La récente visite de Manuel Valls à la Mosquée de Strasbourg, et la visite concomitante faite par Nicolas Sarkozy auprès des responsables de CFCM montrent qu’un consensus se dessine en France à propos de la place que l’Islam doit y occuper et des conditions de son intégration à la République française. Plusieurs conditions essentielles se dégagent à ce sujet. La première et sans doute la principale concerne la formation des imams et leur véritable fonction dans les lieux de culte dont ils deviennent les porte-paroles et parfois les propagandistes. Il faut faire en sorte désormais que des imams francophones se montrent parfaitement conscients des implications de la loi de 1905 sur la séparation des religions et de l’Etat. Selon la lettre et l’esprit de sa constitution, la France est une République démocratique et laïque. C’est mettre son existence en danger que de laisser s’y installer et se propager des formes plus ou moins anarchiques de théocratie. Il n’en va pas autrement pour le port du voile, notamment du voile intégral et de l’égalité effective homme-femme.

Par ailleurs, s’il importe que l’Islam de France se dote d’une représentation unitaire, elle aussi effective, c’est pour éviter que toutes les mouvances qui le constituent ne soient autant d’antennes des pays d’origine concernés, du Maghreb, du Machrek et d’autres pays plus lointains encore, souvent en lutte les uns contre les autres. Sans doute pour la première fois depuis plusieurs décennies les plus hautes autorités de l’Etat réalisent que faute de mesures rigoureuses et suivies d’effet en ce domaine c’est bien le régime républicain actuel dont l’existence est mise en cause, soit par l’action subversive et terroriste de l’islamisme djihadiste, soit par les contrecoups que cette action peut susciter dans la société française globale. Ce dimanche les avertissements de Manuel Valls avaient des sonorités de tocsin. Car il ne suffit pas de se lamenter face aux avancées électorales du Front National. Il faut aussi se demander à quelle sorte de menace, serait elle irrationnelle et confuse, cette progression correspond. Et y parer. En tout cela on voudra bien ne déceler aucune trace d’« islamophobie » pour employer ce vocable devenu élément toxique de la nouvelle langue de bois. Sans remonter jusqu’à la Révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685, il faut plutôt relire « L’Eglise et la République », l’opuscule d’Anatole France, pour mesurer ce que fut au début du XXème siècle la violence de l’affrontement entre la IIIème République et l’Eglise catholique en vue d’assurer les fondements d’une République laïque, de sorte que le monde ecclésiastique de l’époque affirme clairement son ralliement à un régime pluriconfessionnel, sans prétendre y exercer une emprise directe ou subreptice.

Quant aux Juifs de France, on l’a souvent souligné, la réunion du Sanhédrin par Napoléon en 1807 peut être considérée comme un véritable chantage à la citoyenneté exercée contre eux. Nul ne niera que la période actuelle ne soit ni simple ni confortable pour les Musulmans qui ont choisi de vivre en France et qui aspirent à en acquérir la nationalité, lorsqu’ils ne l’ont pas déjà obtenue. A tout prendre, les transformations auxquelles ils sont confrontés sont infiniment moins conflictuelles que celles dont il vient d’être fait mention pour d’autres confessions. En ce sens aussi, cette période ne devrait être vécue par eux sous les aspects d’une insupportable contrainte mais comme une véritable chance.

Et il ne faut plus trop tergiverser. Désormais le temps presse.

Raphaël Draï, Radio J, le 9 mars 2015.

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