thuramOn ne présente plus Lilian Thuram dont la prestigieuse carrière de footballeur lui vaut une renommée internationale. Cet ancien Français de l’étranger est désormais connu pour son engagement sans faille dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, champ d’action cher à notre association. En ce début d’année, il a accepté de nous rencontrer pour nous parler des projets menés par la Fondation Lilian Thuram, éducation contre le racisme qu’il a fondée en 2009. Entretien.

Français du monde-adfe : Depuis la victoire de la France lors de la Coupe du Monde de 1998 qui a célébré la France « black-blanc-beur », est-ce que la société française ne vous paraît pas être de plus en plus proie aux discriminations ?

Lilian Thuram : Pour réfléchir à l’évolution de la société française, je pense qu’il faut voir les choses sur du plus long terme. Effectivement, la victoire de 1998 a été quelque chose d’extrêmement positif pour le vivre ensemble. Après, bien évidemment, il y a eu la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002… Mais je ne pense pas que la société française devienne de plus en plus discriminante. Au contraire, depuis 1998, il y a beaucoup plus de débat autour du bien vivre ensemble, autour de l’égalité, du questionnement historique qui fait que certains ont encore aujourd’hui des préjugés sur certaines personnes. C’est bon signe.

Je rappelle toujours que mon grand-père est né en 1908, soixante ans après l’abolition de l’esclavage. Ma mère est née en 1947, pendant la colonisation, et moi en 1972, pendant l’Apartheid en Afrique du Sud. On voit bien que les choses ont changé de façon extrêmement positive. Je pense que les jeunes générations vont grandir avec un autre imaginaire, une autre façon de penser et de définir l’identité française. C’est ce qui est le plus important. 

Fdm : Est-ce votre histoire personnelle qui vous a motivé à créer votre fondation Education contre le racisme, d’ailleurs avant d’avoir mis un terme à votre carrière de footballeur professionnel ?

L.T. : Absolument. Je suis de la Guadeloupe et je suis arrivé en région parisienne à l’âge de neuf ans. A l’époque, il y avait un dessin animé avec deux vaches. Une vache noire, très stupide, qui s’appelait La Noireaude, et une vache blanche très intelligente, Blanchette. Certains de mes camarades m’appelaient « la Noireaude » et cela m’attristait. Je ne comprenais pas pourquoi la couleur noire était chargée aussi négativement. J’ai posé la question à ma maman qui m’a répondu que c’était comme ça, que les gens étaient racistes et que ça n’allait pas changer.

Fort heureusement j’ai rencontré des personnes tout au long de ma vie qui m’ont expliqué que le racisme était avant tout une construction politique, intellectuelle, et qu’on pouvait la déconstruire. Moi je pense qu’il faut expliquer, éduquer, pour que nous prenions conscience de nos préjugés. Comme je dis souvent, on ne naît pas raciste, on le devient.

Fdm : Quels sont les projets portés par votre fondation ?

L.T. : Le projet de la fondation, c’est d’éduquer contre le racisme mais c’est avant tout une réflexion sur l’égalité. Il y a effectivement le racisme, lié à la couleur de la peau, mais aussi le sexisme, le fait que l’on enferme les personnes dans leur religion ou selon leur sexualité… C’est toujours la même construction intellectuelle : il y aurait des personnes supérieures à d’autres. C’est d’actualité ! En 2013, il y a des gens qui descendent dans la rue pour dire que d’autres ne méritent pas les mêmes droits que tout un chacun !

Il faut se questionner : quel conditionnement vous amène à tenir un discours qui refuse l’égalité à certaines personnes selon leur sexualité ? Il faut apprendre aux enfants à détecter ce rejet de l’autre. Avec la fondation, c’est ce que nous essayons de faire. Par exemple, le livre « Mes étoiles noires », sorti en 2010, avait pour but de faire s’interroger les lecteurs : la grande majorité d’entre nous a entendu parler de la population noire pour la première fois par le biais de l’esclavage. Cela ne nous positionne-t-il pas dans une direction négative ? Il faut enrichir nos connaissances pour changer notre façon de voir. […]

Un DVD pour éduquer contre le racisme

La Fondation Lilian Thuram, la MGEN et la CASDEN se sont associées pour créer un double DVD dédié aux enseignants qui souhaitent mener une réflexion collective avec leurs élèves sur le thème du racisme. Destiné principalement aux classes de CM1-CM2, ce double DVD peut être envoyé gracieusement aux enseignants intéressés. Le programme éducatif « Nous Autres » est conçu comme une séquence de recherche et de réflexion collective entre les enseignants et les élèves. Il propose aux enseignants des ressources documentaires, une démarche pédagogique et des documents pour la classe, afin de les aider à apprendre aux enfants à rejeter les préjugés, les stéréotypes et les évidences trompeuses. Les sections Français du monde-adfe et les enseignants souhaitant se procurer ce DVD pour organiser une activité sur ce thème peuvent prendre contact avec le siège de l’association en écrivant à melina@adfe.org.

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