PARASHAT DEVARIM 5780 du Vendredi 24 Juillet 2020- Yom Chichi 04 AV 5780
horaires Ashdod entrée  19 h 23 – sortie 20 h 24

Voici que nous approchons de 9 be Av avec la sidra de Devarim (Deutéronome) le dernier volume de la Torah….

La première des remarques à faire est qu’en général, les  premiers mots de Shemot, de Vayikra ou de Bamidbar commencent par un vav, la conjonction de coordination, au contraire de Devarim ce qui a étayé les raisonnements de nos Sages dans leurs présomptions sur ce dernier livre du Pentateuque qui est un recueil dans lequel Moïse adresse ses remontrances au peuple.

Les premiers  versets  de cette péricope nous servent de guide : tout d’abord, le Deutéronome est un livre de réprimande au long duquel Moïse admoneste le peuple rebelle que D a fait sortir d’Egypte. La première de cette suite de remarques est construite comme un mémorandum : le Prophète rappelle toutes les  étapes qui ont servi de décor à toutes les  colères divines.

Moïse déclare au peuple : voici que vous vous trouvez et pas lui puisqu’il a reçu une « peine » pour avoir frappé le rocher au lieu de lui parler  mais pas que… HaShem rétorque à Moshé Rabbénou que sur l’instant, IL n’a pas pris ombrage du fait que lorsqu’HaShem a ordonné à Moïse d’aller en Egypte pour délivrer le peuple il eut l’impudence, pourrait-on dire, de discuter avec HaShem et de LUI « conseiller » d’envoyer quelqu’un d’autre… cet excès d’humilité et de manque de confiance en lui-même, le manque de sang-froid…. Tout cela pesa lourd sur le plateau des accusations………..

Cette période de trois semaines de deuil entre le 17 tamouz et le 9 av est propice aux réprimandes et  sera suivie par des consolations beaucoup plus nombreuses que ne l’auront été les reproches.

La Tradition juive conseille, en suivant cet exemple, lorsque l’on veut adresser des remarques à quelqu’un de les enrober de compliments ou d’appréciations de manière à éviter de blesser l’ego de l’interlocuteur.  La force de ce premier « discours »  réside dans le fait que Moïse  met en exergue le fait que l’union du peuple est le ciment qui rendra cette assemblée indestructible face aux ennemis jurés des Hébreux.

Le peuple est sorti d’Egypte et il ne  tient qu’à lui de rester solide et uni face aux nations qui guettent le moindre faux-pas. Si le peuple est fidèle aux prescriptions de la Torah tout ira bien, sinon…………. Le Rav Dessler fait la lumière sur  les deux destructions du Temple qui ont eu lieu : Le Temple construit par Salomon a été détruit en -586 par Nabuchodonosor pour trois raisons qui, à elles seules, enflamment la colère divine : l’idolâtrie (avodazaraעבודה זרה),  les meurtres gratuits (shefikhoutdamimשפיכות דמים) et les relations sexuelles interdites (guilouyârayot גילוי עריות ). Ces trois infractions vis-à-vis de D suffisent en elles-mêmes à exaspérer D et à provoquer des exils, des famines etc….. Cependant, le Temple n’a été détruit qu’en partie et ses fondations ont été épargnées.  Le peuple, revenu sur ses terres après son exil à Babel, se trouva fort attristé en l’absence de résidence divine sur la terre des hommes  et, après une absence de 70 ans, le peuple n’eut de cesse que de reconstruire cette résidence divine !!

La différence entre cette destruction et celle qui eut lieu par Titus plus de 500 ans après est énorme : ce qui a entraîné ce « séisme spirituel » est que la faute qui entraîna ceci fut la Haine Gratuite (sin’athinamשינאת חינם) laquelle n’était pas vis-à-vis du Créateur  mais, vis-à-vis des humains  ignorant le commandement de ne pas haïr notre frère en notre cœur. La sanction fut terrible étant donné que dans cette destruction même les fondations du Temple ont été touchées et que plus de 1940 ans après, la haine existe toujours empêchant la reconstruction et, ce qui est tout au moins aussi grave sinon plus grave, est que nous n’essayons pas d’établir avec le Maître du Monde une véritable connexion pour Lui signifier que nous en avons assez de ne pas voir Sa résidence parmi nous et réclamer qu’IL mette fin à cette situation car nous désirons ardemment Le voir résider parmi nous.  Maintenant.

Le Rav Dessler fait ressortir encore deux points pour lesquels l’exil de Nabuchodonosor a envoyé les enfants d’Israël  en Babylonie et celui de Titus à Rome et ailleurs. C’est que, écrit-il, les trois fautes qui sont à l’origine de l’exil de Babel sont les fautes caractéristiques des peuples de l’Asie Mineure. Les fautes de Rome ou Edom sont causées par la haine de l’Autre soit par crainte de l’inconnu soit parce que ces peuples qui prêchent pour des religions d’amour n’ont en réalité que de la haine à offrir. Nous avons donc été exilés vers l’occident donc vers les pays de haine.

Les Juifs sortis d’Egypte ont (par leur conduite lors de la faute du veau d’or et des explorateurs et de leurs récriminations diverses) sectionné le lien qui les reliait à D en proclamant que le veau était désormais une divinité et en accusant (kiveyakhol) D de les avoir affranchis de l’esclavage parce qu’IL les haïssait ! Et Moïse de rétorquer : c’est parce qu’IL vous hait qu’IL vous a donné la manne pendant 40 ans?de l’eau (avec le puits de Myriam) pendant 40 ans ?que vous avez marché à l’ombre et dans la fraîcheur et sans serpents sans scorpions  pendant 40 ans ? que vous n’avez eu aucun besoin ni en vêtements ni en quoi que ce soit  pendant tout ce temps ?

Quant à Titus, voici l’explication du Rav Dessler : ESSAV et EDOM sont les mêmes. Essav a fait une mitsva très importante : le respect dû aux parents (kiboud av vaem). Néanmoins, il nourrissait en son cœur de sombres desseins pour assouvir sa haine vouée à son frère.

Ainsi, Essav montre un visage ou une apparence extérieure accueillante alors que l’intérieur (ses pensées et sa façon de vivre) est pourri.  L’occident par exemple est attirant son visage extérieur est beau mais ses pensées vis-à-vis des Juifs n’est pas si nette.

Le Roi Salomon dans l’Ecclésiaste (kohéleth) statue qu’il faut savoir quand pleurer et quand se réjouir. Pendant cette période que personne n’apprécie, nous avons coutume de nous rappeler le récit des Explorateurs à la lumière du récit desquels le peuple dans sa majorité s’est lamenté et a pleuré et le célèbre midrash d’après lequel il est dit qu’HaShem en colère de voir qu’au lieu de se réjouir du cadeau divin qu’il allait recevoir : une terre bénie en tout, ce peuple s’est lamenté et a pleuré à chaudes larmes ce à quoi l’Eternel leur a promis de leur donner une date à laquelle le peuple aurait vraiment une raison de se lamenter. Cette nuit était le 9 Av  mais, le ShlahHaKadosh[1]  nous éclaire en ceci c’est que la destruction du 1er et du 2ème Temple pour que cela n’intervienne qu’un 9 av !

Nos Sages ont décrété qu’à chaque manifestation ou chaque célébration de joie, nous avons l’obligation de rappeler la destruction du Temple : ainsi lors d’un mariage, on casse un verre, ou bien on dépose un peu de cendres sur notre front ou sur notre crâne et d’autres coutumes dans d’autres communautés mais, pourquoi pour Souccoth avons-nous l’obligation de nous réjouir avec des libations d’eau comme nous en avions l’usage lorsque les Temples existaient à tel point que la Guemara traité de Soucca rapporte : « Qui n’a pas vu la célébration de la Joie de Beith HaShoéva ne peut savoir de toute sa vie ce qu’est une véritable joie » !  Logiquement il faudrait se lamenter du fait que nous n’avons plus de Temple où célébrer cet évènement joyeux des libations…. Les Sages expliquent ceci de cette façon c’est qu’en fait, nous exprimons notre joie de l’espérance de voir se réaliser toutes les prophéties nous garantissant la future (et prochaine) venue du Messie et donc de la reconstruction du 3ème Temple dans lequel nous pourrons faire exploser notre véritable allégresse de pouvoir constater à nouveau la présence de la Shekhina parmi nous !

Les exégètes sont tous d’accord et en particulier Rabbi Hayim Falaggi[2], sur le fait que, même si nous prions trois fois par jour pour demander au Créateur de reconstruire Jérusalem nous ne  consacrons pas d’efforts particuliers pour prier intensément et crier notre désarroi devant le manque de la Présence divine et que nous ne crions pas notre désespoir !

Cette  sidra est en pleine actualité aujourd’hui où la situation mondiale est catastrophique à cause d’un virus qui a provoqué l’écroulement économique de sociétés d’articles de luxe dont les productions s’arrachaient à prix d’or et ne valent plus rien aujourd’hui, n’étant plus même cotées en bourse !!! Moïse s’est mis à exposer son point de vue au peuple après que 40 ans d’errance se soient passées dans le désert : « Assez longtemps vous avez demeuré dans cette montagne. Partez, poursuivez votre marche, dirigez-vous vers les monts amorréens et les contrées voisines, vers la plaine, la montagne, la vallée, la région méridionale, les côtes de la mer, le pays des Cananéens et le Liban, jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate. Voyez, je vous livre ce pays! Allez prendre possession du pays que l’Éternel a juré à vos pères, Abraham, Isaac et Jacob, de donner à eux et à leur postérité après eux. » Transposés en langage actuel, ces propos signifient :

 » Vous êtes restés assez longtemps à l’extérieur, partez, poursuivez votre marche (….) allez prendre possession du pays que l’Eternel a juré à vos pères…. ».

Les limites du pays s’étendent jusque vers l’Euphrate !……. mais ces dimensions furent réduites dit Shimshon Raphaël Hirsch[3]

Un midrash trouve sa place ici :  le prophète Jérémie rencontra le philosophe Platon qui semblait être complètement perdu dans ses pensées. Jérémie lui adressa la parole en lui disant qu’as-tu ? un philosophe comme toi semble totalement égaré ! Platon lui avoua :en effet, il y a un tas de choses que je n’arrive pas à résoudre ! Quels sont-ils demanda Jérémie ? Platon exposa les faits et Jérémie les résolut un à un laissant le philosophe grec totalement effaré : comment sais-tu tout ceci ? Jérémie lui répondit : vois-tu ce tas de pierres et de bois (ruines du Temple) ? Toutes les réponses que je t’ai données viennent de là !!

Platon répondit : nous ne pourrons jamais  comprendre comment même un Temple détruit peut vous inspirer tant de sagesse !

Caroline Elishéva REBOUH

[1]Yshayahou HaLévy Horwitz surnommé le ShlahHaKadosh en l’honneur de son œuvre « ShnélouhothHaBrith. Le Rav Horwitz né en 1558 et mort en1630 à Safed.

[2] Rabbi Hayim Falaggi né à Smyrne en 1788 et mort à Smyrne également en 1868 était Grand Rabbin de Smyrne (Izmir) et Président du Tribunal rabbinique.

[3]Shimshon Raphaël Hirsch né en 1808 à Hambourg et mort en 1888 à Frankfort sur le Main opposant à la réforme du judaïsme.