PARASHAT LEKH LEKHA 5781Vendredi 30 Octobre 2020
Horaires Ashdod : 16 h 33 – 17 h 30

LA CINQUIEME EPREUVE

Abram dont le nom sera changé en Abraham, reçoit l’injonction d’HaShem de partir d’Ur Kasdim vers le pays de Canaan. Au cours des années précédentes, nous avons analysé ce que pouvait représenter pour cet homme déjà âgé de quitter la terre où il est né, de se séparer de sa famille, de son entourage, de devoir prendre des habitudes loin des paysages familiers qui étaient les siens. Les leurs avec ceux que Sara son épouse avait connus également.

Sur la stérilité de Sara, nous avons aussi largement disserté ainsi que sur les raisons de la transformation des deux noms d’Abram en Abraham et de Saraï en Sarah[1].  L’une des profondes raisons résidant dans l’ordre de lekh-lekha  est que la « aliya » d’Abram vers Canaan représente une triple aliya en réalité : HaShem promet au couple qu’en arrivant en Canaan, le couple fructifierait : sur trois plans : enfant, argent (et possessions) et renommée.

La mishna AVOTH décrète qu’Abraham a vécu 10 épreuves et qu’il les a toutes surnommées sans toutefois les décompter.  Plusieurs exégètes ont inventorié ces épreuves et, d’après le Rambam[2],  lekh-lekha de ton pays… est la première des dix épreuves et la dixième se formule de la même façon : lekh-lekha lerets haMoriah (pour la ligature d’Isaac). Entre ces deux épreuves s’en glissent huit autres[3] qui sont la famine, l’enlèvement de Sarah, la guerre avec les 4 rois, l’union avec Hagar, et la brith mila puis, le fait d’avoir subi un nouvel « enlèvement » de Sarah, le renvoi d’Hagar, et l’éloignement d’Ishmaël puis la ligature d’Isaac.

On pourrait prétendre que si de partir de chez soi, de son pays, pourrait ne pas paraître comme une épreuve car Abraham et Sarah qui désiraient tant avoir une descendance se sont peut-être exilés car D leur avait promis une progéniture ??? Mais, il ressort qu’Abraham ne s’est pas éloigné de sa famille et du pays qui l’a vu naître uniquement pour avoir des enfants mais bien parce qu’il désirait ardemment contenter HaShem. Les autres épreuves sont arrivées les unes après les autres pour renforcer cette volonté : la foi inébranlable qu’éprouvait le premier patriarche du peuple juif était telle qu’aucune épreuve si terrible soit-elle n’aurait pu lui faire changer de direction. C’est ainsi qu’il affronta la famine qui apparaît toujours dans la Bible comme facteur déterminant dans un objectif quelconque : ici, dès l’arrivée du Patriarche, de sa femme et de toute sa congrégation, sévit une famine très sévère dans ce pays que D lui désigna. Quelqu’un d’autre, devant la difficulté de s’approvisionner serait reparti en sens inverse. Abraham, décide de planter sa tente un peu plus loin et d’acheter des provisions… ce ne sont pas ces difficultés matérielles qui l’atteindront…

La beauté de Sarah attire la convoitise : Abraham trouve que ce n’est rien, il ne se décourage pas pour autant… La guerre d’un côté 4 rois s’affrontent avec 5 autres rois, les uns plus puissants que les autres. Abraham comprend le message, il sait que ces combats sont ceux auxquels ses descendants seront confrontés…  Pour un personnage tel qu’Abraham qui suit HaShem de manière confiante ainsi que le suggère la Torah : תמים תהיה עם ה’ אלוקיך (Devarim XVIII, 13)… Reste fidèle à l’Eternel ton D !!

Abraham est venu en Canaan. Il est à présent sur cette terre depuis 10 ans et Sarah est toujours stérile !!! En Sarah germe un projet conforme à l’esprit et aux us et coutumes de l’époque : si la maîtresse des lieux ne peut donner jour à une descendance, qu’à cela ne tienne : elle a une servante, qui peut-être, elle, pourra enfanter. Le phénomène n’est pas rare : le Tanakh nous en fait part : Léa devient stérile après avoir donné naissance à 4 garçons, elle conseille à Jacob de prendre pour épouse sa servante, Rahel, ne peut enfanter elle aussi conseille à Jacob de s’approcher de sa servante beaucoup plus tard, Hana, conseille à Elkana de prendre une deuxième épouse….

Seulement, voilà, Zilpa, Bilha, sont restées dans l’ombre. Bien que devenues épouses du Patriarche, elles sont restées humbles ce qui ne fut pas le propre de Hagar. Peut-être était-ce parce qu’en réalité Hagar était une princesse[4], celle-ci ne pouvait guère plus supporter d’être reléguée au rang de servante et, en conséquence, après ses épousailles et dès qu’il apparut qu’elle était enceinte, elle commença à se prendre pour la maîtresse des lieux et à railler Sarah qui, elle était âgée et stérile, alors qu’elle était jeune et qu’elle conçut immédiatement.

Toujours est-il qu’Abraham se sentit tiraillé/déchiré. Le don de prophétie de Sarah était indiscutable mais, les sentiments sont là….

La cinquième épreuve – le mariage avec Hagar – va avoir des conséquences qui seront aussi très graves comme nous le verrons plus bas dans ce texte.

Le Midrash raconte quelles furent les raisons qui poussèrent Pharaon à donner sa fille en tant que servante à Sarah : en voyant la noblesse de l’attitude de Sarah, il se convainquit du fait qu’il était préférable à sa fille de vivre dans une « société » bien plus noble que ce qu’il aurait pu trouver pour sa fille.

La confrontation entre Sarah et Hagar fut inévitable. La raillerie de la servante sur sa maîtresse commença très tôt. Ce qu’Hagar ignorait sans aucun doute était le degré de sainteté de Sarah car, la future Matriarche fut la seule femme avec laquelle HaShem parla sans intermédiaire ! Lorsque, plus tard, Hagar se trouva dans le désert c’est un Ange qui s’adressa à elle pour lui donner l’occasion d’exprimer son tourment !!!  L’erreur d’Hagar fut de se considérer supérieure (spirituellement parlant).

Lorsque dans la Torah, on veut nous faire connaître le nom de quelque personnage qu’il s’agisse, s’il est écrit et son nom est….. il s’agit alors de quelqu’un qui n’est pas forcément un tsadik, un juste alors que lorsqu’est écrit le prénom de la personne et ensuite. Or pour présenter Hagar il est justement écrit Hagar est son nom que penser ? Hagar était-elle une tsadéketh ? L’on raconte que par la suite, elle fit teshouva et redevint l’épouse d’Abraham après la disparition de Sarah.

De plus, les Sages qui, on le sait, détaillent tous les textes remarquent que lorsqu’Hagar erra dans le désert, et qu’elle vit que son fils était en difficulté, elle appela à l’aide et un ange lui répondit. Elle ne prit aucunement peur de cette rencontre alors que, font remarquer nos grands exégètes lorsque Manoah, le père de Samson, rencontra l’Ange qui lui annonça la naissance d’un garçon, il se mit à trembler en s’écriant « nous avons vu un envoyé de D nous allons mourir » !!! (soit dit en passant : c’est sa femme qui le rassura en lui disant que si cela était le cas pour quelle raison aurait-il annoncé la naissance d’un fils !).

Encore un détail mais qui revêt une importance pour la généalogie : lorsqu’HaShem S’adresse à Abraham pour lui demander le plus grand des sacrifices et de Lui dédier Isaac, IL dit à Abraham : « ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac. » On se pose une question : pourquoi est-il écrit ton fils « unique » alors qu’il avait déjà eu un fils avec Hagar…. Certains commentaires avancent que le fils d’Hagar n’est pas le fils de la femme légitime qui est Sarah mais d’autres préconisent une autre explication bien plus profonde : en étudiant de près la naissance des enfants de Jacob, on apprend que ce sont les Matriarches qui ont donné leurs noms aux douze fils de Jacob. Hagar s’opposa à ce que Sara donne un nom à Ishmaël qui, en conséquence, n’entra pas dans le décompte de la descendance d’Abraham.  C’est donc la raison pour laquelle la ligature concernait Isaac et non pas Ishmaël.

Caroline Elishéva REBOUH.

MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

[1]  La lettre youd située à la fin du nom de Saraï dont la valeur numérique est 10 fut divisée en deux fois la lettre hé (valeur numérique 5) pour que la Shekhina règne entre les deux membres du couple.

[2] Rambam ou Rabbi Moshé ben Maïmon ou Maïmonide  1138 à Cordoue – 1204 à Fostat en Egypte et enterré à Tibériade.  Rabbin, Philosophe, Médecin.

3  Six d’entre elles seront énumérées dans cette sidra et 4 autres dans la parasha suivante.

[4]  Elle était, en effet, fille de Pharaon que celui-ci avait offert comme servante à ce grand homme et son épouse que furent Abraham et Sarah.