Un rapport sur l’antisémitisme dans le monde de l’Université de Tel-Aviv en collaboration avec la Ligue antidiffamation (Anti-Defamation League -ADL), publié comme chaque année à la veille du Yom HaShoah, révèle une augmentation en flèche du nombre d’incidents antisémites dans les pays occidentaux en 2023 par rapport à 2022. Selon le Prof. Uriya Shavit, directeur du Centre d’études sur le judaïsme européen contemporain de l’Université : « Nous ne sommes ni en 1938, ni même en 1933 ; pourtant, si la tendance actuelle se poursuit, le rideau risque de tomber sur la possibilité de mener ouvertement une vie juive dans l’espace public en Occident ».

antisemitism report 24 cover580 0 1Une augmentation particulièrement forte a été enregistrée à la suite de l’attaque du 7 octobre, mais les neuf premiers mois de l’année 2023, avant le début de la guerre, ont également été témoins d’une augmentation du nombre d’incidents par rapport à 2022 dans la plupart des pays comptant d’importantes minorités juives, notamment les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Italie, le Brésil et le Mexique.

Un incendie déjà hors de contrôle

« Le 7 octobre a contribué à propager un incendie qui était déjà hors de contrôle », indique le rapport. Selon ses données, la police de New York, la ville qui compte la plus grande population juive dans le monde, a enregistré 325 crimes de haine anti-juive en 2023 contre 261 en 2022 ; la police de Los Angeles en a enregistré 165 contre 86, et celle de Chicago 50 contre 39.

La Ligue antidiffamation a enregistré 7 523 incidents antisémites aux USA en 2023 contre 3 697 en 2022 (et selon une nouvelle définition plus large, 8 873) ; le nombre d’agressions est passé de 111 en 2022 à 161 en 2023 et celui d’actes de vandalisme de 1 288 à 2 106.

D’autres pays également ont connu une augmentation spectaculaire du nombre d’attaques antisémites, selon les données recueillies par le rapport auprès des agences gouvernementales, des autorités chargées de l’application de la loi, des organisations juives et des médias. En France, le nombre d’incidents est passé de 436 en 2022 à 1 676 en 2023 (le nombre d’agressions physiques passant de 43 à 85) ; au Royaume-Uni, de 1 662 à 4 103 (agressions physiques de 136 à 266) ; en Argentine de 427 à 598 ; en Allemagne de 2 639 à 3 614 ; au Brésil de 432 à 1 774 ; en Afrique du Sud de 68 à 207 ; au Mexique de 21 à 78 ; aux Pays-Bas de 69 à 154 ; en Italie de 241 à 454 et en Autriche de 719 à 1 147. L’Australie a enregistré 622 incidents antisémites en octobre-novembre 2023, contre 79 au cours de la même période en 2022.Antiseitism report 23 2

Le rapport souligne que, même si des augmentations spectaculaires de ces chiffres ont eu lieu après le 7 octobre, la plupart de ces pays ont également connu une croissance relative des incidents antisémites au cours des neuf premiers mois de 2023, avant le début de la guerre.

Bien avant le 7 octobre

En France, par exemple, le nombre d’incidents entre janvier et septembre 2023 est passé à 434 contre 329 au cours de la même période en 2022 ; en Grande-Bretagne – de 1 270 à 1 404. En Australie, 371 incidents ont été enregistrés entre janvier et septembre 2023, contre 363 pour la même période en 2022. En revanche, l’Allemagne et l’Autriche, où sont appliqués des programmes nationaux de lutte contre l’antisémitisme, ont connu une baisse dans les mois de janvier à septembre 2023.

Selon le Prof. Uriya Shavit, directeur du Centre d’études sur le judaïsme européen contemporain et de l’Institut Irwin Cotler de l’Université de Tel-Aviv : « Nous ne sommes ni en 1938, ni même en 1933; pourtant, si la tendance actuelle se poursuit, le rideau risque de tomber sur la possibilité de mener ouvertement une vie juive dans l’espace public en Occident, de porter une étoile de David, de fréquenter les synagogues et les centres communautaires, d’envoyer ses enfants dans des écoles juives, de créer des cellules étudiantes juives sur les campus ou parler l’hébreu ».

« Alors que les alertes à la bombe contre les synagogues deviennent un phénomène quotidien, les manifestations du judaïsme en Occident sont obligées de se dérouler à l’abri, et plus elles le font, plus le sentiment de sécurité et de normalité est ébranlé. La lutte contre l’antisémitisme nécessite à présent des interventions policières, juridiques et éducatives concentrées dans les centres les plus venimeux, et des objectifs clairs et accessibles. Il faut avant tout mettre fin à une situation dans laquelle les grands réseaux de communication gagnent beaucoup d’argent en répandant une grande haine ».

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« L’un des plus grands défis de notre époque », ajoute le Prof. Shavit, « est de savoir comment se mobiliser pour la lutte contre l’antisémitisme sans en faire la définition de l’identité juive ».

Un tsunami de haine

Le PDG mondial de l’ADL, Jonathan Greenblatt, a déclaré pour sa part que : « L’horrible attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre a été suivie par un tsunami de haine contre les communautés juives du monde entier. Un antisémitisme sans précédent depuis la seconde guerre mondiale a explosé dans les rues dans les rues de Londres et de New York, Paris, Santiago, Johannesburg et autres. Le rapport de cette année est incroyablement alarmant, avec des niveaux d’antisémitisme sans précédent, y compris aux États-Unis, où l’année 2023 a vu le plus grand nombre d’incidents antisémites jamais enregistrés par l’ADL. L’antisémitisme n’est pas seulement une question abstraite. C’est une menace réelle pour la vie des Juifs du monde entier. Notre histoire nous enseigne que nous n’avons pas le luxe de rester indifférents dans des moments comme ceux-ci. Nous devons être lucides sur les menaces auxquelles nous sommes confrontés et y faire face avec détermination ».

« L’explosion de l’antisémitisme constitue non seulement une menace pour les Juifs, mais elle est également toxique pour nos démocraties », écrit l’ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, Irwin Cotler, qui propose dans le rapport un plan détaillé en 11 points pour lutter contre le phénomène à l’échelle mondiale. « Elle constitue une attaque contre notre humanité commune et une menace permanente pour la sécurité de tous les humains. Les Juifs ne peuvent pas le combattre à eux seuls, et encore moins le vaincre. Ce qu’il faut, c’est une conscience commune, un engagement et une action de l’ensemble des gouvernements et des sociétés pour combattre la plus ancienne et la plus meurtrière des haines ».antisemitism report 23 3

Le rapport de 150 pages comprend des essais approfondis sur les manifestations d’antisémitisme dans les différents pays, ainsi qu’une étude sur les profils des diffuseurs de contenus antisémites sur X (anciennement Twitter). Il examine, entre autres, la prolifération des discours antisémites dans le monde arabe, en Turquie et en Iran après le 7 octobre et retracent leurs racines, affirmant que « toutes négociations diplomatiques futures doivent donner la priorité à l’éradication de l’antisémitisme dans les sociétés arabes ».

Les marges empiètent sur le centre politique

Le rapport note que le discours de haine s’étant déjà exprimé avant le lancement de la campagne israélienne à Gaza, y compris sur les principaux campus universitaires, il n’y a pas lieu de considérer la récente vague d’antisémitisme comme une réaction émotionnelle à la guerre. « Certains attaquants antisémites soulignent que leur problème concerne Israël et non les Juifs, puis attaquent les Juifs et les institutions juives ».

Le Dr. Carl Yonker, chercheur au Centre pour l’étude du judaïsme européen contemporain, a noté que : « Contrairement aux idées reçues, les attaques antisémites aux Etats-Unis après le 7 octobre proviennent également de l’extrême droite. Les néo-nazis, les suprémacistes blancs et d’autres ont glorifié le Hamas et utilisé la guerre pour diffuser une propagande antisémite au côté de théories complotistes, selon lesquelles la crise favoriserait le ‘remplacement’ de la majorité blanche en Occident par des migrants venus du Moyen-Orient. Aux États-Unis, les marges empiètent sur le centre politique, à droite comme à gauche, ce qui rend la lutte contre l’antisémitisme beaucoup plus compliquée ».

Le rapport souligne l’impossibilité d’obtenir des données fiables sur le nombre d’incidents antisémites en Russie. Un chapitre détaillé du rapport examine la rhétorique antisémite du dictateur russe Poutine et des membres de son régime, rappelant qu’« au début de l’année 2023, le grand rabbin de Moscou en exil, Pinchas Goldschmidt, a appelé les Juifs de Russie à quitter le pays avant de devenir des boucs émissaires. Malheureusement, 2023 a confirmé les paroles de ce chef religieux sage et courageux ».

France (population juive : 442 000 personnes)

En France, pays qui abrite la plus grande population juive d’Europe et la troisième au monde en dehors d’Israël et des États-Unis, les intellectuels et les rabbins expriment leur incertitude quant au fait que leurs enfants et petits-enfants bénéficient de la même sécurité, de la même liberté et du même sentiment d’appartenance qu’eux.

En coopération avec le ministère de l’Intérieur français, le Service de Protection de la Communauté Juive (SPJC) a enregistré 1 676 incidents antisémites en 2023, contre 436 en 2022, 589 en 2021, 339 en 2020 et 687 en 2019. Parmi les incidents enregistrés en 2023, 1 242 se sont produits entre octobre et décembre 2023, contre 107 sur la même période en 2022. Le nombre d’incidents entre janvier et septembre 2023 (434) était également plus élevé qu’au cours de la même période en 2022 (329), mais moins qu’au cours de la même période en 2021 (472).

85 incidents antisémites impliquant des violences physiques ont été enregistrés en 2023, contre à 43 en 2022, 60 en 2021, 44 en 2020 et 45 en 2019. Parmi les actes de violence : l’entrée effraction d’un agresseur dans une crèche de Champigny sur Marne, menaçant sa directrice juive avec un couteau et la tentative d’assassinat, en novembre 2023, d’une femme juive poignardée à son domicile à Lyon.

Les 102 incidents de vandalisme constituent une augmentation par rapport à 48 en 2022, 68 en 2021 et 54 en 2020. Ils viennent de dépasser les 101 incidents enregistrés en 2019. Près de 60 % des incidents enregistrés par le SPJC en 2023 ont ciblé des personnes, soit par des violences physiques, des comportements menaçants, et des lettres ou des pamphlets, plutôt que des biens. Parmi les comportements menaçants : une menace anonyme de faire exploser 20 écoles juives de la région parisienne fin octobre 2023. Ces menaces ont provoqué l’évacuation d’un certain nombre d’écoles.

Comme ailleurs, les atrocités islamistes commises contre les Israéliens ont entraîné une forte augmentation des attaques contre les Juifs locaux. Du 7 octobre au 12 décembre 2023, 484 incidents antisémites ont été recensés à Paris seulement, contre les 436 incidents recensés sur toute la France sur l’ensemble de l’année 2022.

« Cette hausse ne doit pas être considérée comme une explosion isolée », note le rapport. « Même dans des années relativement calmes, les attaques ont été nombreuses. Depuis 2010, environ 40 000 Juifs français ont émigré vers Israël, ce qui place la France à la troisième place pour l’Aliyah après la Russie et l’Ukraine ».

Lire le rapport complet (en anglais)
Photo 3 : Le Prof. Uriya Shavit (Crédit: Université de Tel-Aviv)

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