Une histoire vraie

Dans les années 2000, un couple d’amis proches de Philippe Le Guay a décidé de vendre leur cave à un homme qui souhaitait entreposer des archives. Ils ne se sont méfiés de rien et ont donné la clé en même temps qu’ils ont encaissé le chèque.


Ce scénario est digne d’un cauchemar. Un couple parisien vend une cave dans l’immeuble où ils habitent à un ancien professeur d’Histoire qui a l’air, a priori, absolument génial. Deux semaines plus tard, ils découvrent qu’il y a emménagé. Pire encore, le couple découvre que le nouveau locataire est un négationniste antisémite … et que le droit de propriété rend son expulsion presque impossible.

Ce film, sorti en octobre 2021 en France, s’inspire d’une histoire vraie. Le thriller psychologique « L’homme de la cave » a été écrit et réalisé par Philippe Le Guay. Le film français est sorti le 27 janvier à New York, suivi de projections à Los Angeles et dans d’autres villes américaines.

« C’est vraiment arrivé à un couple que je connaissais personnellement », a déclaré le réalisateur Le Guay dans une interview récente.

Dans le film, l’architecte Simon Sandberg (Jérémie Renier) et son épouse Hélène (Bérénice Bejo), technicienne médicale, commettent l’erreur d’accepter le paiement de Jacques Fonzic (François Cluzet) et de lui donner la clé de leur cave avant de lui céder l’acte de propriété. Selon la loi française, la remise d’une clé en échange d’une somme d’argent constitue une vente, de facto. Entre l’échange et le rendez-vous chez l’avocat pour finaliser les papiers de la vente, les Sandberg prennent connaissance des convictions de Fonzic, mais il est déjà trop tard.

Fonzic, un professeur d’Histoire de lycée licencié pour avoir enseigné des contre-vérités à ses élèves, prétend être perpétuellement incompris. Pour lui, il n’est qu’un penseur indépendant qui pose simplement des questions sur ce que le monde considère comme des faits avérés.

«Mais contrairement à ce qui se passe dans le film (le mari est juif et la femme ne l’est pas), les époux dans la vie réelle sont tous deux juifs », a déclaré le cinéaste Le Guay.

S’exprimant depuis Paris, Le Guay a expliqué qu’il avait choisi de les dépeindre comme un couple marié parce qu’il n’est pas juif et qu’il voulait que cette perspective apparaisse dans le film. C’était une façon de montrer que le négationnisme n’est pas seulement un affront et un danger pour les Juifs, mais pour tout le monde.

« L’autre raison de ce mélange de cultures est que la femme [non-juive] est presque plus touchée et exposée par cet antagonisme. Elle est beaucoup plus réactive parce qu’elle est très à cran et nerveuse à ce sujet. Pendant ce temps, le personnage principal [le mari], qui est juif, est plus facile à vivre. Il ne défend pas son identité. Cela donne un contraste et une opposition très intéressante entre les deux personnages », a déclaré Le Guay.

Au fil du temps, cependant, la bonhomie de Simon Sandberg est mise à l’épreuve, car il est de plus en plus frustré par les obstacles juridiques à l’expulsion de Fonzic. Lorsqu’il apprend que sa fille impressionnable a été influencée par le théoricien du complot, sa rage se transforme en violence.

Le personnage de Fonzic est inspiré en partie par le négationniste français Robert Faurisson. Ancien professeur de littérature française à l’université de Lyon, il a affirmé qu’il n’y avait pas eu de chambres à gaz à Auschwitz et que les Juifs déportés étaient morts de maladie et de malnutrition. Faurisson a été démis de ses fonctions en 1991 et a été poursuivi à plusieurs reprises après que la France a fait du négationnisme un délit pénal en 1990. Ami et honoré par de célèbres antisémites, Faurisson est mort en 2018.

Le Guay saisit l’occasion du film pour explorer les différences au sein de la famille Sandberg en termes d’identité juive, qui sont mises en évidence par la crise avec Fonzic. Hélène, bien que non-juive, s’implique plus que quiconque dans l’histoire de la Shoah de la famille de son époux, tant sur le plan intellectuel qu’émotionnel.

« La base de l’histoire est déjà une métaphore. Je n’ai rien eu à inventer. Avoir cet homme dans la cave est une métaphore de tous les bas instincts de haine, de mépris et d’ambivalence. Toutes les choses qu’on veut réprimer et ignorer dans la vie, on les met au sous-sol. Et cet homme est comme un symbole, une métaphore de cette situation. Je devais raconter l’histoire, et la métaphore parlerait d’elle-même », a déclaré Le Guay.

Selon le réalisateur, il est impératif de ne pas ignorer les paroles et les actes des négationnistes contemporains et des théoriciens du complot comme Fonzic, qui passent de la prétention à soulever des questions à l’abandon progressif de la vérité, de l’Histoire et de la réalité.

« La perversité de la pensée de ces types… comment ils déforment la réalité et disent qu’ils ne prétendent pas que cette chose n’a pas eu lieu, mais demandent si nous détenons vraiment la preuve et la vérité. Ce n’est pas une manière de trouver une vérité différente mais au contraire c’est vouloir détruire la vérité. C’est une façon de penser qui est entièrement destructrice », a déclaré Le Guay.

Les dégâts causés par ces personnes peuvent avoir un énorme impact social et politique, mais ils peuvent aussi affecter les choses à une échelle beaucoup plus intime.

Le stress, lié à la présence d’un négationniste dans leur cave, a conduit le vrai couple sur lequel le film est basé à se séparer. Dans le film, les Sandberg sont déchirés mais finissent par se réunir.

« Ils parviennent à se retrouver, mais on voit qu’ils sont marqués à vie », a déclaré Le Guay.

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