PARASHAT MIKETZ, chabbat du 28-12-2019- Allumage Ashdod 16 h 24 – 17 h 26

DES REVES PLEINS DE SENS

Les rêves de Jacob et de Joseph sont pleins d’enseignements. Cependant, Abraham et Moïse parlaient à HaShem directement et non pas par l’intermédiaire d’un songe.

Dans le Talmud, l’on évoque les rêves. Certains grands prophètes recevaient leurs ordres de mission par l’intermédiaire de songes ou d’états seconds. Le Traité Haguiga enseigne qu’HaShem ne Se dévoile pas à l’homme physiquement mais IL peut lui dévoiler Ses résolutions ou simplement créer un lien avec la créature. Le mot hébraïque חלם rêver d’une valeur numérique de 78 n’est-elle pas équivalente au verbe révéler מגלה  ?  Le Saint béni soit-IL peut donc choisir d’avertir un humain de certains évènements à travers un songe. Cependant, encore faut-il pouvoir déceler la signification d’un rêve anodin à un rêve plein de sens….

Le traité talmudique de Berakhot confirme que certains rêves peuvent revêtir une signification mais la recommandation la plus importante est qu’un rêve non interprété est comme une lettre cachetée qui demeure fermée. Le Talmud enseigne que les rêves sont 1 soixantième de prophétie.

A une époque ancienne demeuraient à Jérusalem un nombre élevé de « spécialistes en rêves » et un Sage ayant fait un songe énigmatique se rendit chez l’un de ces spécialistes qui interpréta le songe  à sa façon. Et chacun des 24 savants lui donnèrent des sens différents, pourtant le rêve se réalisa avec 24 nuances différentes : tous avaient raison……

En règle générale, les Sages du Talmud conseillent lorsqu’on fait un rêve étrange de se confier au matin devant la mezouza et de s’exprimer ainsi : Kel Sha-day halom tov halom shalom (trois fois) j’ai fait un rêve cette nuit dont je ne connais pas les détails et la signification mais, fais qu’il se réalise en bien dans tous ses détails et dans son intégralité. Amen !

Lorsque Joseph voit en rêve les gerbes des frères se prosterner devant la sienne, le texte ne dit pas si ce jeune fils de Jacob avait deviné la signification de ces images qu’il avait aperçues pendant son sommeil  et en effet, ce sont les dix autres fils du patriarche qui donnèrent un sens à ce que leur frère exposa et ainsi fut de l’autre rêve….

Cependant, lorsqu’il dût interpréter les songes de ses compagnons d’infortune, il donna le sens exact de chacun des rêves prémonitoires. L’humilité de Joseph, lorsqu’appelé par le Pharaon qui le flatte et lui demande de révéler le sens de ces étranges songes, Joseph procède à un kidoush HaShem en proclamant que lui, personnellement n’est rien et que SEUL l’Eternel est apte à donner un sens à ces manifestations nocturnes.

David HaMelekh (le Roi David a la même démarche) en forçant ceux qui l’entourent à comprendre que Seul le Saint béni soit-IL est Maître des évènements et des destinées  a lui aussi, en son temps, fait un kidoush HaShem remarquable !!!

Joseph va se retrouver enfin hors du cachot, hors des ténèbres pour reprendre sa place en pleine lumière….

Miketz est, par excellence, la sidra de Hanoucca : la fête qui nous aide à nous souvenir que les Grecs ont voulu enfermer les Juifs dans un univers sans Torah : un univers de ténèbres. Car, la Torah est Lumière tout comme elle est Vie ! Joseph était enfermé dans la geôle où il ne pouvait exprimer son identité….

Joseph, à présent, est propulsé en pleine lumière et tout s’offre à lui : un haut poste et une délicieuse épouse : Osnat. Qui est cette jeune-femme ?

Elle est en fait la fille de Dina, sœur de Joseph, nous apprend le Tirgoum Yonathan = Yonathan ben Ouziel).   Cette si jolie jeune-fille remarquée à Shehem (Naplouse) par le fils de Hamor (Shehem)  fut abusée et, de cet « échange » naquit une fille.La vue de cette enfant fut insupportable aux yeux de Simon et Lévy notamment et, pour éviter que ne survienne un acte irréparable, Jacob jugea opportun d’éloigner sa petite-fille qui porta le nom « Osnat ». Jacob fabriqua un collier sur lequel était gravée son ascendance : « Osnat, fille de Dina, fille de Jacob ».  Le nom d’Osnat est en vérité une allusion au viol subi par Dina. Elle fut menée en Egypte.

Par ailleurs Putiphar et sa femme formaient un couple stérile. Remarquant la beauté hors du commun d’Osnat, celle-ci fut adoptée et fréquenta la haute société égyptienne.

Le midrash raconte que lorsque les jeunes filles de bonnes familles égyptiennes aperçurent Joseph, elles lancèrent vers lui des bijoux précieux et, Osnat fit de même. Lorsque le collier d’Osnat parvint aux mains de Joseph, il voulut voir cette jeune-fille d’un âge correspondant au sien, car il avait vu l’inscription du collier et comprit qu’il était question de sa nièce. Il l’épousa donc.La valeur numérique d’Osnat est de 511 allusion au fait que malgré la sordide histoire de sa naissance, elle est porteuse d’espoir :תקוה  =511)! C’est d’elle que naquirent les deux garçons Menashé et Ephraïm.

Shimshon Rephaël Hirsch[1]écrivit que la racine de ce nom (Menashé) signifie que Yossef a voulu exprimer sa reconnaissance envers l’Eternel de l’avoir en quelque sorte maintenu en vie malgré les dangers auxquels il fut confronté et qu’IL lui a permis un grand bonheur après tant d’épreuves.

L’un de mes Maîtres avait coutume de dire que la parasha de Miketz que l’on lit à Hanoucca n’est pas seulement  une leçon d’espoir, mais qu’on y trouve une lumière particulière celle de la prophétie retrouvée…  En effet il est écrit au chapitre XLII au tout premier verset וירא יעקב Jacob vit….  Car, après la tragique nouvelle de la « mort » de Joseph, Jacob perdit son sens prophétique.  Mais, tout-à-coup, il « vit » qu’il y avait du blé en Egypte, la prophétie lui laissa entendre que son fils se trouvait à la cour de Pharaon. Tanhouma exprime le fait que Jacob comprend qu’au pays du Nil il y a son fils (yesh bar). Ou qu’il y a du blé/farine[2].  Partant de toutes ces considérations,  il est donc clair que cette péricope est porteuse d’espoir et de consolation. Car si Jacob entrevoit dans cette prophétie rendue un espoir de voir sa famille réunie à nouveau elle comporte un côté sombre lui-même porteur d’espoir : ses fils réunis vont être exilés et sombrer dans les ténèbres de l’esclavage en Egypte, ils vont redevenir un peuple et regagner le pays offert par le Tout Puissant à l’ancêtre valeureux, Abraham, fondateur de la Nation juive.

Caroline Elishéva REBOUH

[1] Exégète d’origine allemande 1808-1888.

[2] Sorte de farine.