La définition du mot nation est un groupe de personnes de même origine, partageant la même histoire, les mêmes coutumes et obéissant aux mêmes lois dans un même pays.

C’est par le mérite des patriarches avec lesquels D. a conclu une alliance, que la Terre a été promise…..aux qualités particulières puisque cette terre a la faculté de « vomir » ses habitants dans la mesure où ceux-ci ne maintiendraient pas un niveau de sainteté atteint par les pères du judaïsme, ou ne respecteraient pas les commandements contenus dans la Torah.

Il est à remarquer dans la littérature biblique que souvent Israël le peuple ou la terre sont symbolisés par la femme ou la fiancée face à son époux ou son fiancé qui n’est autre que l’Eternel…. Ainsi, dans le Cantique des Cantiques (shir hashirim), D est l’Aimé, l’heureuse fiancée est le peuple d’Israël qui devient nation en recevant en cadeau nuptial cette Terre, dot du peuple juif….

Le Maharal de Prague donne une raison à l’exil et à la rédemption : lorsque la foi du peuple juif se détache du Créateur, le peuple est dispersé, chassé de sa terre et s’en va en galout soit vers la gola…. Par contre, lorsque le peuple se rallie à D, il mérite la rédemption : la gueoula…. Comment peut-on arriver à cette conclusion ??? gola s’écrit : guimel, vav, kaled et ‘hé alors que guéoula s’écrit guimel, alef, vav, lamed et ‘hé ….. la seule différence entre ces deux mots est le alef qui symbolise D, l’unicité de D…….  condition seule et unique : sa croyance en D, son union, sa foi…..

Dans le Netsah Israël[1], le Maharal analyse ce phénomène appelé exil : le peuple se détache de ses croyances ou de sa foi, il est chassé loin de sa terre et il est dispersé parmi les nations, il perd son identité, ses particularités pour succomber à l’imitation des nations, et il perd son indépendance….et c’est là une preuve qu’aucune terre au ùonde sauf celle que nous avons reçue en dot au moment des « épousailles » avec D ne peut nous convenir….

L’exil est une cassure profonde, une rupture de la personnalité collective de la nation, et, si le peuple exilé ne peut nulle part se fixer c’est que chacun d’entre nous est un juif errant.

Le souci du juif pratiquant est de regagner sa terre promise au moment de la rédemption….. c’est pour cela que lors de la prière solennelle de la âmida ou shemona êssré nous demandons trois fois par jour :

תקע בשופר גדול לחרותנו ושא נא לקבץ גלויותינו וקבצנו יחד מהרה מארבע כנפות הארץ לארצנו :

Fais retentir le grand shoffar[2]de notre liberté… Déploie l’étendard qui doit rallier les dispersés et rassembles nous tous, des quatre coin de la terre en notre pays.

Yéhouda Halévy[3] énonce que c’est grâce au pardon et au repentir sincère que D. accorde la rédemption.

De la même façon que la peau adhère au corps humain le peuple juif adhère à sa terre et même si le peuple se détache et devient adultère, il revient toujours à un moment donné à sa destination première.

L’élection du peuple juif d’entre les autres nations ressemble à l’engagement de deux partenaires, de deux fiancés…. Cette alliance est complétée par la Torah, la terre est la dot, c’est elle qui conclut le mariage. Et en s’éloignant de la ligne de conduite à laquelle il s’est engagé, Israël devient « adultère » puisqu’il s’éloigne de son Illustre Partenaire…..pour lui préférer un « culte » étranger…..et, tout en prononçant ce vœu sincère de se trouver au prochain pessah à Jérusalem, c’est tout aussi sincèrement que l’on se replonge dans nos occupations journalières en oubliant ce vœu…..

Pourtant, nous sommes tous solidaires les uns des autres et nous nous mobilisons tous lorsque le sort atteint l’un des membres de notre peuple….Nous avons une vie particulière de peuple très particulier….. Quelle est donc notre différence ????

Nous pouvons revenir vers nos sources premières dès la moindre menace mais, en période de sérénité, nous nous écartons, nous essayons de dégager nos épaules du Joug du Royaume des Cieux.

L’exil peut-il être considéré comme un châtiment d’amour ? Une épreuve que D nous infligerait pour mesurer la profondeur de notre attachement ?  Une épreuve pour nous secouer et nous permettre de faire un retour sur nous-mêmes ?

En se basant sur le texte de la Torah, le premier exil eut lieu après le constat de la faute d’Adam et Eve où le premier couple du monde fut chassé du Jardin d’Eden…..

Tour de Babel : après la faute présomptueuse des hommes : les prémices de l’humanité sont chassés (exil).

Abraham demande à Sara de se faire passer pour sa sœur, prouvant par là son manque de confiance par  là,  va se profiler l’exil à venir du peuple juif en Egypte…..chacune de ces sanctions entraîne aussi une conséquence pour le tiers : Pharaon est obligé de rendre Sara, lorsque les enfants d’Israël sortent d’Egypte, les Egyptiens subissent les 10 plaies d’Egypte et la terre d’Egypte est durement frappée elle qui a bu le sang des esclaves Hébreux…..

Israël est puni pour son manquement envers D et celui par lequel le scandale arrive est puni pour s’en être pris aux Juifs….

La confiance en D doit être sans faille et la tradition commente l’épisode de la Genèse XIV,14 où l’on voit Abraham armer le bras de ses disciples pour libérer Loth, comme une faille dans sa foi de mêle qu’un peu plus tard, le patriarche demande à D un signe  lorsque le Créateur promet à Abraham qu’il aura une descendance (Genèse XV, 8)….

Rabbi Yohanan rattache la cause de l’exil au fait qu’Abraham ait cédé ses biens au roi de Sodome car le grand sage, dans l’analyse de cet évènement, affirme que là était le moment propice pour répandre la Gloire de D parmi les hommes et qu’en ce fait réside une faille dans la foi du patriarche…. Ce serait à ce moment précis qu’il manqua de foi, d’enthousiasme et d’initiative, afin de procéder au prosélytisme vers le camp de D, renforçant ainsi les nations au détriment d’Israël et ouvrant les portes de l’exil et de l’asservissement à sa postérité…..

Ce qui reviendrait presque à dire que les fautes commises par les pères sont endossées par les enfants pourtant, comme le remarque le Maharal, il est écrit que chacun paiera pour ses propres fautes (Deutéronome XXIV, 16). Le célèbre philosophe cabbaliste médiéval voit dans la promesse faite à Abraham : « Quant à toi, Abraham, tu arriveras en paix vers tes pères….. » que les exils ne lui sont pas imputables d’autant plus qu’il a fait preuve d’un attachement et d’un amour inconditionnel à D……..

La faute du veau d’or a l’errance pour conséquence : 40 ans d’errance dans le désert…………. Celle des explorateurs en a une autre très grave….. les Israélites se lamentèrent une nuit entière (Taânit 29a) les aînés se lamentèrent par manque de confiance en D., et ils transmirent aux petits non seulement la crainte d’être Juif mais encore ils les ont incité à pleurer eux aussi pour, d’une certaine manière, refuser le fardeau « imposé » par la foi et renier tout en bloc. Ce qui entraîna le fait que D décréta que pour les générations futures cette même nuit sera une nuit de lamentations (9 Av = destruction des deux temples suivie de deux exils)…. Les fautes étant le manque de foi, la médisance et la haine gratuite d’autant que cette haine  a entraîné le désespoir et le déni d’assumer le destin juif…..

La médisance dont il est question dans cet épisode des explorateurs touche à la Terre qui n’est pas quelque chose d’inerte mais qui st personnifiée, la terre qui vomit ses habitants, qui les tue, qui boit leur sang. Une terre qui est féconde qui fait vivre ses habitants mais qui peut se venger….. Les Sages nous enseignent que la médisance tue trois personnes : celle qui parle, celle qui écoute et celle dont on parle…. Ici, on attente à la Terre, terre natale, terre nation, terre nourricière que l’on transforme gratuitement en terre  meurtrière……… là réside la faute : mépriser et représenter cette terre qui nourrit en un monstre effrayant…..

L’exil nous priverait-il de la « shekhina » ou présence divine ? Assurément non car, le regard de D  baigne le monde et le Créateur veille sur chacun des hommes qu’Il a créés alors que l’homme tente, parfois, de se soulever et de repousser la shekhina alors que, même s’il ne veut pas le reconnaître, l’homme n’existe que grâce à D et par rapport à D.

Tant que le Temple de Jérusalem existait, le peuple était parvenu à un summum de développement…. Ce qui nous fait conclure que la chute soit un sujet d’affliction mais aussi qu’elle représente une chute spirituelle vertigineuse pour le peuple et aussi pour l’individu puisque l’âme de l’individu juif adhère au temple sans lequel elle ne pourra se concrétiser, se réaliser.

En évoquant la destruction du temple, nous devons nécessairement faire le point sur les fautes qui ont pu entraîner une situation morale telle qu’elle atteignit le paroxysme de l’insupportable. D’après la guemara Yoma 9b, le meurtre, l’idolâtrie et la débauche. En présence de ces fautes, la shekhina s’éloigne.

Les Temples ont servi de catalyseur à l’Unité du peuple. Le second tempe fut construit au retour du premier exil dit de Babylone…Le temple constituait le centre de la vie nationale. Il symbolisait de la vie en parfaite harmonie avec D. La guemara Shabbat 55a, affirme que dès le lendemain de la chute du premier temple, le mérite des pères n’a plus joué en faveur du peuple. Israël agit donc en faveur du peuple.  Israël dès lors endosse ses responsabilités. A ce propos le Maharal enseigne que dès la chute du premier temple, a pris fin la période des prophètes.

C’est à cette époque que l’on commence à mettre par écrit la loi orale qui s’est considérablement augmentée. Une nouvelle époque commence : celle du retour et la construction du deuxième sanctuaire.

C’est donc sur cette terre que le destin juif a pu s’accomplir et que le peuple a pu jouir du zekhout avot (le mérite des pères)  qui ne pourra plus compter.

Comment et pourquoi la terre en vient-elle à vomir ses habitants ? Lorsqu’elle est souillée par les « crimes » commis par ses habitants, elle les chasse et les fait tomber en exil. Cette terre est particulière comme l’est ce peuple à la vocation exceptionnelle. Terre située au point médian du monde. Le comportement du peuple doit se signaler par une existence construite sur la sainteté  et la pureté. La relation peuple-terre est elle aussi basée sur ces mêmes critères.

Dans le monde hassidique où tout est centré sur la joie, l’exil doit lui-même être accepté avec joie, élément purificateur de l’être juif.

L’exil, de par la sévérité de l’évènement, va permettre au peuple de faire un retour sur lui-même, l’exil est un moyen de conservation du peuple,  écrit Yéhouda Halévy dans le livre du Kuzari,  car le peuple tend à préserver ses traditions et les moyens de reconnaissance qui lui sont propres et lui appartiennent et le roi des Khazars rétorqua au rabbin  que le judaïsme ne peut assurer le bonheur à ses adeptes puisque le bonheur ne sied pas  aux Juifs sur terre par le fait que ce peuple a été l’objet de l’élection divine. Abaissement et pauvreté sembleraient être le lot de ceux qui veulent vivre dans la vertu et la félicité qu’ils ne goûteront que dans le monde futur car ce n’est véritablement que là qu’Israël se réalisera….

L’exil n’est pas seulement l’exécution d’une punition mais il est aussi un moyen de purification. De par la dispersion, Israël devient « missionnaire » ou représentant de D aux quatre coins du monde et participe à la vie des nations ; de par sa situation exceptionnelle, Israël rappelle aux hommes les caractéristiques de leur condition.

L’exil est encore le refus du confort, de situations fixes dans un monde étriqué de manière à éclater pour arriver à ce que les multifacettes du microcosme qu’est l’homme juif luisent et se reflètent partout dans le monde et par là-même, il arrive à réaliser l’ordre divin mis en lui : être un prêtre vis-à-vis des nations….

Les persécutions, les pogroms, les  plus dramatiques qui ont émaillé l’histoire ont pratiquement toujours entraîné un réveil national ou religieux. C’est toujours dans des situations dramatiques que l’union, l’unité du peuple se réalise et lors d’un exil, l’union se réalise encore une fois.

C’est ainsi que le Maharal de Prague voit la finalité de l’exil, ou d’un évènement tragique, en affirmant qu’il ne s’agit  pas forcément  d’une punition, d’un châtiment, mais, au contraire un signe : celui de la solidarité passant par la responsabilité particulière et collective, celle que nous éprouvons au moment de Yom Kippour …….

Le triple lien qui relie le Juif à son Créateur est constitué de l’étude de la Torah, des prières quotidiennes et l’entraide sociale….. de cette façon, le peuple  réunifié se saisit d’une dimension verticale qui le mène vers les sphères supérieures.

L’exil est un face à face : Israël-D. L’exil marque une nouvelle gestation : l’exil d’Israël est un anéantissement provisoire en vue de la gestation d’un monde nouveau. Le destin d’Israël d’après le Maharal est de subir un exil rédempteur car la dispersion est un aspect de la délivrance en marche et de l’histoire mouvante de l’Univers qui n’est qu’une révélation progressive de D.

Sortir de l’exil pour se rassembler, être délivrés, c’est sortir du néant pour le retour à l’existence. Et, si l’exil n’est pas récent et dure depuis longtemps, il ne revêt malgré tout qu’un caractère provisoire. Chaque nation est établie sur son territoire respectif comme D l’avait prévu sauf Israël et, si justement, maintenant Israël a été reconnu comme nation et qu’il y a un territoire officiel, c’est peut-être parce que nous sommes à la veille de l’ère messianique et nous nous approchons de la fin du sixième millénaire qui marque la fin du règne du mal pour l’avènement du bien…..

Nous ferons ici une parenthèse en précisant qu’à la veille de Pessah, c’est avant la fin de la sixième heure que nous devons brûler le hametz, symbole de l’orgueil, du mal, de la fermentation, agent destructeur ou agent du mal,  pour l’avènement du bien….

Lorsque nous atteindrons l’ère messianique, le monde entrera dans le monde shabbatique puisque chaque millénaire représente un jour de la semaine, aujourd’hui nous nous trouvons tout près de l’entrée du shabbat (« beyn hashemashoth » = entre chien et loup) juste au moment où va entrer la reine shabbat apportant le shalom en nos demeures et là seul entrera en conflit l’homme envers  lui-même pour s’efforcer de devenir encore plus pur, plus sain et meilleur afin de mériter d’avantage ce pays que D a promis aux Patriarches comme héritage.

Une fois de plus dans son ouvrage Netsah Israël,[4] le Maharal, énonce :  » c’est parce que ce monde n’est pas placé sous le signe de l’Unité qu’Israël est conduit à pécher : telle est l’imperfection de l’Univers découlant de sa nature même ». L’exil n’est donc que la constante révélation de D comme le signifie d’ailleurs le terme de « galouth » ou dispersion.

Il appartient à l’être humain et au Juif en particulier à mettre tout en œuvre pour que tous les efforts réunis, l’Unicité et la Souveraineté de D soient proclamées et que cela nous conduise vers notre finalité définie depuis des millénaires……

Caroline Elishéva REBOUH

 

[1] – chapitre 56

[2] Il est dit dans la tradition juive qu’au moment de la rédemption finale, un grand shoffar retentira.

[3]– Livre du Kuzari  III,19.

[4] ‘ chapitre 34