PARASHAT NOAH 5781 – Vendredi 23 Octobre 2020 – Yom Chichi 05 Heshvan 5781Horaires Ashdod : 17 h 40 – 18 h 36

LES SECRETS DE L’ARCHE DE NOE

A la seule lecture des chapitres consacrés à cette fameuse aventure que va vivre Noé nous nous posons de nombreuses questions concernant ce qui a précédé le décret divin de détruire le monde par l’eau, l’annonce du déluge, le grand nombre d’années consacrées à la construction de l’Arche, le rassemblement des animaux du plus grand au plus petit, la nourriture de tous ces êtres pendant tout le temps du déluge puis de l’absorption des eaux et la sortie de l’Arche.

En général, on lit tout simplement sans guère s’attarder aux différentes questions et pourtant…

Une première question évidente se pose : quelle est la raison pour laquelle HaShem ordonne à Noé de construire une תיבה et non pas un bâteau (אוניה) ? Nous trouverons la réponse un peu plus bas…..

Pour situer Noé sur le vecteur des générations précédentes, les Sages tirent un parallèle avec  le tout premier verset du premier chapitre de tehilim où il est écrit : « Heureux est l’homme qui ne suit pas les conseils des impies, qui n’emprunte pas la voie des pêcheurs et ne fréquente pas de railleurs ». L’homme heureux ici se rapporterait à Noé, et si l’on remarque les trois mots suivants sont au pluriel : résha’ïm (impies), hatayim (pêcheurs) et leytsim (railleurs) se rapportant aux générations (une assemblée) d’Enosh, du Déluge et de la Tour de Babel (dor haplaga).

Lors de la faute d’Adam, lorsqu’HaShem maudit la terre, la question fut posée au Créateur de savoir quand prendrait fin cette malédiction sur la terre et D répondit jusqu’à la naissance d’un garçon circoncis. C’est lui qui apportera la consolation au genre humain. C’est pourquoi Lémekh (en français on écrit Lamec), lorsque naquit son fils circoncis il le nomma Noah avec ces deux lettres qui commencent le mot néhama (consolation).

L’on a beaucoup disserté sur le fait qu’à l’annonce du déluge qui détruirait le monde il accepta sans mot dire pour le reste des humains mais se contenta de demander quel serait son sort…. En vérité, ce fait lui fut reproché nous disent les Maîtres du Midrash par HaShem par la suite. Nous y reviendrons par la suite, car je voudrais que nous fassions une large pause sur deux constatations : quelles sont les raisons pour lesquelles la construction dura 120 ans et pour quelles raisons également la Torah s’attarde-t-elle à détailler les dimensions de l’Arche ???

Dans la Torah les deux seuls endroits où HaShem S’attarde à détailler infiniment une construction sont la construction de l’Arche et la construction du Mishkan !!! En ce cas y aurait-il donc une similitude entre ces deux entreprises ?

En prenant appui sur des textes de divers Midrashim, de divers commentaires et du Zohar nous allons pouvoir comprendre en effet les petits secrets qui lient l’un et l’autre et comment des évènements que l’on croyait mineurs atteignent des sommets de subtilité.

Lorsqu’on compare tout d’abord les réactions d’Abraham et de Noé devant une menace d’anéantissement, Abraham prévient et prie, supplie le Saint béni soit-IL  de ne pas détruire les villes de Sodome et Gomorrhe ainsi que leur population en se livrant à des marchandages alors que Noé, reste passif. Le texte de la Torah le décrit en précisant que Noé marche AVEC HaShem alors qu’Abraham marche en AVANT comme s’il voulait frayer un chemin à l’Eternel…

Abraham tout comme Moïse plaide pour le peuple. Noé s’inquiète pour lui et sa famille.

A l’énoncé de l’ordre de construire une arche, Noé va planter des arbres qui vont lui servir à fabriquer ce vaisseau. Pourquoi n’a-t-il pas utilisé des arbres déjà existant ? Car, nous répondent les Sages, il a voulu user de prudence et ne pas utiliser des arbres qui peut-être auraient servi à un culte idolâtre. Il a fallu donc déjà donner le temps aux arbres de grandir et de les découper ensuite selon les instructions. Le Ramban[1], dans son commentaire, soutient que de la même façon qu’au Mishkan avaient lieu des miracles sans cesse[2], l’arche était un contenant de miracles énormes en voulant pour preuves : le fait que certains animaux comptent plusieurs centaines de sortes et que s’il n’y avait pas eu de miracles jamais dans ce si petit espace proposé par l’Arche tous ces animaux n’auraient pu tenir ensemble, fait remarquer le célèbre commentateur de Catalogne, d’autant qu’autant de nourriture tant pour les humains que pour les animaux n’aurait pu se conserver tout ce temps sans se gâter s’il n’y avait eu une succession de miracles. D’autre part, ajoute le natif de Gérone, l’Arche ne possédait pas de « quille »[3], son fond était plat et, si un radeau donc plat peut voguer, il n’en est pas de même pour un vaisseau devant supporter un poids important, et comptant plusieurs étages……ceci écrivit le grand philosophe ajoute un miracle de plus à la liste déjà longue, surtout lorsque l’on sait que les animaux se sont présentés de leur plein gré devant l’embarcadère. Celui-ci fonctionnait en quelque sorte comme un portail magnétique écartant d’emblée tout animal n’ayant pas le droit de pénétrer[4].

Le Midrash rapporte que si Noé avait vécu au temps d’Abraham, il n’aurait pas été choisi car il n’avait aucunement l’étoffe d’un chef (manhig). Abraham, Moïse, Shmouel HaNavi, même Guid’ôn ont prié en faveur du peuple mais pas Noah.

La Torah nous relate le fait que Noé a obéi à HaShem et a construit la Téva (l’Arche) mais il n’y est vraiment entré que lorsqu’HaShem lui a ordonné d’y entrer et à la fin du déluge, il n’en est sorti que sur l’injonction divine : « sors »! Pourquoi ? La réponse est ainsi :

HaShem n’a donné de détails et de dimensions que pour le Mishkan, c’est-à-dire la Résidence  d’HaShem au sein de Son peuple  et, ici….  Se trouvent les réponses à nos interrogations : en premier lieu le mot « téva »  תיבה se trouve être l’anagramme de בית ה’  ou La Maison de D. C’est la raison pour laquelle le Créateur S’est donné la peine de donner les dimensions de cette « résidence flottante » et c’est également pourquoi Noé n’y est entré et n’en est sorti qu’en recevant les instructions du Maître du Monde !!!

Et, que se passe-t-il au sujet du bois de ce vaisseau ? HaShem a ordonné à Noé d’enduire les parois de l’arche de bitume pour que l’eau n’y pénètre pas or qu’aurait-il dû se passer lorsque l’on sait que les eaux du déluge étaient bouillonnantes ? Le bitume fond à la chaleur!!! Et, tous les animaux et les humains auraient-ils pu supporter cette chaleur ? La lecture de textes empruntés aux divers midrashim et encore du Zohar nous permet d’apprendre que tout autour du vaisseau régnait une atmosphère agréable et respirable, ainsi, l’arche persista, et aucune créature ne souffrit de la chaleur dégagée par les eaux du déluge cantonnées beaucoup plus loin que l’arche.

Nous avons dit plus haut que Noé avait planté des arbres qui ont servi à la construction de ce navire et cela remémore le fait de Jacob plantant des cèdres à Beer Sheva : avant de « descendre »[5] en Egypte, le patriarche planta une grande quantité de cèdres car il savait par prophétie, que les Bené Israël en auraient besoin pour le Mishkan et il les désigna ce lieu à ses fils pour le temps béni où ils ressortiraient d’Egypte….

Caroline Elishéva REBOUH

 

 

[1]  Ramban = Rabbi Moshé ben Nahman de Gérone né à Gérone en 1194 et mort à Accre en 1270, Philosophe, Cabbaliste et exégète et Médecin.

[2] La Mshna Avoth détaille entre autres choses dix miracles quotidiens qui avaient lieu au Temple  comme le fait que la nourriture restait toujours chaude et fraîche, que jamais une mouche n’a été aperçue dans le Temple, que jamais personne ne s’est plein de la densité de la foule.

[3]  Terme désignant le bas de la coque d’un bâteau important.

[4]  Plus tard, dans la Torah, lors de l’épisode des filles Moabites qui devaient être ou non sauvées, le « tsits » ou diadème sacré du Cohen Gadol, servaient à distinguer les filles/femmes moabites pures des impures. Ici, l’embarcadère fait, en quelque sorte, office de diadème sacré.

[5]  Descendre n’est pas employé au sens géographique mais au sens spirituel car, d’une part le nom de Mitsrayim  fait allusion à « l’étroitesse » morale à laquelle furent confrontés nos ancêtres mais aussi par le fait que, affirment nos Sages, l’Egypte était une région dans laquelle pullulait les cultes idolâtres et où l’impureté atteignit des sommets point encore égalés.