medecine_santeLe plus grand centre hospitalier du Proche-Orient, symbole de la cohabitation judéo-arabe, n’a plus assez d’argent pour le paiement des salaires.

Des malades du monde entier viennent se faire soigner à l’Hôpital Hadassah de Jérusalem : juifs et arabes, israéliens et palestiniens, touristes étrangers, etc. L’expertise de ses équipes médicales, la réputation de son personnel soignant, ses traitements innovants et ses installations modernes, confirment la devise que le centre Hadassah a fait sien : « la Médecine est un pont vers la paix ».

Et pourtant, quelque chose cloche au pays de l’excellence médicale : les déficits colossaux laissent planer un doute sur la viabilité à long terme de cette institution privée. Les 4.000 salariés en ont marre de vivre dans l’incertitude, avec des salaires reportés ou versés partiellement ; cette semaine, quatre membres du Conseil d’administration ont préféré remettre leur démission.

LA FAUTE À LA CRISE FINANCIÈRE INTERNATIONALE

C’est en 1939 que le centre médical Hadassah de Jérusalem a été créé par l’organisation sioniste américaine de femmes Hadassah (the Women’s Zionist Organization of America), elle-même fondée en 1912 par Henrietta Szold. Aujourd’hui centenaire, Hadassah a établi sa réputation d’institut de recherche de premier plan et de centre de traitement pour les cas médicaux les plus complexes.

Mais en 2013, Hadassah accumule un déficit consolidé de 1,3 milliard de shekels (300 millions d’euros) auquel s’ajoute un déficit courant de 300 millions de shekels par an. C’est à partir de 2005 que la situation financière d’Hadassah a commencé à tituber : avec la crise financière mondiale, les donateurs habituels ont réduit leurs contributions. Comme institution privée, Hadassah ne bénéficie d’aucune aide publique en Israël : elle vend ses services aux caisses de maladie qui, elles-mêmes, accumulent les retards de paiement.

UNE GESTION À RISQUE

Pour arrondir ses rentrées financières, Hadassah s’est d’abord lancé dans la médecine privée, permettant surtout aux médecins d’arrondir leurs fins de mois au détriment des malades les plus modestes. Récemment, c’est le tourisme médical qui explose : des touristes étrangers viennent en Israël pour y recevoir des soins médicaux payés comptant et parfois en espèces. Cette activité lucrative rapporterait des millions de dollars à Hadassah, mais détournerait une partie des ressources (installations et médecins) vers une médecine privée réservée aux malades les plus riches.

Reste la fuite en avant et, notamment, la poursuite des dépenses somptueuses qui vont alourdir le déficit de l’hôpital. Dernier exemple en date : l’inauguration en 2012 de la nouvelle Tour Davidson à Ein Kerem. C’est bien plus qu’un simple édifice : cette tour imposante compte 14 étages, avec une capacité de 500 lits et 20 salles d’opération, le tout équipé d’installations ultramodernes. Son coût ? Il s’élèverait à 100 millions de dollars financés par la famille Davidson et les dons privés.

LA NATIONALISATION COMME SOLUTION ?

Une conclusion s’impose : en 2013, un hôpital de cette taille ne peut assurer son développement en se basant uniquement sur la générosité des donateurs étrangers. Dans un monde moderne, un hôpital qui vit de la charité publique n’est pas un modèle de financement viable. Les gestionnaires qui se sont penchés à son chevet sont tous arrivés à la même conclusion : sans l’injection de fonds publics, Hadassah ne pourra retrouver les chemins de l’équilibre financier.

Fraichement nommé, son nouveau directeur général, Avigdor Kaplan, ne parvient plus à réunir les liquidités nécessaires au paiement des salaires. Depuis quelques semaines, il frappe désespérément aux portes du ministère des Finances à Jérusalem pour demander l’aide de l’Etat, mais en vain. En 2013, la santé n’a pas la priorité dans les dépenses publiques : c’est plutôt la privatisation des services médicaux qui est à la mode. Une aide massive de l’Etat, qui signifierait une nationalisation rampante de l’institution privée, n’est pas d’actualité. Même si l’Etat devra, tôt ou tard, mettre la main à son portefeuille.

Ce matin, les salariés d’Hadassah sortiront dans la rue manifester leur désarroi. Qu’ils se rassurent : un organisme de cette taille, qui emploie 800 médecins, 2.000 infirmières et 1.000 paramédicaux et autres professions, ne peut mettre la clé sous la porte ; un hôpital qui totalise chaque année 400.000 jours d’hospitalisation, 35.000 opérations et 4,3 millions d’examens médicaux, ne peut être mis en faillite. Les ministres israéliens des Finances et de la Santé n’ont pas d’autres choix que le sauvetage d’Hadassah.

Jacques Bendelac (Jérusalem) Israelvalley

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