Son corps a été retrouvé dans une voiture, le 26 juin, au bord d’une plage à Ashdod (Israël). Suicide par médicaments. Esty Weinstein issue du monde orthodoxe avait disparu depuis six jours. Cette habitante d’Azoz, au sud-est de Tel Aviv, a laissé un mot. « C’est dans cette ville que j’ai donné naissance à mes filles, et c’est dans cette ville que je meurs à cause de mes filles. »

Esty Weinstein n’est pas une ligne statistique de plus dans la colonne des personnes tourmentées ayant décidé d’en finir. Son histoire a pris une résonance nationale, en raison de son parcours et de ses origines orthodoxe: il y a huit ans, cette mère de famille avait quitté ses enfants, son mari, et surtout sa communauté hassidique, appelée Gur, l’une des branches les plus fanatiques des ultra-orthodoxes juifs.

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Carcan

Les funérailles ont été relatées par la presse. Il y avait beaucoup de fleurs, de la musique et des chants, conformément à sa volonté. La cérémonie sortait de l’ordinaire. D’un côté, les laïcs, l’entourage le plus récent de la défunte ; de l’autre, les religieux, notamment ceux qui avaient rompu tout lien avec elle après son départ.

Parmi ces derniers, les propres filles d’Esty Weinstein ont fait le déplacement. Elles sont au nombre de sept. Une seule avait suivi son exemple et abandonné le carcan communautaire. Les autres ont cessé tout contact avec leur mère.

La plus âgée, Racheli, a pris la parole. « Nous n’oublierons pas ce jour amer, dans la précipitation, où tu as quitté ta maison. Nous avons mendié des explications, nous avons demandé à t’accompagner, mais tu nous as tourné le dos », a-t-elle dit.

Drame familial ou communautaire ? Les deux sont entremêlés, donnant une dimension puissante au suicide de cette femme en colère. « Accomplissant sa volonté » est le nom du manuscrit de 183 pages qu’Esty Weinstein a laissé derrière elle.

Il raconte son parcours, ses tourments, sa profonde insatisfaction en raison de la camisole religieuse imposée aux membres du Gur. Le texte s’épanche aussi sur sa relation tordue avec son mari, qui ne l’appelle jamais par son prénom, conformément aux règles.

« Nous ne savions pas que tu souffrais autant »

« L’un de ses problèmes essentiels était qu’elle avait perdu sa dignité, une forme de respect vis-à-vis d’elle-même et de son corps, explique son frère Israel Irenstein, par téléphone de New York, où il vit. A la fin de leur mariage, son mari l’avait poussée à aller dans des salons de massage et à se donner devant lui à d’autres hommes. » Elle avait même tenté de mettre fin à ses jours avant de quitter la communauté.

Selon Israel Irenstein, sa sœur « n’avait pas l’intention de distribuer son manuscrit. Elle voulait que ses filles le lisent un jour, pour comprendre qu’elle n’était pas la seule mauvaise personne dans cette histoire. Ce qui l’a dévoré de l’intérieur, c’est qu’elle avait tout perdu en sortant de son mariage et de la communauté, alors que son ancien mari, sans la moindre égratignure, s’était remarié et avait un nouvel enfant. »

Le frère d’Esty Weinstein, impliqué à New York dans le réseau d’aide aux ultra-orthodoxes voulant quitter leur communauté d’origine, est resté en contact avec ses parents, très connus dans le monde Gur.

Il y a quelques jours, la mère, Yehudit Irenstein, a écrit une lettre émouvante à sa fille défunte, après la période de deuil. « Nous ne savions pas que tu souffrais autant, y dit-elle. Tu étais une femme belle et sage, une femme pleine de bonté et d’empathie. » Yehudit Irenstein le reconnaît : « Quand tu as quitté le giron de l’observance religieuse, nous avons espéré qu’un jour, tu reviendrais. »

Sexualité encadrée

La communauté Gur suit des règles particulièrement restrictives en matière de relations homme-femme. Des règles qui s’appliquent aussi aux couples mariés. Un mari et sa femme doivent par exemple respecter une distance de plusieurs mètres entre eux en marchant dans la rue.

Les relations sexuelles sont sévèrement encadrées et limitées. Avant le mariage, aucune interaction n’est permise avec les personnes de l’autre sexe. Les jeunes adultes sont des handicapés de la communication et de l’échange, ignorants et frustrés, placés sous l’autorité stricte des rabbins.

Il y a quelques semaines, sur Facebook, d’anciens membres de la communauté ont cherché à établir la liste de tous les interdits pesant sur les jeunes hommes célibataires. Ils en ont recensé 104. Par exemple, deux jeunes hommes n’ont pas le droit d’être assis sur le même lit ou d’être seuls dans une pièce. Il ne faut pas se doucher à la maison, seulement dans les bains rituels, mais sans savon, en dehors du vendredi du shabbat. Il ne faut pas lire de journaux, fumer, utiliser du déodorant, faire du vélo, aller à la plage.

Piotr Smolar Le Monde.fr
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