Des experts ont affirmé lors d’une conférence que le pays avait besoin de garantir que la mer Méditerranée – dont Israël dépend pour l’eau potable – soit correctement gérée.

La mer Méditerranée est la porte d’entrée de 99 % des importations, elle contribue à 80 % de l’eau potable produite en Israël grâce aux usines de dessalement et elle fournit du gaz fossile pour approvisionner le pays en énergie. Il n’y a pourtant aucune stratégie maritime, aucune instance chargée de coordonner et de répondre aux activités marines et il n’y a pas de frontières définissant la Zone économique exclusive du pays qui s’étend à environ 370 kilomètres au-delà de la côte, ont averti les experts mercredi.

Israël souffre de « cécité » dans ce domaine maritime, a déclaré le professeur et contre-amiral réserviste Shaul Chorev, qui dirige le centre de politique maritime et de recherche stratégique à Tel Aviv, lors d’une conférence qui a eu lieu au centre Peres de Tel Aviv.

La marine est bien équipée pour protéger la souveraineté et la sécurité maritimes, grâce aux informations radar ou par satellite, aux patrouilles aériennes et de drones et aux capteurs terrestres qui détectent toute activité irrégulière, a commenté le colonel Sasi Hodeda, chef de l’unité marine au sein d’Israel Aircraft Industries devant les participants à ce sommet.

Mais l’armée n’est pas autorisée à prendre en charge de nombreuses autres questions maritimes, a souligné Chorev, qu’il s’agisse des accidents en mer, de la pollution, des trafics ou de la pêche illégale.

Les autres nations développées ont des instances de coordination des affaires maritimes, a-t-il été dit lors de la conférence.

En Israël, en contraste, les responsabilités pour différents aspects de la gestion de la mer, des plages et des falaises – dont un grand nombre subissent un phénomène d’érosion – sont divisées entre neuf ministères en plus d’un grand nombre d’organisations d’État, qui vont de l’Autorité israélienne des ports et de l’Autorité fiscale à la compagnie gouvernementale de préservation des falaises méditerranéennes en passant par des organismes de planification variés.

Le vice-amiral à la retraite David Ben-Bashat, ancien commandant en chef de la marine israélienne, dit avoir tenté en vain dans le passé de pousser à la création d’unités de garde-côtes israéliens qui assumeraient à la fois des fonctions civiles et militaires.

« Je ne suis pas certain que tout le monde comprenne l’importance qu’a la mer pour nous », a dit Ben-Bashat. « L’Union européenne a une Journée de la mer dans différents pays, chaque année. Nous en avions une dans le passé mais ce n’est plus le cas. La majorité des pays ont un ministre de la Mer ».

Le vice-amiral à la retraite David Ben-Bashat. (Autorisation)

Ben-Bashat a raconté avoir mis en pause son projet de création d’un forum maritime lorsqu’il a appris que le Conseil de planification national était sorti de ses attributions habituelles en produisant un document politique, une année auparavant, sur la gestion de l’espace maritime.

Ce document en hébreu, a expliqué Dalit Zilber, cheffe du Conseil de planification, a permis de cartographier les secteurs de conflit potentiel ainsi que les opportunités – dans les domaines de la sécurité, de l’agriculture marine, de la production et la distribution des ressources naturelles comme le gaz, des communications, du dessalement, des sciences naturelles et de l’environnement mais aussi du transport maritime, du sport, de la recherche et de la lutte contre l’érosion des falaises.

Le conseil de planification a proposé le choix d’une option sur trois propositions – la création d’une autorité marine, l’établissement d’un conseil maritime ou la mise en place d’une commission de pilotage interministérielle sur la base du volontariat qui se consacrerait à la mer. Si le Conseil favorisait la première option; le gouvernement a adopté la troisième, a noté Zilber.

Dalit Zilber, cheffe du Conseil national de planification et de construction. (Capture d’écran)

La commission servira « d’interlocuteur unique » pour les questions relatives aux falaises, aux plages et à la mer, a continué Zilber, mais si l’initiative est « bonne », elle ne remplace pas une autorité marine appropriée et experte.

Le vice-ministre de la Défense Alon Shuster a indiqué que suite à l’énorme pollution au pétrole qui avait touché l’État juif au mois de février, il y avait dorénavant davantage de communication entre les ministères de la Défense et de la Protection environnementale. Son personnel examine actuellement la manière dont les forces de sécurité pourraient coopérer de manière plus officielle lors des catastrophes naturelles, a-t-il poursuivi, disant que « cette pollution a été le déclencheur ».

Après la découverte de la fuite, au mois de février, environ 15 000 bénévoles avaient soutenu dans leur travail les autorités côtières, l’Autorité de la nature et des parcs et les ONG de protection de la mer EcoOcean et Zalul pour nettoyer le sable souillé depuis Rosh Hanikra, dans le nord du pays, jusqu’à Nitzanim, dans le sud. La vente de poisson de Méditerranée avait été temporairement suspendue et les plages avaient été fermées, les 17 premières rouvrant au public en date du 17 mars seulement.

L’origine de la pollution avait été attribuée à un bateau non-assuré appartenant à un ressortissant syrien, l’Emerald. Le Fonds d’indemnisation international des pollutions pétrolières de Londres a depuis accepté d’indemniser l’État pour les dégâts essuyés.

Le ministère de la Protection environnementale fait pression pour obtenir une législation qui ancrera un programme national – et des budgets – pour la préparation et la réponse à une éventuelle marée noire.

Un projet de loi, dont les phases de consultation publique et ministérielle sont terminées, a été présenté 21 ans après l’acceptation de principe par le gouvernement de l’adoption d’une telle législation. Et l’adoption de ce projet de loi est l’une des plus grandes priorités du ministère, a déclaré la directrice-générale du ministère, Galit Cohen.

Des morceaux de goudron sur une plage de la réserve naturelle de Gdor près de Michmoret, en Israël, le 1er mars 2021, après la marée noire en mer Méditerranée. (Crédit : AP / Ariel Schalit)

Galit Cohen a expliqué que l’unité de protection marine du ministère se préparait à dépenser des fonds importants en équipement et en personnel afin d’être en mesure de mieux faire face à toute future marée noire. L’unité n’attend ni législation, ni budget gouvernemental supplémentaire, a-t-elle précisé. L’argent proviendrait d’un fonds consacré à la prévention des pollutions marines, qui contient encore plusieurs dizaines de millions de shekels. Afin de couvrir les liquidités supplémentaires, le ministère envisage d’augmenter les amendes imposées aux pollueurs.

Galit Cohen a déclaré que les conclusions d’une commission réunissant les directeurs du ministère, qui avait été mise en place pour examiner la prise en charge de la marée noire de février, seraient publiées dans les prochains jours, avec des recommandations et des détails sur les budgets nécessaires à l’avenir.

La plate-forme de gaz naturel Leviathan au large des côtes d’Israël. (Albatros)

Les initiatives visant à adopter une loi sur les zones maritimes qui permettrait de déterminer les responsabilités concernant certains aspects de la gestion de la mer Méditerranée ne sont pas parvenues jusqu’à la Knesset, a indiqué un expert lors de la conférence.

Cette loi a été largement bloquée par le manque de volonté du ministère de l’Énergie de céder tout contrôle au ministère de la Protection de l’environnement. À ce jour, l’exploration pétrolière et gazière dans la zone économique exclusive d’Israël ne nécessite aucune étude préalable des risques environnementaux.

La conférence avait été organisée par Hila Ehrenreich, ancienne directrice de la Compagnie gouvernementale de préservation des falaises côtières.

source : fr.timesofisrael.com