Affiche géante dans les rues de Tel Aviv montrant Netanyahu aux côtés d'Amir Ohana (à g.) et Rafi Peretz (d.). © © Oded Balilty/AP/SIPA

Amir Peretz, Orly Levy, Aryé Deri, Miri Regev… Le gouvernement d’union présenté par Benyamin Netanyahou ce 17 mai compte pas moins de dix ministres originaires du Maroc.

Benyamin Netanyahou a présenté un gouvernement d’union ce 17 mai, où la droite et la gauche sont représentées à égalité. Ce qui présage, a priori, d’une sortie de crise, après un blocage de quasiment 500 jours. Parmi les 34 portefeuilles que compte ce nouveau gouvernement israélien, figurent pas moins de dix ministres d’origine marocaine. Un fait qui n’échappe à personne, ni en Israël, ni au Maroc.

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement israélien compte plusieurs « Marocains ». En 2013, l’équipe du même Netanyahou comportait déjà un natif de Bejaâd et un autre d’Essaouira. Parmi les nouveaux ministres, on retrouve celui qui est souvent présenté comme le dauphin du Premier ministre israélien, le ministre de la Justice Amir Ohana, né de parents marocains. Autre nom, celui symbolique de Orly Levy, fille de David Levy, qui fût ministre des Affaires étrangères à une époque où les Juifs arabes étaient rarement appelés à des postes de direction politique.

Mais cette fois-ci, la proportion de « Marocains » de naissance ou d’origine est bien plus importante : dix sur 34, ce n’est pas rien. « L’arrivée de Marocains à des postes clés dans l’appareil d’État, l’armée, le Parlement, la recherche et la classe politique bouleverse la société israélienne », expliquait Perla Cohen, sociologue et historienne chargée de mission auprès du président des communautés juives du Maroc.

Les dirigeants israéliens, Netanyahou en premier lieu, sont allés à la pêche aux voix des Juifs arabes, originaires du Maghreb et du Moyen-Orient, marginalisés depuis la création de l’État israélien. Une dynamique mariée à une reconnaissance du sort des Juifs arrivés du Maroc ou du Yémen en Israël dans les années 1950, ostracisés et, pour certains, envoyés bon gré mal gré dans d’arides « zones de développement ». « Il ne faut pas oublier que les citoyens d’origine marocaine en Israël sont un peu plus de 800 000. C’est la deuxième communauté, derrière les juifs russes », rappelait Kamal Hachkar, réalisateur du documentaire Tinghir-JerusalemLes échos du Mellah (sorti en 2011).

Le nouveau gouvernement signe le retour du travailliste Amir Peretz, sans doute une des personnalités israéliennes les plus connues au Maroc. Ce dernier a grandi à Bejaâd, localité bien connue pour avoir offert à l’élite marocaine des « grandes familles » comme les Cherkaoui. La ville accueille toujours de nombreux pèlerins juifs qui se recueillent notamment devant la tombe du rabbin Yossef Gabbay.

En 2017, la venue de Peretz au Maroc pour une discrète rencontre parlementaire organisée par l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée avait déclenché la polémique. Pour de nombreux Marocains solidaires de la cause palestinienne, Peretz est avant tout un ancien ministre de la Défense, en poste durant la guerre au Liban en 2006. Trois célèbres avocats de la gauche panarabe marocaine, Abderrahim Jamaï, Khalid Sefiani et Abderrahmane Benameur, avaient essayé de porter plainte contre Peretz pour crimes de guerre. À l’époque, ils assuraient que le nom d’Amir Peretz était toujours enregistré à l’état civil marocain.

La « marocanisation » du parti travailliste

En 2017, Peretz disputait la tête du parti travailliste à Avi Gabay, né en Israël et Marocain de « deuxième génération », issu de parents casablancais. Voir deux « Marocains » en concurrence pour ce parti, qui a longtemps dominé la scène politique israélienne avant de voir sa force décliner au cours des années 2000, n’avait rien de banal. Traditionnellement, c’est un parti à la composition très européenne : Allemands, Polonais, Russes… L’arrivée de Peretz à la tête du parti en 2005 face à un Shimon Peres originaire de Pologne avait déjà été très remarquée au Maroc comme en Israël.

Affiche géante dans les rues de Tel Aviv montrant Netanyahu aux côtés d’Amir Ohana (à g.) et Rafi Peretz (d.). © © Oded Balilty/AP/SIPA

Netanyahou, faisant face à une situation politique épineuse, a ouvert les portes du gouvernement à la gauche, mais compte avant tout sur la droite pour gouverner. Et c’est bien à la droite de la droite qu’on note le plus nettement la montée en puissance d’une élite politique d’origine marocaine en Israël.

Le parti qui symbolise le plus cette progression est sans aucun doute le Shas, parti ultra-orthodoxe et souvent décrit comme le parti « sociologique » des Juifs Arabes. Aryé Deri, né à Meknès en 1959, représente cette formation comme ministre de l’Intérieur (un poste qu’il occupe depuis 2016).

Un autre représentant d’une droite dure et volontiers religieuse, alors que la scène politique israélienne était traditionnellement rigoureusement laïque dans son expression, c’est Rafi Peretz. Né à Jérusalem de parents marocains, il dirige aujourd’hui un parti crée en 2008, le Foyer juif. La presse israélienne rapporte ses propos : au gouvernement il compte défendre le principe de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Source : /www.jeuneafrique.com