ANNEE 5775: FAIRE LE POINT – Actu J 29 Septembre 2014

Les dates importantes de l’année ne sont pas destinées à des commémorations de façade. En tous cas pour la communauté juive de France elles incitent à faire un point précis sur sa situation sociale, politique, psychologique et spirituelle actuelle. En ce sens, l’affaire Dieudonné risque déjà de s’effacer de la plupart des mémoires périphériques mais elle a profondément marqué et elle marque encore la conscience des Juifs français puisqu’ils ont cru un moment que même l’une des plus hautes juridictions du pays allait permettre que passent impunément la haine et l’abjection camouflées sous le titre abusif de «liberté d’expression».

Au delà des affaires Dieudonné, Mérah, Nemmouche, s’est installé le sentiment délétère selon lequel la sécurité des membres de cette communauté, quels que soient leur condition, leur âge, leur affiliation politique, lorsqu’ils en ont une, est devenu aléatoire. Il faut le dire et le répéter: la sécurité n’est pas seulement une exigence spécifique de la vie républicaine et démocratique. Elle est simultanément une preuve que dans des régimes de cette sorte l’exigence de dignité est respectée elle aussi. C’est ce dont le premier Ministre, Manuel Valls, a voulu convaincre la communauté juive de France lors des vœux de Roch Hachana qu’il lui a adressés dans une allocution mémorable à la synagogue de la Victoire. A quoi se sont ajoutées les appréhensions, les craintes et les angoisses qui ont accompagné cet été pendant plus d’un mois la confrontation armée entre le Hamas et l’armée d’Israël à Gaza, avec à Paris l’agression contre la synagogue de la rue de la Roquette et ces surréalistes manifestations de rue dans lesquelles l’extrême gauche faisait chorus avec les salafistes et les djihadistes de cœur sinon de corps. Le devoir de chacun se dicte alors de lui même.

En premier lieu n’en rien rabattre du statut de citoyen, ne pas le laisser s’effriter en intériorisant menaces et craintes. La sécurité des Juifs de France n’est pas négociable, pas plus que ne l’est la nature démocratique de la Vème république, ou alors guette la fascination des gouffres. De même que ne peut s’éroder ou se rompre le moins du monde leur lien avec l’Etat d’Israël quel que soit le gouvernement qui le dirige au gré des choix électoraux. Qu’on veuille bien le comprendre: l’Etat d’Israël ne se réduit pas à une entité politique, décidée en 1948 par un vote de l’ONU. En soi cette création qui relève du droit international contemporain est une résurrection. Elle atteste qu’en dépit de presque deux millénaires de dispersion, de persécution, de haine à visage nu ou à visage d’amour, les forces de vie du peuple juif sont restées intactes, qu’elles lui ont permis de démentir les «lois» les mieux établies d’une Histoire conçue comme une modalité du Jugement dernier. La résurrection de l’Etat d’Israël atteste que dans cette Histoire là, telle qu’elle est, assombrie par ses délires et ses inconséquences mais illuminée aussi par ses réussites et ses espérances, le peuple juif est redevenu un acteur actif avec lequel il faut désormais compter. A quoi il faut ajouter une considération déterminante: le peuple juif réside physiquement à Tel Aviv et à Jérusalem, à New-York, à Londres à Paris, à Montréal et ailleurs, certes, mais il n’a qu’un seul domicile d’âme: le Mont Sinaï.

C’est sur cette humble éminence qu’il a reçu et accepté ce qui fonde sa raison d’être originelle, celle qu’il faut savoir rappeler sans emphase mais sans en rien rabattre non plus: se vouloir non une engeance conquérante, glaive au point et au galop, mais littéralement « un peuple saint et une nation sacerdotale ». En un temps où tant de valeurs sont bafouées, où les comportement effectifs déjugent les normes et les lois, le rappeler ce n’est pas reconstituer un mythe ou exalter l’on ne sait quelle sur-nature prétendument surhumaine. C’est tout simplement ne pas déroger du degré où ce peuple à un moment incomparable de son itinéraire dans le monde a su s’élever ; un peuple à peine sorti de l’esclavage et qui fit sienne une vocation véritablement universelle.

Car qu’est ce que le Décalogue sinon la loi de survie non pas du seul peuple juif mais de l’ensemble du genre humain? Par où l’on voit néanmoins se profiler une tentation plus dangereuse que les haines et que les ressentiments dont l’on vient de faire état: croire qu’il s’agit d’un récit légendaire, de mots antiques, passés et dépassés. Pourtant cette loi de vie, déclinée en 10 Paroles, est pour chaque homme et pour chaque femme se réclamant d’Israël tout à la fois mémoire, projet et décision. Et pour l’illustrer point besoin de discours: il suffit de prêcher d’exemple.

Chana tova 5775.
Raphaël Draï

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