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Mort du guitariste de flamenco Manitas de Plata

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Le guitariste gitan Manitas de Plata est mort dans la nuit de mercredi à jeudi à l’hôpital de Montpellier, où il était hospitalisé depuis plusieurs jours, selon sa famille. Agé de 93 ans, il avait été placé en maison de retraite en août et il est décédé entouré de ses proches, a précisé sa fille Françoise.

De son vrai nom Ricardo Baliardo, il était né en août 1921 dans la roulotte familiale, à Sète, d’un père marchand de chevaux. Dès 9 ans, il maîtrise la guitare sans savoir lire une note, encouragé par son oncle. Dix ans durant, la musique sera un revenu d’appoint, généralement l’été, de cafés en terrasses.

Devenu Manitas de Plata (littéralement « petites mains d’argent » en espagnol, mais plutôt « doigts de fée ») le jeune Gitan commence à fréquenter Cocteau, Brigitte Bardot, Picasso et Dali. Le photographe Lucien Clergue le recommande à des producteurs américains qui le convaincront d’aller jouer à New York, où il triomphe au Carnegie Hall.

New York, le 24 novembre 1965. Un musicien français remplit le prestigieux Carnegie Hall, temple du classique et du jazz. La demande est telle qu’un nouveau concert est programmé le 4 décembre. Et un autre le 18. Comment Ricardo Baliardo, alors guitariste gitan analphabète de Montpellier, qui n’est pas une vedette dans son pays, a-t-il réussi pareil exploit? On peine aujourd’hui à imaginer ce que fut le succès planétaire de Manitas de Plata, qui s’est éteint paisiblement, mercredi, dans une maison de retraite de Montpellier. Son importance dans l’histoire de la musique populaire est double : il a fait connaître la guitare flamenca à un vaste public de non-initiés, avant d’ouvrir la voie à ses enfants, neveux et petits-enfants réunis au sein de Gipsy Kings.

« LA MUSIQUE ET LES FEMMES »

L’artiste, qui s’est également produit au Royal Albert Hall de Londres, a enregistré plus de 80 disques et vendu 93 millions d’albums pendant sa longue carrière. Il était considéré, par certains, comme le successeur de Django Reinhardt.

Manitas de Plata, que les belles femmes ne laissent pas insensible, par ailleurs amateur de grosses voitures et volontiers flambeur, consacre ses confortables revenus à l’entretien de ses proches. Jusqu’à 80 personnes vivaient de ses subsides, femmes, enfants, oncles, neveux…

En 2011, il racontait qu’il avait toujours vécu à fond ses deux passions, « la musique et les femmes ». « J’ai joué avec le cœur. J’ai toujours vécu au jour le jour », disait-il. Il confiera avoir « plusieurs femmes illégitimes », sans savoir exactement combien d’enfants il a engendré : entre 24 et 28. Mais le guitariste génial en a reconnu au moins treize…

Le succès de Manitas est en outre mal perçu par le monde flamenco andalou, ulcéré de voir un étranger recueillir des lauriers qu’ils estiment devoir revenir à un Espagnol. Mais Manitas séduit, non seulement avec sa musique vibrante et libératoire, mais aussi grâce à sa tignasse bouclée et ses traits virils, adoucis par un permanent sourire. C’est vrai qu’il avait fière allure. On lui prêtera une multitude d’aventures amoureuses et nombre d’enfants illégitimes, lui qui s’était marié selon le rite gitan, à 17 ans, trois ans de plus que son épouse. Son seul interdit : ne jamais coucher avec une femme gitane, en respect de la loi de sa communauté. Il aimait aussi les grosses cylindrées.

Il s’offrit une Rolls Royce mais n’en profita pas longtemps : il la perdra aux dés. Dans les années 80, son histoire se répète : les Gipsy Kings, groupe composé de ses enfants, petits-enfants et neveux et petits-cousins, conquiert le monde avec une musique très proche de la sienne.

Lui, après la mort de son alter ego José Reyes, se retire peu à peu des planches. Dans un documentaire attachant de Christian Passuello et Jacques Durand (1), on le voit égrener ses souvenirs et arpenter les plages désertes du littoral languedocien, l’hiver. Une méchante blessure à la main (tendon sectionné) l’éloignera définitivement de la guitare.

Le sort a fait disparaître Manitas de Plata la même année que Paco de Lucia, le seul guitariste de flamenco à avoir dépassé sa notoriété, celui aussi qui l’a démodé et fait oublier. Ricardo Baliardo ne fut sans doute pas un innovateur de la guitare flamenca, mais ses disques et les images de ses concerts montrent une force vitale foudroyante, presque sauvage, quand sa prodigieuse main droite faisait jaillir de sa guitare des brassées d’étincelles.

Sources : le monde et Libération

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