PARASHAT EKEV 5780Vendredi 07/08/2020 – Yom Chichi 17 Av 5780
horaires Ashdod entrée  19 h 12 – sortie 20 h 11

COMBIEN COUTE UN PAS ????

Ce petit mot de trois lettres qu’est le vocable Akev עקב a retenu l’attention de pratiquement tous les exégètes.

Le mot akev signifie talon. En changeant les voyelles et en prononçant « ekev » la signification change et devient différente cela peut signifier « à cause de » ou cela peut signifier « en raison de » ainsi, à cet endroit, la phrase signifie que si le peuple respecte les lois, ‘mishpatim’, en compensation, le peuple, recevra une récompense.

Ekev désignant le talon soit l’extrémité de notre corps, propose ainsi une allusion, si vous gardez les lois, au bout du compte, vous recevrez une récompense.

Or, les Sages ne nous ont-ils pas enseigné (Pirké Avoth) de nous astreindre à appliquer les lois sans espoir de récompense ? Dans ce domaine, en réalité, nous nous retrouvons face à un véritable dilemme car lorsque nous parlons de récompense nous l’entendons avec un effet immédiat alors que les exégètes font comprendre que cette récompense aura lieu avec un « effet-retard » ….

Le KeliYakar[1] souligne que dans le texte il n’est question que des mishpatim et pas des houkim car, dit-il, si nous sommes astreints à appliquer des houkim qui  ne tombent pas sous le sens donc, à plus forte raison nous devons nous astreindre à observer ce que nous pouvons essayer de comprendre et plus nous y mettons du nôtre, et plus nous embellissons la mitsva et plus grande sera notre récompense.

Pour la plupart des commentateurs  le mot « ekev » enseigne qu’il n’appartient pas à l’homme de faire un tri parmi les 613 commandements parmi lesquels se trouvent des mishpatim que nous comprenons et des houkim que nous ne comprenons pas et devons assumer d’emblée. De même, il ne nous appartient pas de savoir quelle sera la récompense qui sera attribuée à chacun pour son obéissance et son zèle à appliquer les lois.

L’approche du Rav Yossef Patsanowsky[2] de Pawionitz dans son livre Pardess Yossef est très fouillée et, de ce fait, paraît très attachante. Il fit le décompte des lettres de Ekev pour arriver à la somme de 172 qui est le nombre des lettres contenues dans le décalogue et, non seulement cela, il prétend que dès la parashat Hayé Sarah, la Torah fait allusion au Décalogue en ceci : lorsqu’Eliezer, l’esclave d’Abraham, se rendit à Haran pour en ramener la future épouse d’Isaac, et, lorsqu’il s’avéra que sa rencontre avec Rivka[3] était la bonne, il sortit de son sac une boucle d’or et deux bracelets ;  la Torah, dont nous savons qu’elle n’utilise pas de mots inutiles, précise que la boucle était en or et qu’il y avait deux bracelets. Or par le fait que le mot bracelet est au pluriel nous comprenons fort bien qu’il y en a au moins deux en ce cas pourquoi préciser ? Pour le Pardès Yossef, il est tout-à-fait clair que ces détails font référence au Décalogue : le « nezem » (la boucle) pesait « béka » zahav (בק »ע זהב) soit 172 grs (?) en rapport avec les 172 lettres du décalogue, 2 bracelets qui se portent ensemble comme les deux tables de pierre qui ne se séparent pas et chacun pesant 10 (grs?) comme les 10 Paroles… et, de même que la Torah fournit des détails, il importe que l’homme consacre une attention extrême sur des détails qui forment un tout : ainsi le respect dû aux parents est un macrocosme composé d’une infinité de microcosmes et chacun d’eux doit être peaufiné afin d’en faire une perfection.

Dans les différents midrashim, nos grands sages nous font remarquer à travers les arcanes de l’Histoire un certain nombre d’enseignementsconcernant des récompenses accordées à des personnages non-juifs pour leur conduite vis-à-vis d’HaShem lui-même ou vis-à-vis de nos Patriarches. Par exemple :

Dans la Meguilat Ruth, la deuxième belle-fille de Noémie se nomme Orpa car, les Sages expliquent on a vu sa nuque (en hébreu, nuque se dit oref) lorsqu’elle a  quitté sa belle-mère… Sa nuque et non pas ses talons !!! Nous reviendrons sur cette idée dans quelques instants.

Dans les Psaumes 126, 6, le roi David chante : הָלוֹךְ יֵלֵךְ, וּבָכֹה– נֹשֵׂא מֶשֶׁךְ-הַזָּרַע:בֹּא-יָבֹא בְרִנָּה– נֹשֵׂא, אֲלֻמֹּתָיו. Soit : C’est en pleurant que s’en va celui qui porte les grains pour les lancer à la volée, mais il revient avec des transports de joie, pliant sous le poids de ses gerbes.

Ekev ou Akev c’est en quelque sorte poser un pied en avant sur le sol pour avancer  non seulement pour marcher mais pour évoluer, pour avancer et progresser. Lorsqu’HaShem a ordonné à Abraham LEKH LEKHA c’est non seulement pars, mets- toi en route mais l’idée est aussi de se faire un chemin pour aller de l’avant, pour se faire un chemin et chaque pas fait dans cette direction est un pas qui rapportera une récompense. Si le pharaon a eu une récompense pour avoir accompagné Abraham vers sa dernière demeure, si, beaucoup plus tard, l’Ange Gabriel empêcha Nabuchodonosor de faire plus de 3 pas et reçut sa récompense à ce sujet[4], à plus forte raison, Abraham qui voua sa vie au Créateur reçut-il une récompense en « allant » devant le Saint béni soit IL !

Ce qui revient à mettre en évidence que celui qui fait certains pas en retire un bénéfice.

On cite ainsi que lorsqu’Eglon, roi de Moav a reçu un messager qui se réclamait d’HaShem, Eglon, se leva de son trône par respect pour l’Eternel, imprégné de crainte révérencielle pour le Maître du Monde. Son salaire/récompense fut que par l’entremise de l’une de ses filles[5], un roi règnera sur Jérusalem : Salomon descendant de Ruth.

De même, font remarquer les Maîtres du Midrash, lorsqu’arriva le temps où Abraham rejoignit ses pères, le pharaon d’Egypte se joignit aux obsèques et il fit 4 pas après la dépouille mortelle du Patriarche ces 4 pas lui furent « remboursés » pourrait-on dire par le fait que les descendants d’Abraham furent exilés en Egypte 400 ans[6].

Que cela signifie-t-il ?  Si HaShem demande de nous souvenir du shabbat pour l’observer cela signifie qu’il nous appartient de nous accrocher aux moindres détails qui composent l’observance du shabbat pour nous en délecter. Et, même si le fait de tirer un délice du shabbat consiste à faire quelques pas de plus pour entendre une meilleure drasha ou si nous devons consacrer des efforts supplémentaires pour faire en sorte que shabbat soit encore plus beau que d’habitude, le Saint béni soit IL pour Lequel tout est visible  prend tout en considération. Et, si nous avons 613 commandement devant nous, nous pourrions nous spécialiser dans l’un d’eux au moins pour pouvoir jouir d’une bonne place dans le monde futur …

Caroline Elishéva REBOUH

 

[1] Rabbi Shlomo Ephraïm de Lountshitz né en Pologne en 1550 et mort à Prague en 1619.

[2] Né en 1875 en Pologne et mort en 1942. Il était négociant en bois pour préserver sa parnassa (gagne-pain) et le reste du temps il le consacrait à l’étude de la Torah et à la rédaction de livres sur la Torah.

[3]Eliezer avait demandé à D de le guider dans son choix et d’après sa demande au Créateur, la jeune-fille à laquelle il demanderait à boire, devait lui répondre : bois et je puiserai aussi pour tes chameaux.

[4]

[5] Ruth et Orpa étaient les filles d’Eglone.

[6] On se souviendra du fait que lors de la « brith beynhabetarim » lorsqu’Avraham se trouva entre les « morceaux », HaShem prévint le patriarche du fait que sa descendance serait exilée dans un pays étranger (בארץ לא להם).