Accueil Favoris La vérité n’appartient à aucun camp par Rony Akrich

La vérité n’appartient à aucun camp par Rony Akrich

0

À propos de la responsabilité, de l’intégrité et des mécanismes de refoulement dans la conscience israélienne. Il y a un moment où l’homme doit s’arrêter, respirer profondément, et se regarder dans le miroir intérieur de l’intégrité intellectuelle.

La récente émission télévisée, qui se voulait un simple reportage sur la conduite de la campagne contre l’Iran, s’est révélée, à mes yeux, une leçon vivante. Elle m’a appris beaucoup sur l’état problématique de la culture publique et politique en Israël. Ses participants n’en ont pas pris conscience. Au centre du journal de la chaîne 12 se trouvait Nir Dvori, correspondant militaire chevronné, que j’ai généralement tendance à estimer pour son sérieux, sa connaissance et son professionnalisme. Il a exposé en détail les succès d’Israël de ces dernières semaines. Le Mossad, l’armée de l’air, les opérations de grande envergure, les services de renseignement ont reçu des honneurs à juste titre. Mais, chose étonnante, ou plutôt, désormais, chose attendue, un acteur décisif manquait entièrement au tableau : l’échelon politique. La direction. Le pouvoir exécutif. Et surtout : le Premier ministre, Benyamin Netanyahou.

C’est précisément là que se situe le nœud du problème. Lorsqu’un échec, comme la débâcle du 7 octobre — survient, tous les projecteurs sont braqués sur le Premier ministre, présenté comme l’unique créateur de la réalité sécuritaire d’Israël. Mais lorsque l’on parle de réussites complexes, de stratégies de long terme bien menées, on présente soudain l’État comme un organisme sans tête. On dit que les branches sécuritaires y agiraient de manière autonome, sans directives politiques, sans décisions gouvernementales, sans politique structurée pour guider leur action. Ce n’est pas là une simple erreur journalistique : c’est un phénomène profond de refoulement mental, courant et récurrent.

Depuis des années, et plus encore depuis que Netanyahou est devenu pour beaucoup le point focal d’une hostilité irréductible, un mécanisme psychologique sophistiqué s’est mis en place : Des réussites ? On les attribue à « l’appareil ». Des échecs ? Netanyahou est coupable. Quand cela arrange, on le présente comme un despote centralisateur. Quand cela dérange, on décrit l’État comme une machine autonome, prétendument indépendante des décisions de son leadership politique. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne la réalité.
L’appareil de sécurité, aussi professionnel, déterminé et dévoué soit-il, ne fixe pas seul ses objectifs stratégiques. Il ne déclenche pas des guerres de sa propre initiative. Il ne tisse pas d’alliances internationales par lui-même.

Tout cela découle uniquement des décisions de l’échelon politique, du gouvernement, et au sommet, du Premier ministre, sur les épaules duquel repose la responsabilité suprême de la vie et de la mort de l’État. Le combat contre l’Iran n’est pas une simple série d’opérations ciblées. C’est une confrontation stratégique, vaste, prolongée, multidimension-nelle, qui s’étend sur de nombreuses années, dans divers champs de bataille, avec des fronts diplomatiques internationaux complexes.

Ce jeu n’implique pas seulement l’Iran et le Hezbollah, mais aussi les États-Unis, l’Arabie Saoudite, les Émirats, la Jordanie, les pays européens, la Russie. Un réseau d’intérêts complexes est en jeu, qui exige une gestion politique rigoureuse, prudente et parfois audacieuse. Il ne consiste pas en une « succession d’opérations de Tsahal », mais en une politique cohérente mise en œuvre au fil des années, et qui prend aujourd’hui tout son sens.

Ironiquement, c’est dans cette même émission qu’a surgi une rare lueur d’intégrité intellectuelle : Yaron Avraham — que je ne compte pas parmi mes références habituelles, a stoppé la discussion et dit avec honnêteté : On ne peut pas faire porter à Netanyahou seul la responsabilité du 7 octobre. Vérité. La responsabilité de l’échec est systémique, transversale, globale. Et dans le même souffle, on doit le dire avec droiture : la responsabilité de la politique profonde qui guide Israël dans cette confrontation complexe avec l’Iran incombe en premier lieu à l’échelon politique.

Mais les minorités progressistes de la société israélienne peinent aujourd’hui à accepter la réalité politique et publique dans toute sa complexité. Elles préfèrent des divisions binaires, un manichéisme malsain qui les conduit tour à tour à une admiration aveugle ou à une haine irréfléchie. La capacité de formuler un jugement nuancé, ici une faute grave, là un succès indéniable, tend à disparaître. Or, une démocratie en bonne santé repose précisément sur cette aptitude : savoir embrasser l’ensemble d’une situation, en reconnaître les réussites comme les échecs, même lorsque la vérité dérange l’agenda idéologique de son propre camp.

Les responsabilités liées aux défaillances du 7 octobre devront être pleinement examinées. Mais cela ne saurait occulter un fait essentiel : la campagne actuelle menée contre l’Iran est orchestrée par ce même gouvernement, et elle requiert du courage dans les décisions ainsi qu’un sens aigu des responsabilités de la part des dirigeants. Il est temps de l’affirmer clairement : la vérité n’appartient à aucun camp.

Rony Akrich pour Ashdodcafe.com

A 69 ans, il enseigne l’historiosophie biblique. Il est l’auteur de 7 ouvrages en français et 2 à venir sur la pensée et l’actualité hébraïque. « Les présents de l’imparfait » tome 3 et 4 seront ses 2 prochains ouvrages. Un premier livre en hébreu pensait et analysait l’actualité hebdomadaire: «מבט יהודי, עם עולם», il sera suivi par 2 autres ouvrages tres bientot. Il écrit nombre de chroniques et aphorismes en hébreu et français publiés sur les medias. Fondateur et directeur de l’Université Populaire Gratuite de Jérusalem et d’Ashdod. Il participe à plusieurs forums israéliens de réflexions et d’enseignements de droite comme de gauche. Réside depuis aout 2023 à Ashdod après 37 ans à Kiriat Arba – Hevron

Ashdodcafe.com
Vous pouvez nous retrouver tous les jours sur notre groupe whatsapp et recevoir notre  newsletter hebdomadaire en vous y inscrivant.

Quitter la version mobile