Une étude récente montre un réel malaise chez les juifs de France, 34% d’entre eux se sentent menacés au quotidien et 84% des 18-24 ans ont connu un acte antisémite. L’antisémitisme a trouvé dans internet et les réseaux sociaux, la plateforme moderne d’expression de la haine viscérale des juifs et d’Israel.  L’affaire Dreyfus, va dévoiler les dérives de l’âme humaine et prouver que même en France, « cher pays de mon enfance », pays de liberté individuelle, d’égalité et de fraternité, les sentiments anti-juifs n’ont pas disparu.

L’émancipation n’a pas réussi à extirper la vieille haine d’une Europe chrétienne.  L’assimilation des juifs aux Gentils a engendré trois sentiments incontrôlables : la peur, la jalousie et la haine.«Ce peuple, il vit solitaire, iI ne se confondra point avec les nations. » Nombres 23.9 déclarait Balaam prophète des nations engagé par le roi de Moab pour maudire Israel.  Dans la Bible Genèse 4 :9 « L’Eternel dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répondit : Je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ? »

Dieu nous pose cette question, aujourd’hui, à chacun d’entre nous : prenons-nous soin de nos frères restés en France ?

Le Midrash Tanhouma, nous dit : « Israël n’est sauvé que lorsqu’il est uni. » La terre d’Israël a toujours été le port d’attache de la conscience Juive. Pour certains, l’appel de Sion sera entendu. Reste à constater qu’il y a une dissonance cognitive entre leur conscience nationale et leur espoir de renouer avec leur passé historique dans leur pays. La question se pose alors pourquoi tous les juifs ne quittent-ils pas la diaspora ?

La psychologie sociale peut nous aider à examiner ce que j’appellerais « la dissonance cognitive juive ». Elle est remarquable parce qu’elle décrit bien la tension interne propre aux systèmes de pensées, entre une pensée juive et sa confrontation avec les pensées gréco-romaines et les conceptions philosophiques comme celle de Descartes (1596-1650) qui pose la pensée comme critère de l’existence, avec sa formule :«je pense, donc je suis » devenue dans un discours de Th. Herzl au deuxième congres sioniste (1898) : « Je souffre, donc je suis ».

Être juif c’est supporter le paradoxe de l’esprit de la tradition et de la modernité. La dissonance s’aggrave chez le juif quand il doit défendre ses croyances en Dieu et affirmer Son existence. La question portera donc sur le judaïsme et sa légitimité philosophique face à une obsession prosélyte acharnée à nous convertir. Éloignés de notre foyer national et soumis à un environnement hostile, le juif a su s’adapter aux circonstances. Contrôle de ses émotions et adoption de nouvelles attitudes. Ce constat n’explique pas pourquoi nos frères continuent à subir l’infamie de l’antisémitisme et de l’exil et à ne pas retourner dans leur pays ?

Le religieux justifie le paradoxe de l’exil en arguant qu’il est temporaire et qu’il ne prendra fin qu’avec l’avènement du messie. Certains juifs diasporiques sacralisent la Galouth en s’accrochant à une interprétation controversée du récit talmudique Ketoubot 111.a sur le serment « Sod ha Chevouah » de ne monter en Israel que sous certaines conditions. Volonté de Dieu pour les uns et bonne volonté de l’esprit libéral pour les autres, ce sont deux types de juifs qui se caractérisent par une incapacité à prendre des initiatives pour changer le cours de l’histoire juive. Maïmonide nous rappelle que l’homme est pleinement responsable de ses actes; il ne peut attribuer ses souffrances à Dieu et ne doit s’en prendre qu’à lui-même.

Le président allemand Steinmeier avoue au forum de la Shoah « que la haine se répand » et d’ajouter avec les chefs de file du monde démocratique : « Plus jamais ça ! ». L’antisémitisme grossier et assassin se cache sous une prétendue critique de la politique israélienne. Le problème, quand on a déjà été victime d’un phénomène génocidaire, c’est qu’on devient plus prudent, voire trop défiant face à un danger du même type.

Les mots apaisent mais quand on a une épine au pied le mieux c’est de l’enlever sans discourir. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit un vieux proverbe ; le juif trompé par les empereurs et les seigneurs de l’histoire n’écoute plus rien. Il se doit de se méfier de leurs promesses même s’ils sont sincères.

« L’avenir n’est pas ce qui va arriver », affirme Bergson,(1859-1941)« mais ce que nous allons faire ». David Ben Gourion, confirmait : « Notre avenir ne dépend pas de ce que disent les Gentils, mais de ce que les Juifs feront » Le moment n’est plus à la rhétorique ni à l’éloquence du verbe mais à la grâce de l’action. Je vous en propose une, celle de Caleb Nombres 13.30 « Montons, emparons-nous du pays (Israel), nous y serons vainqueurs ! ».

Prosper Abraham ABITBOL
Kehila francophone Torat Moshe Tel Aviv
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