Le Quai d’Orsay a convoqué l’ambassadeur américain à Paris, Charles Kushner, après ses propos reprochant à Emmanuel Macron de ne pas agir suffisamment contre l’antisémitisme. La diplomatie française a qualifié ces critiques d’« inacceptables » et parlé d’« ingérence », invoquant une prétendue violation du droit international et du principe de non-intervention. Ce vocabulaire n’est pas neutre : il permet de détourner l’attention, d’éluder le fond et de masquer une réalité gênante. Car ce qui s’est joué là n’était pas un incident diplomatique, mais une mise en lumière : celle d’un pouvoir politique – et du Quai d’Orsay en particulier – incapable d’assumer sa faillite.
La France est le pays européen où vit la plus grande communauté juive – et c’est aussi celui où elle est la plus menacée. Les incidents antisémites dans les écoles ont quadruplé en un an. À Courbevoie, une fillette de 12 ans a été violée au son d’insultes antijuives ; à Rouen, une synagogue a été incendiée ; à La Grande-Motte, une autre attaquée ; à Paris, des cimetières profanés et des graffitis nazis.
Moins de 1 % de la population française est juive, mais elle concentre plus de la moitié des violences racistes. Faute de confiance envers leurs dirigeants et les institutions censées les protéger, certains choisissent l’émigration vers Israël. Kushner n’a fait que rappeler ces faits. Ce qui a mis en fureur le Quai d’Orsay, ce n’est pas l’antisémitisme, mais le fait qu’on ose le nommer.
Emmanuel Navon, docteur en sciences politiques, universitaire et intellectuel israélien d’origine française, connaît intimement les deux cultures. Il souligne l’incohérence du Quai d’Orsay : comment ce ministère peut-il dénoncer l’ingérence américaine alors qu’il pratique lui-même, depuis des années, une ingérence obsessionnelle à l’égard d’Israël ? Comment peut-il invoquer le droit international quand il passe son temps à le manipuler pour condamner Israël et exiger la création d’un État palestinien au cœur de la terre d’Israël ?
Navon résume ce paradoxe par une formule un rien cruelle : «Seul un pays qui s’est proclamé vainqueur de la Seconde Guerre mondiale après quatre ans d’occupation allemande peut souffrir d’un tel manque de lucidité.» Par cette remarque, il rappelle la contradiction française : bâtir un récit national glorieux sur la fiction d’une victoire continue, alors même que le pays a connu la débâcle, l’Occupation et Vichy. Cette mythologie, héritée du gaullisme, a longtemps servi de paravent, mais elle nourrit aussi une posture diplomatique pétrie d’orgueil et de déni : la France se croit investie d’une autorité morale qu’elle n’a pas véritablement conquise. C’est ce déficit de lucidité historique que Navon dénonce – et qui éclaire l’aveuglement actuel du Quai d’Orsay face à l’antisémitisme et face à Israël.
Cette duplicité n’est pas seulement celle du Quai d’Orsay : elle est incarnée par Emmanuel Macron lui-même. Le président français multiplie les ingérences : il condamne Israël chaque fois qu’il se défend, répète qu’il faut reconnaître un État palestinien. Il a apporté un soutien appuyé au Liban, au moment même où ce pays bombardait Israël sans relâche. Paris s’oppose donc à Washington au nom de la « non-ingérence », tout en cautionnant ceux qui attaquent Israël, le tout en s’érigeant en donneur de leçons.
Macron distribue des gages à la gauche et à l’extrême-gauche en reprenant leur grille idéologique. Il diabolise la droite française comme si l’antisémitisme n’avait pas changé de camp. Or ce ne sont pas les militants d’extrême-droite qui profanent les synagogues ou agressent les élèves juifs, mais des islamistes tolérés par clientélisme, et une mouvance pour qui l’antisionisme a pour fonction de masquer la haine des Juifs. En rejouant sans cesse la rengaine de « la menace fasciste », Macron détourne le regard du réel.
La convocation de l’ambassadeur américain n’est donc pas une marque d’autorité, mais un aveu de faiblesse. Le Quai d’Orsay, en croyant se défendre, se ridiculise et révèle son impuissance. Ce pouvoir, incapable d’endiguer l’antisémitisme qui mine le pays, expose sa fragilité. La France n’est pas un pays antisémite, mais ses élites jettent de l’huile sur le feu – à commencer par son Président, qui n’a même pas le courage politique de participer à une manifestation contre l’antisémitisme à Paris.
Le scandale n’est pas dans la lettre de Kushner ni dans la virulence de Navon, mais dans la posture d’un Quai d’Orsay et d’un président qui ont fait de la lâcheté un principe de politique étrangère.
En 1945, au sortir de l’Occupation, la France s’était inventée une victoire qu’elle n’avait pas vraiment remportée. Aujourd’hui, elle s’invente une autorité morale qu’elle n’exerce plus. De Gaulle maquillait une défaite en gloire ; Macron maquille une impuissance en vertu. Et dans les deux cas, la fiction compte davantage que la vérité. Mais pas pour tout le monde, en France, heureusement.
Daniel Horowitz
Ashdodcafe.com
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