PARASHAT PINHAS 5782 – Vendredi 16 tamouz 5782 – 15 juillet 2022
Horaires Ashdod/Tel-Aviv : Entrée 19h28 • Sortie 20h29

Chaque personne doit faire rentrer Chabbat avec les horaires de la communauté qu’il fréquente
JERUSALEM Entrée : 19h07• Sortie :20h30
PARIS-IDF :21h31 – 21h51
Marseille 20h58 •21h08
Lyon 21h09 . 22h23


UNE PLAIDOIRIE BIEN CONSTRUITE ET EFFICACE

Au cours des années précédentes nous avons étudié en profondeur la personnalité de Pinhas, petit-fils d’Aharon le Grand Prêtre et les actes qui lui ont valu tant de mérites.

Aujourd’hui nous essaierons d’analyser cette plaidoirie exemplaire concise et claire qui fut celle qui permit aux filles de Tselofhad de gagner la partie. Lorsqu’il fut question du partage des terres entre les douze tribus.

Pour ce faire, nous allons devoir tout d’abord analyser et « poster » certains principes très importants pour notre compréhension personnelle (bien que nous sachions pertinemment que nous ne saurions tout comprendre même si nous le souhaitions).

Quelle est donc l’essence du problème auquel Moshé Rabbénou se trouve confronté? Les fils d’un homme héritent de leur père car, en règle générale les filles, en se mariant, suivent leur époux là où ils habitent ou là d’où ils viennent. Moïse et ses congénères voient donc un problème se profiler au sujet de la continuité territoriale car si les filles épousent des hommes issus de tribus différentes les terrains d’une même tribu se trouveront morcelés.

Autre point : qui est Tselofhad et qui sont ces filles dont il est question ici ? La Torah à propos de Tselofhad dit qu’il est l’arrière arrière-petit-fils de Menashé lui-même fils de Joseph fils de Jacob.

Où sont ces terrains qui seront distribués et à qui le seront-ils ? Existe-t-il des critères préférentiels pour les uns comme pour les autres ?

Dans le partage des territoires entre les 12 tribus, il est d’abord à prendre en ligne de compte qu’il n’y eut de partage qu’entre 11 tribus étant donné que la tribu des Lévy n’avaient pas de territoire à eux à proprement parlé puisque les Lévy devaient fonctionner dans tout le territoire.  Les tribus à avoir un territoire au-delà des rives du Jourdain  furent : Réouven qui exprima son désir de s’implanter au-delà des rives du Jourdain pour avoir des territoires vastes et bien arrosés pour leurs troupeaux et, ce furent les mêmes raisons avancées par Gad et une partie de Menashé).

Puis,  à partir d’un peu au Nord de Tsidon (Tyr) et jusqu’à Kadesh Barnéa au Sud, tout ce pays bordé à l’Ouest par la Mer Méditerranée et à l’Est par le fleuve du Jourdain ce territoire fut partagé par les tribus de Asher et Neftali (longitudinalement) puis au pied de ces deux tribus les petits territoires de Zevouloun et Issakhar, l’autre partie de Menashé, puis Dan et Ephraïm pour le centre du pays, puis, pour la région de Jérusalem Binyamin, le territoire de la tribu de Yéhouda s’étend sur toute la partie au Sud de Jérusalem et presque tout le Neguev avec, en son centre, Beer Shéva et tout un grand périmètre pour la tribu de Shimon.

Les Sages qui, on le sait, s’empressent toujours d’analyser les textes avec amour et perspicacité, relèvent des différences lexicologiques dans les nombreuses interventions des héros bibliques rapportées au long des chapitres tout comme la revendication de son identité par Joseph le Juste lorsqu’il découvre son identité aux Egyptiens : (genèse XL, 15) גנב גנבתי מארץ העברים וגם פה לא עשיתי מאומה כי שמו אותי בבור.

J’ai été enlevé du pays des Hébreux et ici aussi je n’ai rien fait quand on m’a mis dans ce cachot.

Ainsi disent les Sages Joseph revendique son identité hébraïque et il s’en réclame, contrairement à Moïse qui, lorsqu’il arrive à Midiane et défend les filles de Yitro qui présentent ce « héros » à leur père :

ותאמרן : איש מצרי הצילנו מיד הרועים.

Elles dirent à leur père : un homme Egyptien nous a sauvées des autres bergers.

Et à cette occasion, Moïse ne dit rien sur son identité. Aussi dirent les Sages, le grand prophète ne tenta pas du tout de détromper les jeunes-filles. Ce qui entraîna les Sages fort loin dans leur réflexion : en effet, écrivirent-ils, lorsque Joseph est tout près de la mort il fait prêter serment à ses enfants de transporter ses ossements à Sichem/Naplouse sur un terrain que Jacob avait acquis, tout comme Abraham avait acquis la grotte de Makhpela pour être sûr d’être ensevelis sur cette Terre doublement leur d’une part car offerte par D et, d’autre part car elle leur appartient en propre.  Il est à remarquer, d’ailleurs, que chacun des douze fils de Jacob fut enterré en Canaan et non pas en Egypte. Car, bien qu’ils aient respiré l’air de l’Egypte, ils avaient préservé leur corps et leur âme des impuretés existant dans ce pays d’exil en observant les règles de vie que leur avait enseigné Abraham en premier lieu, puis Isaac et enfin Jacob.

Ceci nous amène naturellement au sujet de notre parasha : Tselofhad fils de Hefer, de la tribu de Menashé, avait été jugé et puni de mort car il avait été surpris en train de ramasser des branchages et du bois pendant shabbat. Ce travail étant interdit au cours du shabbat, le tribunal condamna cet homme à mort. Or, quel était le sujet de cette affaire ? Lorsque la Torah fut promulguée, les Bené Israël étaient dans le désert et, la question qui se posa fut de savoir si ces lois du respect de shabbat entre autres devaient être appliquées dès lors ou seulement en arrivant en Terre de Canaan. L’autre question était de débattre de la gravité de la punition qui serait appliquée à chaque transgression. Tselofhad, était d’avis qu’il fallait adopter les commandements et les respecter immédiatement quant à la gravité de la punition il voulut se prêter à l’expérience pourrions-nous dire et, c’est ainsi que se faisant prendre en train de ramasser du bois mort pendant shabbat et dans le désert, il servit la cause publique en leur faisant entendre qu’il ne fallait rien déprécier dans la Torah mais, au contraire, appliquer les lois avec le plus grand sérieux.

Voici donc le moment où les 5 filles de Tselofhad[1] avec Mahla en tête et ses 4 autres sœurs, se présentent devant Moïse, Eléazar HaCohen, et tous les « grands » du peuple pour présenter leur requête qui, ne se perd nullement en verbiages inutiles mais pose des faits très concrets : leur père est mort dans le désert, il  ne faisait pas partie de la faction de Korah, il est mort par sa faute et, il n’avait pas de fils et il aimait le pays avant même de le voir et n’aurait pas souhaité voir sa parcelle de terrain disparaître.

Ces quelques mots contiennent un nombre impressionnant d’informations que voici : Tselofhad est mort dans le désert cela signifie que ni lui ni aucun membre de sa famille n’ont fait partie de tous ceux qui se sont lamenté au retour des envoyés en « espionnage » sur la terre promise, ils ne font donc pas partie de ceux qui sont morts dans le désert pour cette faute, il n’a pas fait partie des révoltés soulevés par Korah, Datan ou Aviram, il est mort pour sa propre faute cité plus haut.

Or il existe dans les règlements d’héritage deux principes : le premier étant que seuls les garçons héritent de leur père et ensuite lorsqu’un homme est condamné par le Beith Din son avoir revient au Beith Din MAIS, si l’homme est mort innocent, son avoir revient à ses fils. Qu’en est-il donc de Tselofhad et de ses biens ?

Mahla tient tête à Moïse qui lui dit que Tselofhad fut condamné à mort et, la fille aînée, certaine de ce qu’elle avance met en épingle tout l’altruisme de son père qui s’est « dévoué » pour le bien d’Israël en prouvant que les lois de shabbat étaient applicables dès qu’elles ont été promulguées et qu’elles comportaient aussi de graves punitions : COUP DE THEATRE : HaShem intervient pour dire que cela était EXACT et qu’en conséquence son héritage était entier !!!!!

Auquel cas, les Sages s’interrogent une fois de plus sur un point très particulier : comment a-t-il pu se faire que sur tout le peuple d’Israël seule la famille de Tselofhad ne comptât aucun mâle ?  En effet, nous dit le Midrash : après que fût promulguée la Torah et les 613 commandements, les couples virent s’accomplir un miracle de plus : chaque épouse se trouva enceinte et naquirent 600000 bébés mâles. Mais, Tselofhad était déjà mort… Il était donc, en effet une famille, où il n’y avait pas d’héritier mâle !!

Restait une allégation qui eût pu faire s’effondrer toute cette plaidoirie de Mahla: l’amour d’Eretz Israël  !!! En effet, certaines des tribus d’Israël avons-nous écrit plus haut avaient jeté leur dévolu sur les vastes territoires situés au-delà des rives du Jourdain : les tribus de Gad et de Réouven qui préféraient les plaines, les vallées les monts situés à l’est du Jourdain pour que leurs troupeaux puissent y pulluler à leur aise. Ce fut le cas aussi d’une partie des descendants de Menashé mais pas de tous les descendants de Menashé. Aussi, aurait-on pu prétexter, Mahla aurait-elle pu se voir proposer des terrains situés à l’est du Jourdain mais, débordante d’amour pour la terre des patriarches, elle lutta pour obtenir un terrain sur le territoire même de la Terre d’Abraham qui constitue en fait tout le centre d’Israël.

L’argumentaire de cette affaire constitua en conséquence celui de la première avocate d’Israël.

Caroline Elishéva REBOUH

MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

[1] Mahla (dont le nom indique qu’elle est tout entière tournée vers le pardon « mehila ») Noa, Hogla, Milka et Tirtsa.