable de l’incitation et du climat de violence qui ont précédé l’assassinat. Certains des plus hauts responsables du Likoud, dont le Premier ministre Benyamin Netanyahou, se tenait sur un balcon à Jérusalem peu de temps avant l’assassinat et observaient la manifestation sauvage où une photo de Rabin en uniforme nazi était brandi et « mort à Rabin » scandé.

Vous avez rencontré Netanyahou à de nombreuses reprises. A-t-il déjà présenté des excuses?

Jamais. C’est un véritable problème pour lui d’assumer la responsabilité. Mais pauvre Bibi. Il doit prononcer, année après année, trois discours à la journée pour la commémoration de Rabin. Il est devenu un vrai expert.

Nous vivons une autre vague de violence et un autre déchaînement d’affrontements internes entre la droite et la gauche. Croyez-vous qu’un autre assassinat politique est possible?

A en juger par le climat politique et la pénétration dangereuse de la religion dans le processus démocratique, oui, tout à fait. Mais il manque un élément dans le climat politique actuel et violent: un plan de paix, un ingrédient essentiel dans les assassinats politiques en Israël. Si une option politique de paix émerge, alors certainement, c’est très possible.

Comment présentez-vous l’histoire à vos enfants?


GPO« La famille d’Yitzhak Rabin à ses funérailles »

Nous avons d’abord discuté de cela lorsque Omer a eu deux ans. Il a soulevé la question en demandant de façon inattendue: « est-ce que c’est vrai que ton grand-père était la place Rabin? » Donc, avant de transformer cela en un enjeu immobilier, je lui ai parlé de l’homme, pas de l’assassinat. Depuis lors, il entend (des choses) et pose parfois (des questions).

Un agent du Shin Bet, le premier qui a interrogé Yigal Amir, l’assassin, vient d’avouer qu’il avait l’intention de le tuer. Regrettez-vous qu’il ne l’ait pas fait?

Je n’ai aucun dialogue avec le tueur. Il y a une tentative orchestrée pour légitimer ce qu’il a  fait, je ne vais pas y prendre part. Il n’est pas l’enjeu. Mais comme Yossi Sarid (un ancien politicien israélien important) l’a dit: Rabin est certainement le plus vivant des morts-vivants se promenant parmi nous.

Lily Galili est analyste de la société israélienne. Elle a cosigné un livre, « Le million qui a changé le Moyen-Orient » sur l’immigration d’ex-URSS vers Israël, son domaine de spécialisation.

http://www.i24news.tv

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