Les médicaments anti-inflammatoires peuvent freiner la progression du cancer du sein, d’après des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv.
Une étude réalisée sous la direction du Prof. Neta Erez, chef du Département de pathologie de la Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, par les Dr. Nour Ershaid et Yoray Sharon, a révélé comment les cellules du cancer du sein ‘trompent’ le système immunitaire en détournant à leur profit le processus inflammatoire normal destiné à guérir les blessures et lésions tissulaires. Sur la base de cette découverte, les chercheurs proposent une méthode innovante de traitement du cancer consistant à utiliser des médicaments bloquant le mécanisme inflammatoire pour inhiber le développement des métastases.

« Le cancer est un ennemi sournois qui parvient à ‘tromper’ l’organisme et mobiliser ses ressources pour ses besoins propres », explique le Prof. Erez. « Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur des cellules du tissu conjonctif appelées fibroblastes, ou cellules de soutien, qui résident notamment dans le derme et en assure la cohérence et la souplesse. Dans des conditions normales, les fibroblastes jouent un rôle majeur dans la cicatrisation des plaies et lésions tissulaires, mais des études réalisées ces dernières années ont montré qu’elles sont également liées aux processus inflammatoires favorisant le cancer. Nous avons voulu vérifier si ces fibroblastes se mobilisaient effectivement pour aider le cancer, et si oui par quel mécanisme ».

Comment les cellules cancéreuses ‘trompent’ les cellules saines

Pour ce faire, les chercheurs ont prélevé des cellules de fibroblastes sur des souris femelles dans trois situations différentes: sans cancer, avec une tumeur débutante et avec tumeur avancée envoyant des métastases dans les poumons; puis ils ont examiné la présence de diverses protéines dans les tissus dans les trois cas. « Dans les fibroblastes prélevés sur les souris malades, de même que sur près de 80 femmes atteintes d’un cancer du sein, nous avons découvert à notre grande surprise une surexpression de protéines indiquant un processus inflammatoire appelé ‘inflammasome' », explique le Prof. Erez. « Ce processus bien connu permet aux cellules immunitaires de détecter les dommages tissulaires et d’appeler un renfort de cellules immunitaires pour produire une inflammation qui combat les lésions. Mais jusqu’à présent, on n’avait jamais observé ce complexe de protéine dans des fibroblastes ».

Pour corroborer cette découverte surprenante, les chercheurs ont exposé des fibroblastes provenant d’un sein en bonne santé à une variété de substances signalant des lésions tissulaires, y compris un liquide prélevé sur une tumeur cancéreuse. Dans tous les cas, les fibroblastes ont réagi et exprimé des protéines indiquant la voie inflammasome. Un autre test a également montré une inflammation des fibroblastes en réponse à une plaie cutanée.

« Nous avons réalisé que nous avions découvert une action des fibroblastes jusque là inconnue: ils savent comment détecter les lésions tissulaires et créer une voie inflammatoire qui appelle les cellules du système immunitaire à arriver en masse », explique le Prof. Erez. « Dans le cas du cancer du sein, l’environnement tumoral se caractérise par une mort cellulaire élevée et des dommages importants aux tissus sous-jacents. Les fibroblastes reçoivent les signaux moléculaires qui proviennent des tissus affectés et produisent un processus inflammatoire autour d’eux. Nous avons donc voulu voir si l’infection servait réellement le cancer, ou en d’autres termes s’il existe un mécanisme au moyen duquel la tumeur cancéreuse ‘trompe’ les cellules saines et les mobilise en sa faveur ».

De futurs médicaments

Pour examiner cela, les chercheurs sont retournés au modèle murin et, par des moyens de génie génétique, ont bloqué la production des protéines inflammatoires dans les fibroblastes. Les résultats ont été clairs: l’obstruction du mécanisme inflammatoire a retardé le développement de la tumeur et même diminué le nombre de métastases. « On peut en conclure que le mécanisme inflammatoire épaule réellement le développement du cancer et, plus encore, qu’il aide à contrôler à distance la progression métastatique dans d’autres organes », explique le Prof. Erez.

Comment cela se produit-il ? Tout d’abord, dit-elle, la tumeur elle-même utilise des facteurs de croissance présents pour aider à la cicatrisation des tissus endommagés. En outre, le mécanisme inflammatoire rend les vaisseaux sanguins plus perméables pour permettre au plus grand nombre possible de cellules du système immunitaire d’atteindre rapidement la zone affectée (c’est la raison de l’enflure et de la rougeur que nous reconnaissons tous comme une inflammation). Les cellules cancéreuses utilisent ces vaisseaux sanguins rendus perméables pour pénétrer facilement dans la circulation sanguine, se déplacer et s’installer dans d’autres organes.

« Nous avons découvert un mécanisme jusque là inconnu dans les fibroblastes en général et ceux du sein en particulier: comme les cellules du système immunitaire, ils sont également capables de détecter les lésions tissulaires et d’activer une voie inflammatoire qui mobilise ces cellules vers le site affecté », conclut le Prof. Erez. « Nous avons également constaté que cette réaction normale est utilisée par la tumeur cancéreuse du sein pour alimenter son développement et envoyer des métastases à d’autres organes (cette fois, nous nous sommes concentrés sur les poumons; dans notre étude suivante, nous examinons l’effet du mécanisme que nous avons trouvé sur le développement des métastases osseuses). Nous pensons également que ce mécanisme constitue la base d’une nouvelle approche de traitement du cancer du sein qui utilisera de futurs médicaments pour bloquer la voie inflammatoire dans les fibroblastes et réduire la tumeur et même prévenir les métastases. Ce type de traitement pourra être administré aux femmes ayant subi une chirurgie pour l’ablation d’une tumeur du sein afin de prévenir la récidive métastatique de la maladie. Nous pensons également que la méthode pourra convenir à d’autres types de tumeurs cancéreuses ».

Photo: Le Prof. Neta Erez et le Dr. Nour Ershaid (crédit: Robert Hoffman).

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