Jérusalem ne fut jamais répartie entre les tribus, elle n’appartient à aucune communauté, à aucun parti, à aucune faction. Elle appartient au peuple d’Israël dans sa totalité, tout juif est appelé à y participer; Jérusalem est le cœur spirituel qui nous réunit tous, le cœur de la nation ! Elle est l’âme, le souffle de vie qui anime le peuple d’Israël. Face à elle, toutes les divergences s’écroulent, ce qui nous divise s’estompe, ce qui nous unit se révèle.
L’idéal est ce qui nous permet d’évoluer, d’avoir une certaine prise sur le futur, de ne pas subir, de refuser l’inacceptable. L’idéaliste est celui qui croit qu’il existe quelque chose à découvrir et à réaliser, même s’il ne peut pas le prouver momentanément, ce en quoi il s’oppose au pragmatique qui campe sur sa certitude qu’il n’existe rien au-delà de la réalité visible et identifiable.

Les masses juives répondent à l’appel du retour, exigent la terre d’Israël et rêvent de Jérusalem et de nulle autre. C’est à cette terre qu’ils sont attachés par le cœur malgré son infertilité, malgré son insalubrité, malgré toutes les difficultés politiques qui y règnent alors. Cette terre est sainte par nature, il suffit de la fouler pour posséder le monde futur disent certains.

Lorsque nous sommes revenus à Jérusalem, nous y avons découvert une pierre sur laquelle était gravé le verset d’Isaïe: « Vous le verrez, et votre cœur sera joyeux, et vos membres, comme l’herbe nouvelle, en seront rajeunis ». A travers les générations, à deux mille ans de distance, le prophète nous lançait un appel à la foi et à la confiance.
La responsabilité, c’est bien le souvenir aujourd’hui de ce que j’étais hier, la continuité, le mouvement assumé et qui, parce qu’il est assumé, est peut-être créateur. Et ce mouvement, c’est l’ascension virile de soi, d’un destin, l’ascension de l’histoire. Alors, j’ai l’impression qu’on ne peut pas définir le juif en dehors de ce mouvement essentiel que sont la continuité non seulement de l’individu mais de l’histoire, la découverte, en dernière analyse, de l’histoire comme créatrice « d’imprévisible nouveauté ».

Il faut être capable de discerner ce processus géant qui a été enclenché. Si l’Eternel résout les problèmes par des miracles, est-ce un signe qu’il ne peut les résoudre sans miracles, par des voies naturelles ? Les miracles sont destinés aux individus de peu de foi, ceux qui ne croient pas sans miracles, ceux qui ont besoin d’être impressionnés par un phénomène surnaturel ».
La thora reste, indubitablement, le guide et la lumière des enfants d’Israël, pour devenir le guide et la lumière de tous les peuples. Elle s’affirme dans l’édification de l’indépendance et de la souveraineté, elle se manifeste dans l’enseignement de l’œuvre littéraire la plus célèbre : le Tanach’ (la Bible aux 24 livres et 929 chapitres). Celui-ci révèle le sens de la bienveillance divine: il est l’annonce du Temps où la paix, la connaissance, et le savoir divin seront répandus sur la terre. Et c’est ce rêve universel joint à l’espoir de possession d’une terre particulière qui constitue le paradoxe dialectique, l’armature de l’histoire d’Israël. C’est là le fait principal de l’Histoire des Hébreux qui lie, à l’avènement final, la possession de la terre par son Peuple.
Quel est donc cette vitalité secrète qui, à Jérusalem, a fait éclater, aux yeux du monde entier et à nos propres yeux, l’inévitable différence de propriétés de la notion de Juif moderne, l’indéniable substance juive de cette figure moderne que l’Histoire juive a saisi dans l’Etat d’Israël?
Or, cette cité vieille de trois mille ans, où l’herbe grandissait sur les pierres tombales, nous l’avons retrouvée non pas comme d’autres hommes retrouvent les Pyramides ou les Cathédrales, en outils de révélation, voire même de frénésie, mais en objets tout de même, extérieurs et étrangers à notre Moi.
Cette ville, cette vieille ville, cet héritage, l’un des plus vieux de notre tradition, une ruine que le peuple d’Israël a retrouvé dans les détonations des journées d’un printemps. Aux grandes heures juvéniles de l’amour, c’est comme un fiancé que l’Eternel est venu vers nous dans cette antique cité où l’attrait mystique devient beauté, charme et nostalgie. C’est comme si sous ces cieux un dais nuptial se dressait pour nous unir à Lui dans un enchantement qui faisait battre à nos cœurs la chamade

Aucun Juif ne peut rester imperturbable à cet amour, au contraire, le plus moderne, le plus jeune, le plus protégé contre le romantisme du passé, c’est dans sa rencontre avec ce Patrimoine du passé qu’il a découvert la preuve profonde de son Etre Hebreu.
Même si certains d’entre nous n’ont pas d’approche spirituelle particulière, ils participent aussi à cette communauté nationale, parfois sans le savoir.
Au-delà des attaches extérieures, il existe des liens profonds qui nous réunissent tous autour de ce prodigieux héritage spirituel qu’est Jérusalem.
L’antique cité de David baigne, du plus fort de nous-mêmes, l’élément spirituel qui est l’essence du peuple d’Israël. Seule la mission sacrée de Jérusalem peut nous associer les uns aux autres et sublimer les divergences de vues politiques et idéologiques qui nous divisent la plupart du temps. C’est le vestige le plus vieux de la tradition juive qui s’est révélé être l’élément le plus dynamique, le plus actif, le plus vivifiant et le plus rajeunissant de l’existence juive, aujourd’hui.

Quel est donc ce secret qui, à Jérusalem, a fait reluire la fatale polarité de la notion de Juif moderne?
Actuellement il est possible de répliquer que cette secrète énergie relève de la vitalité profonde de la tradition juive, son potentiel de jeunesse, son enthousiasme, son suivi permanent de l’actualité, l’ensemble des valeurs religieuses et culturelles, des rites et des symboles, des observances et des prières, qui continueront à vous être totalement étrangers si vous les approchez comme s’il s’agissait d’un simple héritage.
Mais si, comme pour Jérusalem, vous l’abordez comme une fiancée, ils vous diront soudain pourquoi et en vue de quoi vous êtes un Juif capable de retrouver l’Hébreu qui est en vous; ils vous prouveront et soutiendront votre identité Israël. L’unité d’Israël a déjà été la condition première de la construction du Premier Temple; elle sera la condition du rétablissement du ‘Troisième Temple’, ultime et éternel.
Et cette unité, faible encore il n’y a que peu de temps, s’affirme avec une force impressionnante de jour en jour. Elle est principalement Jérusalem lorsqu’Israël, dont elle façonne la conscience, redevient méritoire d’elle par son unité intérieure; c’est alors que la Jérusalem unie en elle-même intimement, redevient bonne pour Israël par son unité visible.
Les deux ensembles, Israël Un et Jérusalem Une, se redécouvrent ainsi l’un l’autre dans ce qu’ils ont de réel, d’éternel, c’est-à-dire qu’ils se redécouvrent en Lui, l’Éternel, le Dieu Vrai, le Dieu d’Israël, le Roi de Sion, en sa Torah de Sion, en sa parole de Jérusalem.
Israël et Yerouchalayim se gagnent ainsi mutuellement; ils se séduisent ainsi réciproquement par une attirance plus qu’émotionnelle. Ils ont besoin l’un de l’autre en vue de l’accomplissement de leur vocation commune. Cette invitée est une exhortation à l’approfondissement de l’être Hébreu, et de ce fait même une vocation de portée universelle, voire cosmique.
Nous te renouvelons notre serment, Jérusalem, nous nous souviendrons de toi pour l’éternité, rien n’a changé, rien ne saurait changer. C’est devenu plus difficile, rien de plus.
Nous avons toujours su gérer les situations difficiles, et nous en sommes même sortis plus grands et plus forts. Lorsque les guerres, le terrorisme et autres douleurs nous ont frappés, les pessimistes prévoyaient la mort lente de l’implantation juive et c’est exactement le contraire qui s’est passé.
Maintenant lorsque l’ombre cruelle de l’abandon de la Judée-Samarie et de Jérusalem, étend son obscure vilenie, nous sommes consignés aux premiers postes d’une lutte qui permettra à Jérusalem de rayonner pour un monde que nous voulons et que nous ferons meilleur.

Rony Akrich