Créé en 1944 le CRIF, le Conseil Représentatif des institutions juives de France, est issu du Comité général de défense juive, formé clandestinement dès juillet 1943 dans la France occupée. Selon la première charte élaborée, son objectif premier est alors le sauvetage des Juifs réfugiés en France, tragiquement menacés par l’occupation par l’Allemagne nazie[1]. Cette structure rassemble la plupart des divers mouvements activistes juifs athées de l’époque (communistes, bundistes et sionistes), avec la participation du Consistoire israélite de France[2], instance religieuse historique officielle du judaïsme français. Ils rédigent une charte commune, qui sera le programme politique juif français pour l’après-guerre.

Dès sa forme primitive, il tend à unifier l’ensemble de la communauté juive.
À l’issue de la guerre, le CRIF se structure et établit ses premières passerelles politiques, notamment avec des organismes tels que le Congrès juif mondial et l’American Jewish Committee[3].
Dès la fin de 1944, la France devient une plaque tournante de l’action semi-clandestine, pour combattre le Livre Blanc édicté par les Britanniques, des envoyés des organisations sionistes.
L’affaire de l’Exodus permet d’analyser l’influence des milieux sionistes en France : d’abord assimilés aux mouvements de résistance, ceux-ci ont réactivé d’anciens réseaux et bénéficié de la complaisance du gouvernement français et d’une grande partie de l’opinion publique française.
Sous la pression de son partenaire britannique, l’attitude du gouvernement se révèle bien timide par rapport au formidable élan de solidarité qui émerge au sein de la population française.
L’affaire de l’Exodus joue ainsi  un rôle majeur dans le revirement diplomatique de sympathie envers les réfugiés et dans le vote du  plan de partage de la Palestine qui est soumis aux Nations Unies.

PROCLAMATION
Les sionistes[4] accordent une grande importance au vote de la France compte tenu de l’influence qu’ils lui prêtent sur les pays catholiques et musulmans.
Le soutien de personnalités politiques comme Léon Blum et René Mayer est particulièrement important. La campagne des sionistes pour un vote de la France en faveur du plan de partage est couronnée de succès. Mais ils ne parviennent pas à mobiliser les Français en faveur d’un soutien actif au plan de partage. Les envoyés sionistes ne se rendent pas compte à temps de l’intention du gouvernement français de retirer leur soutien à ce plan.
Les Israéliens considèrent avoir fait le maximum de concessions aux Français en ce qui concerne les institutions françaises et les droits des ressortissants français en Israël.

La question de l’internationalisation de Jérusalem devient un autre sujet de discorde entre Israël et la France. Il est vrai qu’au début, les dirigeants sionistes acceptent l’idée de l’internationalisation parce qu’elle figure dans le plan de partage. Mais au fur et à mesure de l’amélioration de la situation militaire d’Israël, ses dirigeants font peu à peu marche arrière jusqu’à retirer leur soutien au projet d’internationalisation, arguant qu’au plus fort des combats la ville juive a été abandonnée à elle-même par les Nations unies et les pays chrétiens et que ce n’est que grâce à l’esprit de sacrifice de ses habitants juifs qu’elle a été sauvée de l’invasion arabe. Israël fait aussi valoir que la ville juive n’englobe pratiquement pas de lieux saints. Cependant, Israël se déclare prêt à garantir la sécurité des lieux saints sur le territoire sous son contrôle ainsi que la liberté d’accès à ces lieux.
À un certain moment, les dirigeants israéliens essaient de parvenir à un accord avec le Vatican sur la question de Jérusalem, mais ces tentatives restent lettre morte de par la répugnance du Vatican à conclure un accord avec les sionistes.
Pour les juifs de France, lorsque l’Etat d’Israël est proclamé en Mai 1948, c’est la satisfaction générale après la Shoah et l’esprit de « revanche »  qui domine.
Mais il y a aussi de la réticence et de l’ambivalence : l’identification aux pionniers n’a pas eu lieu, l’attachement à Israël est-il  compatible avec la citoyenneté française ?

 Si une grande partie des juifs français manifeste une discrétion envers Israël, ils expriment aussi un contentement et une fierté silencieuse. En public, sur leur lieu de travail, les juifs parlent peu d’Israël. Ils en font un pan leur vie privée. S’ils vivent une relation ambiguë avec Israël, il n’en est pas de même entre les deux Etats. Sous les gouvernements de la Quatrième République (1947-1958), les options pro- israéliennes sont très claires. (A suivre.)

4 . Le rapprochement judéo-chrétien après 1945

[1] Voir notre précédent article Les juifs de France (2)
[2] Instance créée en 1808 à l’époque de l’Empire.
[3] Le American Jewish Committee (« comité des juifs américains ») a été « fondé en 1906 avec le but de regrouper toutes les composantes juives américaines pour défendre le droit des juifs du monde entier.
[4] Tsilla Hershco, Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l’État d’Israël, 1945-1949 (préface Shimon Peres, traduction Claire Darmon), éditions Honoré Champion, coll.« Bibliothèque d’études juives » (no 16), série « Histoire » (no 12), 2003, 296 p.(ISBN 2-7453-0678-2).

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