Au moment où la confrontation armée entre les forces d’Israël et le Hamas prend le tour que l’on sait, les hôteliers d’Israël et les compagnies aériennes notent, semble t-il, un nombre significatif d’annulations. Celles-ci soulèvent un débat de conscience qu’il faut savoir engager.

Bien sûr nous vivons dans un monde où nul n’est en droit de dicter à autrui sa conduite. Mais pour faire sien ce principe, il faut être immergé dans l’univers asphyxiant du chacun pour soi, un monde dans lequel seul compte l’intérêt personnel et où la solidarité n’est qu’un principe verbal, valable uniquement lorsque tout va bien et qu’il n’est pas besoin d’en faire la démonstration concrète.

Il faut juste se demander si ce comportement, pour autant qu’il soit celui de la majorité d’un peuple, est compatible avec le fait pour ce peuple de disposer d’un Etat. A cet égard il faut lire où relire la magnifique allocution d’André Malraux pour le centenaire de l’Alliance Israélite Universelle à Paris en 1960, lorsqu’il rappelait le dialogue mémorable entre Haïm Weizmann et le grand poète Nathan Altermann.

Au successeur de Theodor Herzl qui rappelait « qu’on n’avait jamais offert à un peuple un Etat sur un plateau d’argent », le poète répond par ces mots :

«  Et alors d’en face paraîtront une jeune fille et un garçon,

Et nul ne dira s’ils sont vivants ou fusillés,

Et à pas lents ils marcheront à la rencontre d’Israël;

Israël alors s’interrogera, baigné d’incantations et de larmes:

« Qui êtes  vous? »,

Et les deux, apaisés, lui répondront:

«  Nous sommes le plateau d’argent sur lequel t’est donné l’Etat juif ».

Il ne s’agit pas ici de tomber dans l’emphase poétique ni de procéder à des confusions d’époques. Il s’agit de se demander si, toutes mesures de sécurité prises, il ne faut pas assurer, quoi qu’il en coûte en termes de confort personnel ou de vacances estivales, notre présence effective dans l’épreuve actuelle auprès des membres de nos familles, de nos amis, de nos collègues. Aujourd’hui le plateau d’argent s’est transformé en dôme de fer mais est-il imaginable que tandis que les uns doivent courir aux abris les autres arpentent les promenades de la Côte d’azur ou les solariums de Deauville?

Une autre considération vaut d’être soulignée. Jean-Jacques Rousseau a écrit quelque part: « De quelqu’un qui affirme: «  Je ne dois rien à personne », personne ne lui devra rien non plus ». Va t-il de soi, qu’après les tueries de Toulouse ou de Bruxelles par exemple, l’on considère que la Âlya soit la solution salutaire aux risques de la vie juive en diaspora, et qu’au moment du danger l’Etat d’Israël se retrouve seul?

Heureusement, à la pire époque de la seconde Intifada le judaïsme de France par ses actions de solidarité a su provoquer l’admiration de la population israélienne. Il ne saurait en aller autrement à présent une fois, répétons le, que les mesures de sécurité indispensables ont été prises, en suivant d’ailleurs les instructions des autorités responsables en Israël. Et par exception, dans cette chronique hebdomadaire vouée à l’éclairage des grands problèmes politiques contemporains, l’on nous permettra de citer le Zohar, lorsqu’il rappelle cet adage de la Sagesse hébraïque, justement à propos de la fraternité: « Les frères? C’est pour les temps d’épreuves qu’ils ont été créés ».

A méditer en tant que de besoin, puisque la fraternité fait aussi partie de la devise républicaine de la France.

Raphaël Draï
http://raphaeldrai.wordpress.com/

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