PARACHA KORA’H – VENDREDI 27 JUIN 2025, 1ER TAMOUZ 5785
ASHDOD – TEL AVIV – 19h30 – 20h34

2ᵉ JOUR DE ROCH HODECH TAMOUZ
Roch Hodesh tov et CHABAT CHALOM !

HORAIRES DE CHABAT – KORA’H

NETANYA – 19h31 – 20h35
JÉRUSALEM – 19h08 – 20h31
HAÏFA – 19h32 – 20h36
EILAT – 19h24 – 20h26
ASHDOD – TEL AVIV – 19h30 – 20h34
BEER SHEVA – 19h29 – 20h31
PARIS – 21h40 – 23h04
MARSEILLE – 21h04- 22h17
LOS ANGELES – 19h50 – 20h53
MIAMI – 19h58 – 20h56
NEW YORK – 20h13 – 21h22


Le premier populisme : Korach et le danger de la « moraline » par Rony Akrich

La parasha de cette semaine, intitulée « Korah« , se distingue comme étant particulièrement captivante et complexe. Au-delà de sa description d’une insurrection contre les dirigeants, Moïse et Aaron, cette histoire évoque subtilement un basculement progressif entre l’aspiration à l’idéal et la tromperie, entre le discours moral et la soif de domination, entre la véritable liberté et le tumulte politique. Korah n’est pas perçu comme quelqu’un d’impie ou d’étranger. Au contraire, il appartient à la tribu des Lévites, une caste prestigieuse, et vit près du Saint des Saints. Malgré cela, il fomente ce que les Écritures considèrent comme la pire trahison religieuse jamais commise pendant l’Exode. Sa motivation ? Une quête d’égalité : « Toute la congrégation est sacrée, car Dieu réside parmi eux. Comment osez-vous vous hisser au-dessus de l’assemblée divine ? » (Nombres 16, 3). C’est une revendication d’égalité. Un mouvement de contestation de la domination monopolistique. Un appel à la démocratie. Et pourtant, cette revendication est rejetée avec une sévérité remarquable. La terre s’entrouvre et avale les révoltés.

Pourquoi la Torah est-elle si sévère envers un homme qui ose contester le pouvoir, qui parle au nom du peuple et qui remet en cause les privilèges de caste ? Parce que, sous les habits du prophète, on retrouve ici le masque du démagogue. Les Sages du Midrach s’interrogent : « Pourquoi Qorah, qui était pourtant un homme intelligent, a-t-il commis une telle folie ? » (Bamidbar Rabba 18, 8). Et leur réponse est frappante : « Son œil l’a trompé. » Il a vu l’avenir : des prophètes de sa lignée, des figures éminentes d’Israël. Il a perçu cela comme une justification pour ses aspirations actuelles. Il a confondu l’avenir avec le présent, la promesse avec le mérite, l’espoir avec le droit. En d’autres termes, il a superposé sa propre volonté de puissance sur la trame même de la prédestination.

Ce que la Torah réprouve n’est pas la critique, mais la critique qui découle de la jalousie. Ce n’est pas la contestation, mais la contestation qui ne cherche pas à élever le peuple, mais à le séduire. Ce n’est pas la revendication d’un idéal, mais l’utilisation de l’idéal comme couverture pour une lutte de pouvoir. Kora parle le langage de la sainteté et de l’égalité, mais son mobile réel est personnel. Il ne supporte pas qu’Aaron ait obtenu cette position, alors qu’il pense être plus méritant. Le slogan « Tous sont saints » cache en réalité un désir profond : « Moi aussi, je mérite la couronne. » Le Talmud (Sanhédrin 110a) souligne que les alliés ne sont pas toujours unis entre eux, ce qui montre que leur cause n’est pas nécessairement commune. La Michna (Avot 5, 17) en déduit que cette controverse n’était pas « desinteressee »: elle ne visait pas la vérité ni la justice, mais un bénéfice de circonstance.

Korah est une figure philosophique bien connue de la modernité : celle du tribun populiste qui parle au nom du peuple tout en cherchant à l’instrumentaliser. Il préfigure Nietzsche en incarnant une figure du ressentiment : il transforme sa propre infériorité perçue en un discours moralisateur, et cherche à détruire ce qu’il ne peut égaler. Selon Hannah Arendt, cet individu repousse toute autorité autre que celle qu’il s’octroie lui-même. Il ne reconnaît que le pouvoir émanant d’un discours éphémère, capable de captiver, d’émouvoir, mais pas de construire. Il s’oppose à toute hiérarchie non pas par souci de justice, mais par crainte de toute forme de transcendance.

En réalité, Korah cherche à détruire la structure spirituelle du peuple d’Israël. Il souhaite abolir la hiérarchie entre les différents rôles, qu’il s’agisse de la prêtrise, de la tribu ou de l’appel individuel. Il nie l’idée selon laquelle certaines fonctions sont associées à des principes éthiques, à un travail intérieur, à un processus d’élévation. Il veut une sainteté instantanée, égalitaire, qui ne demande aucun effort. Il veut une démocratie sans divinité. Mais, dans la vision biblique, la sainteté n’est jamais un acquis : elle est une conquête. Elle ne se proclame pas : elle se mérite. Le Rav Kook écrit dans Orot HaKodesh que l’égalité véritable, ce n’est pas de tout uniformiser, c’est de donner à chaque personne la chance de s’élever selon sa nature. Effacer les différences pour atteindre l’uniformité morale, c’est profaner la vie.

La réponse de Moïse, dans ce contexte, est remarquablement noble. Au lieu de se défendre, il ne contre-attaque pas, il tombe face contre terre (Nombres 16, 4). Cet acte d’humilité profonde exprime qu’il ne tire pas sa puissance de ses propres ressources. Il n’a rien à protéger, il n’est pas venu diriger, mais plutôt servir, il délègue la prise de décision au Tout-Puissant, refusant ainsi de céder aux pressions populaires. En effet, il affirme que, demain, Dieu montrera clairement qui est le maitre de ceans. (v. 5). Selon la tradition, l’aube représente le moment où la vérité émerge de l’obscurité. « Laissez parler la lumière ! », s’exclama-t-il. En effet, c’est elle qui révèle la légitimité.

Alors, tout à coup, le texte devient vertigineux : la terre s’ouvre et avale Korah, son peuple, ses possessions, ses tentes. Pourquoi un tel châtiment? Quelle est la raison derrière cette punition dramatique ? Selon le Zohar, cet événement catastrophique sur Terre reflète un écroulement dans les profondeurs de l’être. Korah tenta de supprimer la hiérarchie entre le Ciel et la Terre, entraînant ainsi la disparition du sol comme support stable. Les lois cosmiques furent bouleversées, mettant fin à l’équilibre fragile entre l’homme et la matière. En vérité, lorsque la parole humaine prétend supplanter la parole divine, elle tranche la branche sur laquelle elle est perchée.

Nous pouvons lire ce passage comme une allégorie politique de sujets d’actualité. Que devient une société où toute autorité est suspecte ? Où toute élévation est perçue comme de la domination ? Où tout appel au sens est taxé de dogmatisme ? C’est Korah qui incarne ce visage souriant de l’anarchie, il prône la liberté, mais rêve en réalité de dominer, c’est celui qui proclame l’égalité, mais qui ne supporte pas d’être devancé. Il transforme la foule en horde, la piété en cri de ralliement, la justice en rancune.

La Torah ne le blâme pas pour avoir osé parler, mais pour avoir menti en utilisant le langage du bien pour promouvoir sa propre supériorité. Il a profané la critique en la déconnectant de toute transcendance. La liberté, la démocratie et la contestation sont des trésors, mais lorsqu’ils sont détachés de la responsabilité, de l’humilité et de la reconnaissance d’un ordre supérieur, ils deviennent des instruments de destruction. Korah a tenté de mettre fin à la hiérarchie, mais il a fini par se détruire lui-même.

Ashdodcafe.com
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