320px-DSC_6284D’une certaine manière, le Messie descendant de David est porteur des maux de l’humanité (idolâtrie, meurtre, inceste)[1]pour les dominer et les soumettre. Ainsi, l’acte des filles de Lot, dont le nom signifie: «malédiction» en araméen, commettant l’inceste avec leur père, est réparé par Ruth la Moabite, qui prend sur elle de mettre au monde par lévirat, l’ancêtre de David. Elle confirme le lévirat imposé par la ruse à Juda par Tamar, sa belle-fille, dont les deux maris, tous deux frères et fils de Juda, sont morts sans postérité. Ruth la Moabite, en s’attachant à Naomi, quitte non seulement son pays, sa ville et la maison de son père, mais ses dieux:

«כִּי אֶל אֲשֶׁר תֵּלְכִי אֵלֵךְ וּבַאֲשֶׁר תָּלִינִי אָלִין עַמֵּךְ עַמִּי וֵאלֹהַיִךְ אֱלֹהָי» (רות א’, ט”ז);

«…car partout où tu iras, j’irai; où tu demeureras, je veux demeurer; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu» (Ruth 1, 16)

Elle ramène pour ainsi dire Lot, son ancêtre, au culte du Dieu d’Abraham, oncle de Lot et ancêtre de Juda.

Pourtant, à l’origine, toute la Création vue comme une entité indivisible est créée bonne:

«וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-כָּל אֲשֶׁר עָשָׂה וְהִנֵּה טוֹב מְאֹד» (בראשית א’, ל”א);

«Dieu vit que tout ce qu’il avait fait était très bien» (Gen. 1, 31).

Au cœur de la Création conçue bonne, un germe est introduit: le germe du Mal.

«וַיְצַו יְהוָה אֱלֹהִים עַל הָאָדָם לֵאמֹר: מִכֹּל עֵץ הַגָּן אָכֹל תֹּאכֵל וּמֵעֵץ הַדַּעַת טוֹב וָרָע לֹא תֹאכַל מִמֶּנּוּ: כִּי בְּיוֹם אֲכָלְךָ מִמֶּנּוּ מוֹת תָּמוּת» (בראשית ב’, ט”ז, י”ז);

«L’Éternel-Dieu donna un ordre à l’homme, en disant: “Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir;  mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras point: car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir!» (Gen. 2, 16-17).

En consommant de l’arbre interdit, l’homme en arrive non seulement à ne plus distinguer la Source première ni du bien ni du mal, alors confondus en une seule entité, mais à développer une vision dichotomique et partielle du monde. Rabbi Meir interprétant le texte biblique, a vu dans le mot «מאֹד» («très»), du verset (Gen. 1, 31), la création de la mort. (Bereshit Raba 9, 5). Au cœur même du Bien suprême, gît la possibilité de le détruire. Effectivement, le mot «מאֹד» est une inversion des lettres: «אָדָם» («homme»). Or, c’est un fait que l’homme, «couronne de la Création», possédant le terrible pouvoir du libre-arbitre, a introduit la mort et la destruction par ses actes négatifs.

L’introduction du libre-arbitre va amener l’humanité à détériorer cette Création bonne à son origine. Les scories du mal, mélangé au bien après la faute du Premier homme, vont pénétrer les premières générations de l’Humanité et croître sans aucune limite de conscience ou morale. Pourtant, au plus fort de cette dégradation éthique et spirituelle, se développe un germe par lequel l’humanité peut accéder au plus haut niveau éthique, celui que Dieu inscrit au cœur de la Création. La vision biblique ne relate donc point seulement une histoire des hommes mais informe l’humanité d’un programme visant à l’instauration d’un monde meilleur réparé de ses égarements passés. Malgré les guerres, la menace nucléaire et l’injustice sociale qui sévissent à travers le monde, le progrès moral de l’humanité est inéluctable. Le but de l’histoire, du point de vue hébraïque, consiste, à travers un long et patient processus de purification et de sanctification, non point à abolir le mal, ce qui est impossible car le mal est créé par Dieu, puisqu’Il a tout créé, mais à le transformer en bien en le ramenant à sa Source divine:

«יוֹצֵר אוֹר וּבוֹרֵא חֹשֶׁךְ עֹשֶׂה שָׁלוֹם וּבוֹרֵא רָע, אֲנִי יְהוָה, עֹשֶׂה כָל-אֵלֶּה» (ישעיה מ”ה, ו’);

«Je (Dieu) forme la lumière et crée les ténèbres, j’établis la paix et suis l’auteur du mal: moi l’Eternel, je fais tout cela» (Isaïe 45, 6)

En effet, le Mal est inhérent au progrès de l’humanité. S’il est combattu et écrasé, s’il est dominé, alors, le Bien n’en est que plus éclatant. L’ère messianique témoigne de l’aboutissement de ce retournement historique du mal en bien (la lumière emprisonnée dans l’écorce du mal est libérée uniquement par l’action positive de l’homme) et au retour de la vision unificatrice et holistique du  monde. Notre vision de la réalité, loin d’être partielle, brisée, saisira et englobera l’ensemble de la Création et l’Histoire en un Tout: comme Dieu, nous y verrons que tout כָּל) Kol) y est éminemment bien, y compris le mal («Dieu examina tout ce qu’il avait fait…» Gen.1, 31). Tel est le sens de la proclamation prophétique exprimée par le prophète Zacharie:

«וְהָיָה יְהוָה לְמֶלֶךְ, עַל-כָּל-הָאָרֶץ  בַּיּוֹם הַהוּא יִהְיֶה יְהוָה אֶחָד וּשְׁמוֹ אֶחָד» (זכריה ד’, ט’);

«L’Eternel sera roi sur toute la terre; en ce jour, l’Eternel sera Un et Unique sera son nom» (Zacharie 4, 9)

L’humanité, tout en distinguant le bien et le mal, atteindra à la suprême conscience que Dieu constitue la Source unique de ces deux principes opposés mais complémentaires. Le TaNa’Kh réfute la notion de manichéisme et soutient que l’idée de dissociation du mal de sa Source primordiale est à l’origine du désespoir consécutif à la décadence éthique de l’humanité. Pourtant, ce sont les zones d’ombre qui révèlent la lumière. Le mal s’avère donc comme une nécessité ontologique qui, dominé aux temps messianiques, comme en témoigne la prophétie de Zacharie, permettra à l’humanité d’accéder aux plus hautes sphères de l’éthique.

Dans notre prochain post, nous étudierons la figure du Messie comme celle d’Israël, le serviteur de Dieu.

Ani Maamine,  אֲנִי מַאֲמִין – Paroles de Maïmonide (12e – 13e  siècle de notre ère)

 

אֲנִי מַאֲמִין בֶּאֱמוּנָה שְׁלֵמָה בְּבִיאַת הַמָּשִׁיחַ
וְאַף עַל פִּי שֶׁיִּתְמַהְמֵהַּ
עִם כָּל זֶה אֲחַכֶּה לּוֹ בְּכָל יוֹם

Haïm Ouizemann

Haimo@eteachergroup.com
http://blog-fr.eteacherbiblical.com/

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