Les fils d’Ariel Sharon en divulguant intentionnellement des bribes d’information, des photos inédites du couple Sharon, du Sharon grand-père, agriculteur, tentent de donner une autre image à la personnalité contrastée, complexe et controversée du onzième premier ministre d’Israël. Un Sharon, comme on ne le connaissait, pas. L’image est-elle exacte? Les historiens qui déchiffreront peut-être un jour, les archives privées, détenues par la famille Sharon, trancheront. Et aussi, même dans le romantisme, Sharon a été un bulldozer, peu soucieux du respect des coutumes et de la jurisprudence comme le montre l’histoire de la colline des anémones.

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La légende du couple modèle a toujours accompagnait Lily et Arik Sharon. Le couple était fusionnel et symbiotique. Dans une interview à la deuxième chaîne de la télévision israélienne quelques mois après la mort de sa femme, Sharon parle de Lily: « Nous étions des amis, une amitié profonde, indicible, inviolable nous liait. Et surtout Lily et moi, c’était une grande histoire d’amour. »

Le couple né dans la tragédie. Lily est la sœur de Margalit, la première femme de Sharon, morte dans un accident de voiture. Depuis, Lily Sharon reste aux côtés de Sharon , dans les moments de gloire, comme dans les tourbillons et les abîmes. Certains disaient même qu’elle jouait un rôle crucial dans la perception que Sharon avait de ses amis et de ses ennemis. Lily Sharon filtrait de main de maître. Thèse que Sharon a d’ailleurs souvent réfuté.

Il y a quelques jours, dans un témoignage qui a fait le tour du monde, l’infirmière en chef de l’hôpital Tel Hashomer raconte les larmes d’Ariel Sharon lorsqu’elle lui montrait une photo de Lily. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la famille a laissé l’infirmière raconter. La preuve que le coma n’était que partiel. La manière aussi de mettre en exergue, l’autre Sharon. Le mari, l’homme de famille, le fidèle, l’amoureux, le romantique.

La nuit, je regarde des films romantiques…

Les héritiers tentent aujourd’hui de  modeler l’image que Sharon laissera dans l’histoire. Faire oublier les déboires de la Guerre du Liban et autres aventures militaires meurtrières et mettre en exergue le chef militaire de génie et le précurseur d’un accord de paix. Et aussi l’homme, sensible, grand-père, amateur de musique et même de films d’amour. La radio israélienne a rediffusé un entretien d’il y a quelques années où Sharon, alors premier ministre raconte que ses films préférés sont des films romantiques, qu’il regarde tard dans la nuit, en revenant dans son ranch après une journée de travail à la présidence du conseil à Jérusalem.

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« Je ne puise pas ma force dans la vie politique » aimait raconter Sharon,  »mais dans ma famille, auprès de mes enfants, de ma femme. Je puise aussi ma force dans  la terre. Je suis d’abord un agriculteur. » Cette image de l’homme de la terre a accompagné les dernières années de Sharon. Des intimes de l’ancien premier ministre, génies en communication ont ainsi réussi à changer en quelques mois à peine, le bulldozer qui a entraîné Israël dans la boue libanaise, en un époux modèle et de plus amoureux, grand-père sympathique, homme du terroir, portant sur l’épaule un chevreau, admirateur des Beatles et de Mozart. Il est d’ailleurs exact, comme le montrent nombre de témoignages, que Sharon aimait la belle vie, l’esthétique, les belles maisons, celle de la vieille ville de Jérusalem, celle du Néguev, toutes deux décorées par sa femme, les restaurants gourmets etc.

Illégal et romantique jusqu’à la  mort

Vers la fin des années 90, Ariel Sharon se promène avec Lily dans les champs sauvages qui entourent le ranch.  » Nous parlions de la vie, du passé, de l’avenir » racontera Sharon quelques années plus tard à une journaliste du Yedihot.  « Et nous avons parlé aussi d’après, du lieu du dernier repos. Nous étions sur la colline des anémones, (la colline descalaniotcalanit, est traduit parfois en français par coquelicots, mais calanit est en fait une anémone) et Lily me dit brusquement: « Là sur cette colline, sur le haut de cette colline face à ce paysage, je voudrais que soit notre dernière demeure. »

Lorsque quelques années plus tard, Lily Sharon décède, Ariel Sharon, sans hésitation aucune,  inhume sa femme sur la colline des anémones, face au ranch familial. Sharon oublie qu’enterrer les morts dans la demeure familiale n’est pas une coutume juive et que de plus la loi israélienne l’interdit.

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La colline  est par ailleurs située dans un des grands parcs naturels du pays et donc propriété de l’Etat. Sharon réécrit une fois de plus la loi pour l’adapter à ses intérêts et à son désir quelque peu romantique d’inhumer sa femme au milieu des anémones qui fleurissent chaque année au printemps, sur cette colline qui surplombe un des plus beaux paysages de l’Israël du sud.  En quelques heures, sans obstacles aucun, les autorisations nécessaires sont obtenues.

Ce n’est que cinq ans plus tard, qu’un appel est déposé contre cette inhumation devant la Cour suprême. En rejetant l’appel, la Haute Cour évoque le laps de temps écoulé mais surtout soupçonne l’auteur de l’appel, Noam Federman, militant de l’extrême droite, de vouloir en fait protester contre la politique de retrait de la Bande de Gaza que menait alors Sharon. Lorsque Sharon meurt après huit ans de coma, personne n’a l’idée  – ou n’a osé – rappeler que la colline est un lieu public. L’image au fond très romanesque du leader reposant sur une colline fleurie du Néguev, serait-elle plus forte que le respect stricto sensu de  la loi ?

Par Katy Bisraor Ayache

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